Chaque samedi depuis plus d’un an, à l’appel de différents collectifs, ils sont plusieurs à se retrouver dans les grandes villes de la région. Parmi eux des antivax, mais aussi des personnes non vaccinées contre le covid 19. Des soignants suspendus en majorité qui militent pour leur réintégration. Deux d'entre eux ont accepté de témoigner.
Beaucoup de personnes non vaccinées suspendues ont vu leur vie basculer le 15 septembre 2021.En cause: leur refus du vaccin anti-covid.
En effet, le 15 septembre 2021 a été mise en œuvre l'obligation vaccinale pour les personnels des établissements et services sanitaires et médico‑sociaux.
Sophie Roux et Eric Mercier, tous les deux originaires du Maine-et-Loire font partie de cette catégorie de la population "non vaccinée contre le covid". Cela fait plus d'un an et demi qu'ils sont suspendus et qu'ils n'ont pas réintégré leur travail.
Ils se sont rencontrés lors des manifestations les samedi organisées par des collectifs et leurs soutiens politiques, militants, associatifs. Et ils sont devenus amis.
Contrairement à l'ensemble de la quasi totalité de la communauté médicale, ils continuent de penser que le vaccin n'est pas nécessaire dans le lutte contre le covid.
Ils ont accepté de témoigner. Mais Eric a souhaité filmer et enregistrer l’entretien « par méfiance vis-à-vis de certains médias et pour se justifier en cas de besoin ou d'insultes sur les réseaux sociaux ».
Contre le vaccin anti-covid mais pas antivax
"Quand on me considère comme un antivax, je considère cela comme une attaque. Toute ma carrière j'ai vacciné. Lorsqu'il y a eu l'épidémie de H1N1 j'ai vacciné toute ma famille, y compris mes enfants en bas âge", précise - il.
Eric est infirmier dans le privé. L'un des plus anciens de son service, bien noté et apprécié de ses collègues. Il a attrapé le covid lors de la 1ère vague. Un sursis de courte durée. Refusant le vaccin, il n' a pas pu continuer à travailler dans son établissement à compter du 15 septembre 2021.
Pour lui, le vaccin à ARN messager contre le covid n'est pas sûr: "les injections à nanoparticules lipidiques d’ARN messager à visée immunogène de protéine spike . C’est comme ça que cela s’appelle même c’est plus facile de dire vaccin. Mais c'est en phase expérimentale 3 et j'ai le droit avec tous mes anticorps de dire : oui je participe à une étude expérimentale ou non je la refuse."
Pour autant c’est bien l’agence européenne du médicament qui a autorisé la mise sur le marché du vaccin. L’évaluation a continué pendant sa distribution. Fait exceptionnel, mais pas inhabituel en Europe, selon l’Agence nationale de sécurité du médicament.
L'ANSM, contactée a tenu à préciser :
1. "Comme tout médicament, les vaccins contre le Covid-19 ne peuvent être mis sur le marché que s’ils ont obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) après une évaluation rigoureuse par une autorité indépendante qu'est en France l'ANSM et en Europe l'EMA ou Agence européenne des médicaments."
2."Dans le contexte de pandémie, l’EMA a décidé que cette évaluation approfondie serait réalisée en continu, au fur et à mesure que les résultats des études sont disponibles. Habituellement, tous les documents requis pour obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMMA) doivent être simultanément soumis avant leur évaluation dans une demande officielle déposée par le fabricant
3. "Dans le contexte de la pandémie et de l’urgence de santé publique, les AMM octroyées aux quatre premiers vaccins contre le Covid-19 (Comirnaty, Spikevax, Vaxzevria et Jcovden) par la Commission européenne (CE) ont été des AMM dîtes “conditionnelles” après évaluation des données pharmaceutiques, non cliniques et cliniques issues des études de phases 1, 2 et 3 par les agences compétentes européennes.
4. "Une fois qu'une AMM conditionnelle a été accordée, les laboratoires doivent fournir les données complémentaires provenant d'études nouvelles ou en cours dans des délais fixés par l’agence européenne du médicament.
5. "La poursuite des études, notamment de phase 3, après l'octroi de l’AMM est une procédure habituelle dans la conception de tout médicament, avec AMM classique ou conditionnelle, incluant les vaccins anti-Covid. Cela permet de collecter des informations au long terme concernant l’efficacité et la sécurité des vaccins.
Et de conclure : "Les autorisations de mise sur le marché conditionnelles des 4 premiers vaccins contre le Covid-19 ont depuis été réévaluées par l’EMA au regard des nouvelles données disponibles. L’ensemble des données sur la qualité, l’innocuité et l’efficacité du vaccin ont confirmé que le bénéfice de ces vaccins en termes de protection contre le Covid-19 était supérieur au risque.
À la rue, à l'usine
Refusant donc toujours de se faire vacciner, Eric 52 ans, infirmier dans le privé a été suspendu. Sans droit au chômage. Aujourd’hui il travaille en usine.
"J'ai une maison et une voiture à payer, j'ai les études de mes enfants, le frigo à remplir... J'étais sur un très bon poste infirmier, et je me suis retrouvé à la rue, à l'usine à vider des poubelles, à gratter des casseroles dans des établissements de l'industrie agro-alimentaire", explique Eric, amer mais convaincu de pouvoir reprendre un jour son métier: "On m'a volé mon métier. Je suis soignant, je suis fait pour soigner des gens, pour faire le travail que d'autres n'ont pas envie de faire. Donc j'y retournerai".
