Réforme des retraites : le RIP, le Référendum d’Initiative partagée, comment ça marche ?

252 députés et sénateurs opposés à la réforme des retraites ont signé une demande de Référendum d’Initiative partagée. Demande examinée par le conseil constitutionnel, qui rendra sa décision ce vendredi 14 avril, jour où celui-ci doit également se prononcer sur la constitutionnalité de la réforme.

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Le RIP, Référendum d’Initiative partagée, est un Objet Constitutionnel mal identifié par nombre de Français. Et pour cause : il n’a jamais abouti, initié une fois contre la privatisation d'Aéroports de Paris (ADP) en 2019, il n’était pas allé à son terme. Et il est très récent : il n’a été introduit qu’en 2008, lors d’une réforme de la constitution de la Vème République.

Des modalités précises

Les modalités du RIP sont très précises : pour être initié, il doit être "organisé à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement" comme le stipule l’article 11 de la constitution, alinéa 3. Soit 185 parlementaires minimum (le Parlement étant composé de 577 députés et 348 sénateurs, soit 925 parlementaires).

Pour contrer la réforme des retraites, ce chiffre est largement dépassé : 252 parlementaires ont signé la demande de RIP.

Cette première étape franchie, place au Conseil constitutionnel pour la deuxième étape : c’est lui qui décide, sous un mois, si oui ou non la demande des parlementaires est valide. La proposition de loi soumise au référendum ne peut porter que "sur l’organisation des pouvoirs publics ou sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent".

Suffisamment large pour autoriser des espoirs aux porteurs de RIP. Le professeur de droit à la Sorbonne Paul Cassia estime que le texte sur les retraites est bien une réforme et qu’il peut donc entrer dans le champ du RIP.

Mais pour Lauréline Fontaine, professeure de droit public à la Sorbonne et autrice de La Constitution maltraitée, "les parlementaires se sont réveillés trop tard : cette procédure aurait dû être pensée en janvier dernier. Car une fois la réforme promulguée, cela ne sera plus possible avant un an".

Les citoyens en action

Troisième étape : si le RIP est validé par le Conseil constitutionnel, ce sont les citoyens qui entrent en action. Pas (encore) pour voter sur le fond du texte, mais pour faire connaître leur soutien à l’organisation d’un référendum. Un dixième du corps électoral doit le soutenir, soit environ 4,8 millions de Français. Ils ont 9 mois pour déposer leur signature sur un site internet dédié, mis en place par le ministère de l'Intérieur, sous le contrôle du Conseil constitutionnel.

"Nous sommes très confiants sur notre capacité à récolter les signatures nécessaires. Nous ferons un point avec l’intersyndicale pour organiser les choses. Mais vous pouvez compter sur nous pour avoir le savoir-faire nécessaire pour que les Français puissent s’exprimer" affirme le député communiste Sébastien Jumel, un des parlementaires signataires de la proposition de loi.

Des bugs redoutés 

La colère populaire qui s’est exprimée dans les rues depuis trois mois débouchera-t-elle sur des signatures massives ? Possible, même si les partisans du RIP redoutent les bugs constatés lors de la campagne contre la privatisation d’ADP.

Apposer sa signature pour soutenir le RIP s’apparentait alors à un parcours du combattant en ligne. "On est partis pour des mois de combat contre ce projet (de réforme des retraites, n.d.l.r). Il va falloir faire du porte-à-porte et aller sur les marchés avec nos tablettes pour aider les gens à signer la pétition" déclare Marine Tondelier, secrétaire nationale d’Europe Écologie-Les Verts.

"Le Référendum d’Initiative Partagée est une arnaque démocratique"

Marine Le Pen

Députée du Rassemblement national (RN)

Quatrième étape : si le chiffre de 4,8 millions de signataires est atteint en neuf mois, la proposition de loi doit obligatoirement être examinée… Mais pas forcément dans le cadre d’un référendum. Car le gouvernement peut décider de discuter le texte à l’Assemblée Nationale et au Sénat.

Si le Parlement s’en saisit dans les six mois qui suivent le recueil des signatures, plus besoin alors selon la constitution de demander leur avis aux Français et d’organiser un RIP. C’est ce qui fait dire à Marine Le Pen que "le Référendum d’Initiative Partagée est une arnaque démocratique, qui consiste à canaliser la colère des Français en leur faisant chercher des signatures pour uniquement que l’Assemblée et le Sénat soient saisis à nouveau du même texte. Ça n’entraîne pas un référendum, il faut que les Français le sachent".

Un processus qui serait inédit

Mais dans le contexte actuel, de critique de la Présidence et de la majorité, de la perte de confiance dans les politiques et notre fonctionnement démocratique, ce refus d’aller jusqu’au référendum serait aussi mal perçu que le déclenchement du 49-3 pour faire adopter la réforme. Emmanuel Macron prendrait-il alors le risque de faire valider ou retoquer une de ses réformes phares par le peuple en organisant ce référendum ? Ce serait inédit dans la Vème République à partir de cette procédure de RIP.

Une procédure qui prendrait de toute façon du temps. Et pour Lauréline Fontaine, "même si le référendum était validé par le conseil constitutionnel, cela n’empêcherait pas la réforme adoptée de s’appliquer, même si une consultation citoyenne se met en place en parallèle".

Virginie Charbonneau avec Fabienne Béranger

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