Difficile de trouver un bon côté à cette crise sanitaire qui interdit concerts et festivals depuis des mois. Et pourtant, c'est bien à elle que l'on doit Sang Froid, un projet de cold wave né sur les cendres de la tournée du groupe metal Regarde les Hommes Tomber...
L'été 2020 s'annonçait chargé, à commencer par un passage au Hellfest histoire de présenter le nouvel album du groupe. Et puis patatras... le coronavirus, les règles de distanciation, les annulations de festivals, les fermetures de salles de concerts... Regarde les Hommes Tomber, comme tous les groupes d'ici et d'ailleurs, raccroche provisoirement ses instruments.
Pas trop loin quand même ! Le groupe répète et prépare de nouveaux morceaux. Mieux, JJS, le guitariste de Regarde les Hommes Tomber, en profite pour lancer un nouveau projet baptisé Sang Froid, rejoint sur l'affaire par le chanteur Thierry et le clavier de The Veil, Ben, pour au final une cold wave du meilleur effet.
Une petite année de travail aura suffi à nos trois musiciens pour sortir un premier EP, trois morceaux racés, inscrits dans la lignée de la cold wave des années 80 mais avec bien sûr une "touche de modernité" comme le confie JJS dans notre interview à lire ici et maintenant...
Sang Froid, il en faut pas mal en ce moment. Le choix de ce nom a-t-il été dicté par le contexte anxiogène de l'épidémie ?
JJS. Il n'y a pas réellement de rapport. On cherchait un nom qui colle à notre musique, quelque chose qui insuffle le chaud et le froid, qui inspire l'urgence, le danger.
Deux des musiciens de Sang Froid viennent de Regarde les Hommes tomber, groupe de post black metal, le troisième vient de The Veil, groupe de dark wave. Le résultat, c'est donc Sang Froid, un groupe cold wave. La passerelle entre ces trois univers était-elle évidente ? Comment est né le projet finalement ?
JJS. La passerelle s'est surtout faite au niveau de nos trois personnalités. C'est notre amour commun pour la culture et la musique des années 80 qui nous a réuni. On voue une vraie passion pour l'esthétique cold wave, les groupes de l'époque, ces sons de synthés qui ont bercé notre enfance. On voulait rendre hommage à cet univers tout en apportant notre pierre à l'édifice et une touche de modernité. L'idée a germé dans ma tête, j'ai commencé à faire quelques démos puis j'ai proposé à mes deux camarades, que je connaissais déjà bien, de rejoindre le projet car je savais qu'ils apprécieraient particulièrement de jouer ce genre de musique.
Combien de temps vous a-t-il fallu pour réaliser ce premier EP ?
JJS. Entre les premières démos et la sortie de l'EP, il s'est passé une année. Ces démos sonnaient trop rock au début. Il nous a fallu du temps pour trouver notre son et "coldifier" les morceaux. Ben a fait un gros travail à ce niveau. Il bosse avec des claviers analogiques, comme le Yamaha DX7, qui viennent des années 80. Il mixe également sur une console analogique. Ça nous a permis d'approcher ce son particulier qu'avait les groupes de cold. TC a dû complètement réinventer sa voix et sa façon de chanter, très différente de Regarde Les Hommes Tomber. De mon côté, j'ai dû me plonger dans le son de guitare de l'époque. Ça a demandé beaucoup de travail mais ça a été une belle expérience humaine qui, je l'espère, va durer. Avec TC, nous avions également besoin de reprendre une liberté créatrice, chose qui n'existe pas dans l'univers très codifié et fermé du black metal. J'ai toujours eu ce besoin de créer, tester de nouvelles choses, faire des expériences musicales. Et pour cela SANG FROID est salvateur.
Trois titres, tous très tendus et en même temps mélodiques, quelque part entre Depeche Mode et The Sisters of Mercy disent les spécialistes. Au-delà de ces deux belles références, quelles ont pu être vos influences ?
JJS. Effectivement, ces deux groupes sont des grosses influences. On retrouve dans notre musique les mélodies catchy de Depeche Mode et le côté plus garage de The Sisters of Mercy. Des groupes comme Killing Joke, New Order, Drab Majesty, Type O Negative, The Cure, Tears For Fears ou encore Nick Cave nous inspirent beaucoup. On retrouve également dans nos morceaux quelques passages atmosphériques qui nous viennent de groupes comme Ulver, Dead Can Dance ou Sigur Ros.
Musique sombre, paroles pas très optimistes je suppose. Quels sont les thèmes que vous aimez aborder généralement ?
JJS. Ce sont des thèmes assez personnels à notre chanteur. Pour lui, c'est une sorte de catharsis, surtout en cette période troublée. Des expériences, des ressentis, du vécu et toute l'angoisse que l'on peut ressentir quand on vit dans nos grandes villes modernes.
You Know the Way à Angers, Tabloïd, Doggerland et maintenant Sang Froid à Nantes, pas mal d'autres groupes ailleurs en France comme Rendez-vous à Paris, la cold wave a-t-elle su se renouveler selon vous ? Assistons-nous à une renaissance ou une continuité ?
JJS. Honnêtement quand on a lancé le projet, on ne s'est pas posé ce genre de questions et nous n'avons pas regardé autour de nous pour voir qui était déjà dans cette mouvance. On a juste voulu se faire plaisir. Mais c'est vrai que c'est un style qui ressurgit pas mal en ce moment. Je trouve cette émulation positive. J'espère qu'on pourra, dans le futur, créer une scène cold wave solide. Car au final, dans le grand Ouest, il y a encore peu de groupes dans ce style-là. Mais paradoxalement, le public est demandeur de ces sonorités.
Quel regard portez-vous sur la scène nantaise et ligérienne ?
JJS. C'est une scène très dynamique, sans cesse en renouvellement, avec beaucoup de groupes. Tout ceci est porté par les nombreux lieux culturels que comptent Nantes et sa région. C'est assez facile de rencontrer du monde, de monter un projet et de se produire sur scène si on bosse bien. Et depuis plus de dix ans, le Hellfest a également énormément oeuvré pour la reconnaissance des musiques extrêmes et underground. Ceci crée une grande émulation créative ici. On a de la chance.
Un EP mais pas de concerts. Ce n'est pas un peu frustrant tout ça ?
JJS. C'est très frustrant mais on prend notre mal en patience car nous n'avons aucun contrôle sur la situation. On met justement ce temps à profit pour bosser le live et être hyper prêt au moment où les activités culturelles reprendront. Mais la scène est importante pour nous. Tout comme avec Regarde Les Hommes Tomber et The Veil, on envisage SANG FROID comme un groupe de scène. C'est dans notre ADN.
Vous annoncez malgré tout sur votre compte Facebook un concert le 2 juin 2021 en compagnie de Front 242 et de Covenant au Warehouse à Nantes. Une date importante je suppose...
JJS. Une date importante car elle est supposée être notre première. Mais actuellement, on espère juste qu'elle aura lieu... On croise les doigts. C'est un honneur d'être à l'affiche avec ces deux grands groupes.
Vos projets pour les semaines, les mois à venir ?
JJS. Là, on travaille sur notre second EP qui devrait sortir avant l'été. Ensuite, on commencera à penser à un album. Entre-temps, on espère qu'on pourra se produire sur scène.
Merci JJS. Merci Sang Froid. Propos recueillis par Eric Guillaud le 22 février 2021
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