L'exposition "Prière de toucher" est une invitation à faire ce qui, d'ordinaire, est interdit. Toucher des œuvres d'arts. Composée de sculptures confiées par plusieurs musées, l'expo tourne depuis 2016 en France et vient de s'installer au Musée d'Arts de Nantes. Pour les malvoyants bien sûr, mais pas seulement.
Le groupe composé de sept malvoyants et de leurs accompagnateurs de l'association Valentin Haüy, s'avance dans la petite salle, au premier étage du Musée d'Arts de Nantes.
Laetitia Ducamp, médiatrice du musée qui a travaillé avec Adeline Collange-Perugi, conservatrice responsable des collections d'art ancien, sur la venue de cet événement, leur a fait une présentation du principe de cette exposition avant de les laisser la "toucher".
"D'habitude, quand je fais des visites avec des enfants, leur raconte Laetitia, je leur dis d'essayer de ne pas toucher parce que si des milliers de personnes touchent les œuvres, elles se détériorent. Là, je vous dis : prière de toucher ! Le message est clair."
Elle passe ensuite de binôme en binôme (malvoyant/accompagnateur) et donne quelques informations sur les œuvres exposées aux mains des visiteurs.
"On sent bien les doigts qui tiennent la gerbe"
Aller au musée n'est pas une idée de sortie évidente quand on est non-voyant ou même malvoyant.
"Ça m'arrive, je suis accompagné par ma femme qui est mise à contribution, soit pour me décrire, soit pour me lire, témoigne Michel, non-voyant. On se met bien à part pour ne déranger personne."
Michel commence avec une sculpture de Jean-Antoine Houdon "L'été". Une femme habillée d'un drapé.
"Elle est debout et se tient droite" lui précise Laetitia.
Michel a repéré l'arrosoir qu'elle tient dans sa main gauche et la gerbe dans la main droite.
"On sent bien les doigts qui tiennent la gerbe" dit Michel. Ses mains continuent de découvrir la statue. "Et là, c'est une faucille ?"
"Oui, c'est une serpette", rectifie Laetitia.
"Ça me permet de voir, ce que vous, vous voyez"
Michel apprécie cette autorisation de toucher une œuvre.
"J'en profite, sourit ce retraité qui a perdu totalement la vue à 38 ans. Ça me permet de voir, ce que vous, vous voyez. De connaitre sa chevelure, son nez, ses oreilles. Et puis, je redescends sur ses épaules. Comment elle est couverte..."
C'est une première pour lui. Même s'il avoue que, parfois, quand il n'y a personne, il s'autorise l'interdit dans les musées et caresse les œuvres.
Un peu plus loin, Thérèse, malvoyante, découvre une statuette "La Vierge à l'enfant".
"Je vois un peu, précise Thérèse, mais toucher améliore ma vision"
Si les sculptures sont des reproductions d'œuvres de l'Antiquité jusqu'à l'art moderne, ce ne sont pas des copies parfaites. Elles ont été, pour certaines, un peu modifiées pour accentuer des formes et faciliter l'identification au toucher. Mais on a aussi pris soin de reproduire la sensation que l'on pourrait avoir avec le toucher de l'original.
"C'est du marbre ?", demande Michel.
"Non, de la résine chargée d'une poudre de marbre compactée", explique la médiatrice.
Pour tous les publics
Anecdote : "Prière de toucher, l'art et la matière" avait été prévue pour être présentée à Nantes en 2020, mais la pandémie de Covid, qui a fermé les musées et prohibé les contacts physiques, a contraint à annuler.
La voilà ouverte depuis fin février et jusqu'au 29 septembre au Musée d'Arts de Nantes.
On peut la découvrir sur réservation. Que l'on soit malvoyant ou pas, car l'exercice consiste aussi à mettre un bandeau sur les yeux pour s'obliger à découvrir autrement les œuvres.
C'est tout un art.
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