Après un été caniculaire, la pluie est de retour en Pays de la Loire. Une bonne nouvelle pour la biodiversité. Mais, pour les spécialistes, il est encore trop tôt pour se réjouir. Explications.
Il pleut à Noël. Si la grisaille s'est installée près de chez vous pour les fêtes, savourez, c'est peut-être elle le vrai cadeau. Souvenez-vous, cet été, les vagues de chaleur se sont multipliées, et la sécheresse s'est implantée partout en France.
La région Pays de la Loire n'a pas été épargnée. En témoigne ces images du fleuve royal.
Des records de température ont même été enregistrés sur cette période : 42 degrés à Nantes, le 18 juillet 2022. Une époque qui semble révolue lorsqu'on observe les prévisions météo.
Pour certains cours d'eau, des changements ont déjà opéré. Dans le Maine-et-Loire par exemple, à Beaupréau-en-Mauges, le débit a été multiplié par 10 ces derniers jours.
On retrouve les chiffres de début d’année voire de fin d’année dernière, c’est la reprise de l’écoulement, c’est plutôt une bonne nouvelle.
Julien Marqué, technicien hydrométrique DREAL
Mais Stéphane Marlette, chef de la division hydrologie du DREAL, rappelle un détail important : "Ce phénomène, on l’observe sur plusieurs cours d'eau de la région, mais ce facteur 10 ne fait que nous ramener à la normale pour la saison."
La pluie a donc permis de revenir à un certain équilibre, mais elle ne concerne qu'une partie des rivières et des fleuves, de plus il y a des dommages sur la biodiversité bien plus profonds.
En décembre, la Loire a un débit de 450 m3 par seconde, contre 1500 à 2000 pour une année classique.
Pour rappel, ce fleuve s’écoule sur plus de 1 000 kilomètres et traverse 12 départements. C'est le plus long cours d’eau de France. Son niveau d’eau a baissé en raison de la sécheresse, et à cause des longues lignes de roches bâties par l’homme pour faciliter la navigation sur le fleuve au cours des siècles.
Il faudrait qu'il pleuve non-stop jusqu'à mars
Pour permettre à la nature de se régénérer, il faudrait que la pluie tombe de façon continue jusqu'au printemps à minima. C'est en tout cas l'analyse que nous livre Philippe Boisneau, représentant des pêcheurs professionnels du comité de bassin Loire-Bretagne : " la pluie n'est pas suffisante pour recharger les nappes phréatiques. On observe des couches humides, mais avant que l’eau migre assez profondément, il y a des temps de délais. Même s'il pleuvait d’octobre à mars, on ne retrouverait même pas les nappes de 2017."
Un constat que partage Jean-Michel Soubeyroux, directeur adjoint scientifique de la climatologie à Météo-France. "Ce n'est pas parce qu'il a recommencé à pleuvoir que cette crise de la sécheresse est derrière nous, il faudra beaucoup de temps pour réalimenter les sols en eau", détaille l'expert. "Une sécheresse prend beaucoup de temps à s'installer, mais elle prend également beaucoup de temps pour partir", avertit-il.
Les pêcheurs font partie de ces professions en première ligne face aux changements climatiques. Le débit des cours d'eau est important pour les poissons. Ça les aide à se déplacer, cela leur permet de migrer afin de se reproduire.
Mais, il faut aussi que l'eau soit à une bonne température. Philippe Boisneau rappelle :
La Loire et ses 30 degrés cet été, c'est bon pour des poissons tropicaux, pas pour les nôtres !
Philippe Boisneau, représentant des pêcheurs professionnels du comité de bassin Loire-Bretagne
Des restrictions encore présentes en décembre
En novembre, le 16 novembre 2022, le préfet de la Loire-Atlantique a pris un nouvel arrêté de restriction allégeant les restrictions sur 10 bassins versants. Ainsi, la Sèvre Nantaise et la Maine passent en vigilance, la Vilaine, l'Oudon, l'Erdre amont, l'Erdre aval et la Moine passent en alerte; la Sanguèze, les côtiers Bretons et la Logne sont passés en alerte renforcée.
Les autres bassins versants restent en crise. La préfecture rappelle : "les débits des cours d'eau restent cependant encore bas pour la saison." Sur cette carte, on peut observer les zones encore à risque. Le Maine-et-Loire y figure :
Le département est d'ailleurs le seul avec un code de couleur rouge. Ce qui signifie : un arrêt des prélèvements non-prioritaires y compris des prélèvements à des fins agricoles. Seuls les prélèvements permettant d'assurer l'exercice des usages prioritaires sont autorisés (santé, sécurité civile, eau potable, salubrité).
La fréquence de ces épisodes de sécheresse est aussi alarmante. Selon le rapport du GIEC, ils sont voués à se répéter de plus en plus à cause des évolutions climatiques à venir.