Pas une goutte de pluie n'est tombée en France entre le 21 janvier et le 21 février. Malgré les conséquences directes de ce manque d'eau sur leurs cultures, les maraîchers gardent l'espoir d'une forte pluviométrie dans les mois à venir, mais s'inquiètent déjà des potentielles restrictions avec lesquelles ils devront composer.
32 jours sans pluie en France : le record est historique. Il peut aussi être dramatique pour les maraîchers dont les cultures dépendent d'importantes ressources en eau.
"Nos étangs d'irrigation sont à un niveau plus bas que l'année dernière, mais c'est encore possible qu'il y ait une forte pluviométrie dans les mois qui arrivent", déclare Richard Forré, à la tête de l'EARL des Primeurs de Retz à Villeneuve-en-Retz (Loire Atlantique).
Son optimisme quant à l'accès à une ressource en eau suffisante pour ses 50 hectares de radis, salades, poireaux carottes et autres légumes n'est pas tout à fait partagé Par Yvan Ronné, plus au nord, à Saint-Gildas-des-Bois (Loire-Atlantique).
"Les sols sont beaucoup plus secs que d'habitude, confie le maraîcher, dont les cultures sont exclusivement en extérieur et non sous serre. Mes étangs ont un niveau normal, mais s'il ne tombe pas d'eau, ça risque d'être compliqué."
Les sols sont beaucoup plus secs que d'habitude. S'il ne tombe pas d'eau, ça risque d'être compliqué.
Yvan RonnéMaraîcher à Saint-Gildas-des-Bois
Les cultures d'Yvan Ronné s'étendent sur 11 hectares et sont distribuées à l'échelle du département. Pour le moment, il ne relève pas de perturbation particulière, mais il craint que la situation de l'année dernière ne se répète.
S'il fait trop sec, "la solution, c'est de ne pas planter. C'est ce qu'on a fait l'été dernier, et c'est pour ça qu'il y a un manque de certains légumes aujourd'hui, comme les carottes", explique-t-il.
La crainte de restrictions précoces
Les exploitations maraîchères des Pays de la Loire sont très diverses. Elles diffèrent à la fois par leur taille, les légumes qu'elles produisent, et les méthodes de culture qu'elles utilisent, y compris en termes d'irrigation.
Le manque de pluviométrie n'a donc pas le même impact partout. C'est une épée de Damoclès, mais elle est plus ou moins proche de la tête des uns et des autres.
Aux Champs du Verdet à Pacé-sur-Sarthe (Sarthe), Évelyne Laurent estime "qu'on est pas les plus à plaindre". Ses trois hectares de champ et 1 000 m2 de cultures sous serre se situent sur un bassin versant* moins impacté par la sécheresse.
On est pas les plus à plaindre.
Évelyne LaurentMaraîchère à Parcé-sur-Sarthe
L'absence de précipitations depuis un mois n'a pas eu d'impact sur sa production maraîchère qui est essentiellement sous serre en hiver et est alimentée via un système d'irrigation artificielle.
Évelyne Laurent craint en revanche des restrictions d'usage de l'eau qui pourraient arriver plus tôt qu'en 2022, peut-être dès le mois de mai.
Ces contraintes la toucheraient directement puisque l'exploitante a recours à un forage souterrain et à une pompe dans la rivière Sarthe pour arroser ses légumes estivaux, plantés en extérieur sur une plus grande surface, qui a donc besoin de beaucoup d'eau. À l'année, ses cultures consomment 3 000 m3 d'eau par hectare.
Sélection de cultures "prioritaires"
Les restrictions d'eau lui imposeraient, comme en 2022, de prioriser certaines cultures, notamment celles dédiées à l'alimentation. "On devrait décider quelles cultures on arrose moins, donc ça donne des oignons ou des pommes de terre plus petites. Et on irrigue moins l'engrais vert."
Ces choix, Thomas Chesneau compte les faire le moment venu pour les légumes qu'il cultive à Grez-Neuville dans le Maine-et-Loire. Lui aussi considère que sa situation est plutôt favorable : il a la possibilité de puiser de l'eau dans la Mayenne, et peut irriguer ses cultures grâce à un bassin de captage d'eau de pluie et du sol de 1 800 m3.
Si son bassin lui permet "de tenir jusqu'en juin", celui de son ami Guillaume Pellaumail à Feneu est à moitié vide par rapport à la même période l'année dernière. Sa surface de maraîchage est certes 12 fois plus petite que celle de Thomas, mais le bassin constitue son unique source d'irrigation.
Mon bassin était à sec pour la première fois en août 2022. Il est seulement remonté à moitié.
Guillaume PellaumailMaraîcher à Feneu
Guillaume ne cultive pas encore de cultures maraîchères à ce stade de l'année car il ne produit pas de légumes primeurs (mars-avril). Il envisage déjà de ne pas planter sous serre en juillet pour profiter des eaux de pluie de l'automne, et à ensemencer des légumes qui consomment moins d'eau (courges, pommes de terre ou patates douces).
Les maraîchers s'adaptent, mais la météo reste maîtresse de la situation. Le manque de pluie n'est pas irréversible, mais de fortes précipitations doivent arriver rapidement pour recharger les nappes phréatiques, n'en déplaise aux amateurs de soleil.
*Un bassin versant est une portion de territoire à l'intérieur duquel tous les écoulements, en surface ou en profondeur, se dirigent vers le même cours d'eau, lac ou mer.