Du rap...au rap des champs ! Éleveur de brebis le jour et compositeur de "flow" la nuit : le rappeur paysan MaNTis vient de publier un nouveau titre, à quelques jours de la sortie de son troisième album. Un opus qui met toujours à l'honneur le quotidien des agriculteurs, une profession marquée par les crises. Entretien.
"D’abord, j'ai commencé le rap vers quinze, seize ans." Jean-Benoît Baudens est éleveur de brebis sur la commune du Vigen, en Haute-Vienne. Il est originaire du nord. Depuis plusieurs années, il raconte son quotidien dans ses chansons. Ce serait trop long de raconter comment je suis devenu éleveur. Il y avait une ferme à reprendre au Vigen (en Haute-Vienne), et je me suis installé. Puis, j'ai continué à rapper. Et comme j'avais l'habitude de rapper plutôt mon quotidien, je suis devenu rappeur paysan !
En ce début 2025, un nouveau titre vient de sortir et l’album devrait suivre prochainement.
"Tous les jours, faut taf même quand y a pas l'moral..."
Comme toujours, ses compositions musicales sont inspirées de cette vie d'agriculteur bien remplie. "Le quotidien d'éleveur aujourd'hui, il est dur financièrement. Même au niveau de la reconnaissance. Donc forcément, il y a un morceau sur le nouvel album qui en parle pas mal."
Le titre n'est pas encore en ligne, mais nous avons pu l'écouter : "Alliance pastorale", un hommage au monde paysan et aux difficultés de la profession qui travaille "sans récolter le fruit de son labeur". "Quel taf ingrat", "tous les jours, faut taf, même quand y a pas l'moral..."
Invité d'ICI 12/13 en Limousin, ce vendredi 3 janvier, l'éleveur évoque, bien sûr, le rassemblement du 5 janvier : "Il y a un appel à monter bloquer Paris. Pour le coup, moi, je suis en pleine période de mise bas, donc je ne ferai pas partie de l'aventure. Mais oui, la colère des paysans, elle est totalement légitime. Aujourd'hui, c'est un métier où, si on n'est pas passionné, on lâche l'affaire très vite."
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"On défend la nature, l'État nous voit comme des gangsters"
Ce troisième album sortira début 2025. L’agriculteur y affiche toujours le même franc-parler : "ouvrir sa gueule, quitte à se fermer des portes", comme l'exprime ce premier titre, accessible en ligne, dénommé "Triptik", toujours sur une note irrévérencieuse, impolie et révolutionnaire.
"Écrasés par la crise, on s'accroche." Comme toujours, l'agriculteur compose les textes, mais il est aidé pour la musique : "Là, sur le nouvel album, il y a pas mal d'"instrus" de BV Prod. C'est un mec de Bordeaux. Il y a une "instru" d'Ernesto de Limoges et de DJ Koch de Limoges. Et deux "instrus" d'OXYD."
Au-delà de la crise agricole, il y a un autre message, celui sur l'homme de la ruralité qui se dit mal jugé, incompris par certaines catégories des populations urbaines. Ainsi, dans son prochain titre à venir, "Français", où l'éleveur tient à se définir : "Je m'en tape que des bobos me traitent de beauf, ça m'empêchera pas d'être fier d'être de gauche... Je suis contre la mondialisation, pour le progrès et l'évolution, ça m'empêche pas d'apprécier certaines traditions. Moi, j'y vois pas de contradictions, c'est écolo d'acheter des produits de sa région."
Le rappeur paysan, qui s'était qualifié, par le passé, de PSG (pour Paysan Super Gauchiste), persiste et signe : "On est beaucoup à être des gauchistes, à aimer le pays. Je suis franchouillard et gauchiste."
Pour découvrir tout l'album, il faudra encore attendre. Le calendrier de sortie est approximatif, car l'homme, père de famille de 37 ans, éleveur et donc chanteur, est occupé, surtout en cette période d'activité intense dans l'exploitation composée d'une centaine de bêtes : "Pour le calendrier, comme je suis à la période des mises bas, ça va dépendre de quand j'aurai le temps de publier. Mais j'ai trois clips à diffuser sur les réseaux."
Dans l'idéal, la sortie sur les plateformes est prévue le 21 janvier, suivie d'un concert, le 24 janvier "au bistrot de Saint-Jean-Ligoure".
Et quand on lui demande s'il envisage, un jour, d'abandonner l'agriculture pour se consacrer à la chanson, la réponse est à l'image du personnage : "Je ne me fais pas de plans sur la comète non plus. Elles ne font que passer, les comètes. Et je pense que tant que je me fais plaisir dans la musique, je continue la musique. Et mon vrai métier, ça reste paysan !"