La fièvre monte dans le laboratoire franco-autrichien Valneva basé près de Nantes qui se remet mal du Covid. Le vaccin mis au point à Saint-Herblain ne trouve pas preneur. La cote de Valneva s’enrhume.
Tout avait pourtant bien commencé pour le laboratoire nantais. Lorsque la pandémie de Covid-19 arrive en France, le laboratoire travaille entre autres sur le vaccin contre la borréliose, la maladie de Lyme, une maladie bactérienne transmise par les tiques dont les symptômes peuvent aller de la fièvre jusqu'à des atteintes cardiaques.
Avec la pandémie de coronavirus, Valneva se lance, comme d’autres laboratoires, dans la recherche d’un vaccin. Les enjeux sont bien plus lourds, le terrain de jeu est mondial, l’urgence est rappelée chaque jour dans les médias.
Gros contrat avec l’Angleterre
Avant même d’avoir testé son candidat vaccin sur l’homme, en septembre 2020, Valneva signe un contrat avec la Grande Bretagne pour 60 millions de doses et un investissement du gouvernement britannique pour augmenter les capacités de production de l'usine Valneva en Ecosse.
La nouvelle galvanise les troupes chez le fabricant de vaccin tandis qu’en France, des voix s’élèvent pour s’étonner qu’aucune commande de l'Etat n’est passée auprès du laboratoire.
Janvier 2021, la société annonce "être en discussions avancées avec la Commission Européenne pour la fourniture d’un maximum de 60 millions de doses de son candidat vaccin contre la COVID-19, VLA2001." Les planètes semblent être bien alignées.
A cette époque, le PDG de la société, Franck Grimaud, annonçait fièrement que le vaccin développé par sa société avait notamment pour qualité de pouvoir se conserver à une température de 4° à 8° (contre – 20° pour ses concurrents), "C'est une logistique simple" soulignait-il en ajoutant que le VLA2001 conçu sur la base d'un virus inactivé, "est mieux adapté aux mutations du virus".
Bref, le vaccin contre le covid-19 développé par Valneva avait un bel avenir tout tracé.
L’Angleterre se dédit
En septembre 2021, les premiers symptômes apparaissent qui font craindre une dégradation. Le gouvernement britannique annule sa commande de 1,4 milliards d’euros pour 100 millions de doses.
Une amélioration semble se présenter deux mois plus tard. En novembre 2021, Valneva, annonce que la Commission Européenne a donné son accord pour une commande pouvant aller jusqu'à 60 millions de doses. De quoi rebondir. Peut-être.
Le laboratoire tente alors de placer son vaccin inactivé sur le marché des rappels de vaccination. "Les vaccins inactivés ont démontré par le passé être particulièrement appropriés pour ce genre de vaccination." Souligne-t-on chez Valneva.
… et puis l’Union Européenne
Mai 2022, nouvelle dégradation : l’Union Européenne fait savoir qu'elle envisage de renoncer à sa commande de 60 millions. En août, elle ramène effectivement cette commande à 1,25 millions de doses. Et la France ne passe toujours pas commande.
"On ne comprend pas cette décision. D'autant plus qu'il y a encore quatre millions de personnes qui ne sont pas vaccinées en France", déclarait alors à l’AFP Franck Grimaud, le directeur général de Valneva. "En tant qu'entreprise française, nous aurions espéré un soutien plus concret", déplorait le dirigeant.
Reste le Bahreïn qui a passé commande pour Ia fourniture de 1 million de doses sur deux ans.
Les pertes s’accumulent pour le laboratoire qui suspend sa production du VLA2001. L’action en bourse dégringole.
- 70 % en bourse
"L'année dernière, il y avait de la spéculation sur le titre Valneva, on espérait que ça deviendrait le Moderna européen, se souvient Mohamed Kaabouni, analyste financier sur le secteur biotech-medtech à Portzamparc, spécialiste de la bourse de BNP Paribas Banque Privée, basé à Nantes. Le titre de bourse a touché les 30 euros fin 2021 et depuis, a globalement perdu 70 %. La spéculation a donc pris fin sur le titre."
On peut donc penser que certains investisseurs y ont perdu quelques plumes.
Mais cette chute en bourse n'est pas spécifique à Valneva nous dit Mohamed Kaabouni. Selon lui, le secteur de la santé souffre beaucoup depuis 18 mois. L'analyste financier estime que cette contre-performance se préparait au fur et à mesure que Valneva repoussait la mise sur le marché du vaccin VLA2001.
"Avec une chute de 70 %, constate Mohamed Kaabouni, normalement, Valneva devrait être en difficulté mais la société est loin d'être à l'agonie. Au contraire. Pour les biotech, ce qui compte, c'est le cash disponible et Valneva a 400 millions de cash".
Et dans ce contexte difficile, elle a aussi réussi, malgré tout, à lever 100 millions d'euros sur les marchés, sur la base de programmes cliniques prometteurs.
"Valneva sort renforcée de cette expérience"
Chez Valneva, on veut afficher l'image d'une entreprise qui a appris de ses échecs.
"Malgré la déception liée à la révision du contrat commercial avec la Commission Européenne, nous dit-on, Valneva sort renforcée de cette expérience COVID car elle dispose de deux nouveaux sites de production en Ecosse et en Suède et d’une expertise accrue dans le développement et la fabrication de vaccins. A ce jour, Valneva est la seule société française a avoir réussi à mettre un vaccin COVID sur le marché et la seule société au monde à avoir obtenu une autorisation standard de l’Agence Européenne du Médicament pour un vaccin contre la COVID-19."
Réduction d'effectifs
Mais on reconnaît que l'entreprise a dû quand même réduire la voilure. Un "plan d'optimisation" a été décidé avec pour conséquence une réduction des effectifs, notamment sur les sites de production au Royaume-Uni et en Suède et dans le secteur recherche et développement en Autriche.
Valneva dit maintenant se recentrer sur ses travaux concernant les vaccins contre le chikungunya et la maladie de Lyme et sur les ventes de ses vaccins contre l’encéphalite japonaise et le choléra
Mais que s’est-il passé ?
Le VLA2001 est-il arrivé trop tard sur le marché alors que ses concurrents surfaient sur la demande mondiale ?
"80 % de la population avait déjà été vaccinée"
"Le péché originel, c’est le choix de la technologie, estime Yannick Lucas, professeur associé à l’université du Mans, spécialisé en économie de la santé. Sanofi est dans la même situation. Le choix d’utiliser une technologie classique de production de vaccin avec un virus inactivé. C'est différent de la technologie de l’ARN messager qui a permis, elle, de développer le vaccin plus vite et avec une efficacité remarquable."
Selon Yannick Lucas, Valneva n'est jamais parvenu à rattraper son retard ni à trouver sa place sur le marché des rappels de vaccination.
"Ils ont réussi à produire un vaccin mais il n’a été autorisé que pour les personnes de 18 à 50 ans et en primo vaccination. Pas pour les rappels. Or, 80 % de la population avait déjà été vaccinée et ceux qui ne l’étaient pas encore n’avaient pas envie de l’être. Le gros du marché n’était plus là. Ils sont arrivés trop tard et pas sur le bon segment."
En cet automne 2022, les spécialistes disent avoir toujours le virus du covid-19 sous haute surveillance tout en reconnaissant qu’à chaque variant, il gagne en contagiosité mais perd en virulence. La nouvelle campagne de vaccination s’est ouverte pour les plus de 60 ans mais on ne précipite pas dans les officines.
Pour Valneva, l’aventure VLA2001 semble se solder par un rendez-vous manqué.