Attraper le covid pour pouvoir travailler
Sophie, 58 ans, n’est pas soignante. Elle a quand même perdu son poste de responsable de l’entretien dans une congrégation religieuse de la région pour un choix assumé.
"Je crois à la liberté de chacun pour décider de cela, parce que le produit était en phase expérimentale et que je ne m'estime pas être un cobaye ni que le covid soit un risque pour ma santé. Et je sais que le covid était soignable par tout un tas de médications qui n'étaient pas autorisées alors et vues comme subversives. Ce sont des traitements qui existent depuis toujours, comme le zinc, le cuivre, la vitamine D, la vitamine C.."
Pourtant, jusqu'ici ni le zinc, ni les vitamines C et D n'ont fait la preuve scientifique de leur efficacité pour soigner les formes graves du covid.
Le docteur Maeva Lefebvre, infectiologue au CHU de Nantes, sollicitée pour ce reportage le rappelle : "le vaccin contre le covid a pour but de lutter contre les formes graves du covid."
Pour obtenir son pass sanitaire et conserver son emploi, Sophie, désemparée a alors tout tenté : "J'ai réussi à attraper le covid. J'en étais fière. Nous avons fait des échanges de covid, aussi fou que cela puisse paraître. Nous faisions le constat qu'il fallait être malade pour pouvoir retourner travailler."
Suspension et précarité
Mais sans dose de rappel, Sophie a dû changer de travail. Aujourd’hui elle est formatrice vacataire dans le social. Un travail moins rémunérateur et plus précaire, qui elle aussi lui laisse un goût amer, et quelques regrets aujourd'hui. "J'en veux à toute l'organisation du gouvernement, relayé par les médias eux-mêmes sous la contrainte et la peur. Je pense qu'on était tous dedans. J'en veux surtout d'avoir perdu mon travail. Aujourd'hui à 58 ans, je cours les vacations à droite à gauche. C'est plus de route, plus fatigant. Pas de vacations, pas de salaires. "
Un vaccin contre les formes graves
Pourquoi alors un et demi après ces personnes non vaccinés suspendues et notamment les soignants comme Eric, n'ont ils pas réintégré leur travail?
Il est vrai que la question se pose, alors que certains autres pays européens comme l’Italie, ou la Grèce sont revenus, eux, sur l’obligation vaccinale.
En France, avant de se décider, le gouvernement a demandé l’avis de la Haute Autorité de santé. Un avis rendu cet été, sans équivoque : pas de réintégration des soignants non-vaccinés.
Pour deux raisons que nous expliquent le docteur Lefèvre, infectiologue au CHU de Nantes :"Compte tenu de l'état épidémiologique du covid actuellement et compte tenu du maintien d'une excellente efficacité de la vaccination sur les formes graves et même avec les variants actuels, pour la Haute autorité de santé, il n'y avait pas matière à changer la décision pour le moment".
Elle précise également: "c'est aussi une protection énorme des soignants contre les formes graves du covid et même si on peut constater une baisse d'efficacité du vaccin sur la transmission, c'est dans l'intérêt des institutions de protéger les soignants contre cette maladie".
Quid des vaccins à ARN messager?
Eric et Sophie ont aussi expliqué leurs doutes et leurs craintes quant au vaccin à ARN messager et quant aux possibles effets indésirables du vaccin.
Des craintes totalement infondées pour le corps médical.
Pour Maeva Lefèbvre, infectiologue, "tous les systèmes de pharmacovigilance du monde entier, en tout cas ceux qui disposent de ces systèmes de pharmacovigilance, démontrent formellement que les vaccins ARN sont des vaccins sûrs. Les effets indésirables significatifs sont absolument rarissimes. Très peu d'effets ont d'ailleurs un lien démontré de cause à effet entre l'effet en question et la vaccination. Il y a par exemple la myocardite, qui est un effet indésirable grave en lien avec la vaccination. Mais si on fait la balance entre les effets indésirables et le nombre de vie sauvées, et le nombre d'admissions en réanimation qui ont été évitées, c'est vraiment sans commune mesure".
D’après la revue scientifique, Nature communications, l’une des références des journaux médicaux , spécialisée dans la publication d'études, fin 2021, la vaccination aurait permis d’éviter 40 000 décès dans l’Hexagone.
Voir le reportage
Suspendu : quel statut?
Administrativement le statut de suspendu est très contraignant.
Pour Eric, "c'est une sorte de congé sans solde à durée indéterminée". Il reçoit toujours ses fiches de paye mais à zéro. Comme il est salarié dans le privé, il a le droit d’avoir d’autres employeurs à côté, d’où ses missions d’intérim en usines. Ce n’est pas le cas pour tous. Tout dépend des contrats et des conventions de chacun.
Sur ce point l’ARS, L’agence régionale de santé nous explique que les fonctionnaires et les agents contractuels de droit public non vaccinés suspendus
- n’ont pas droit aux congés
- ne peuvent plus toucher leurs salaires
- ne peuvent pas toucher le chômage
Les soignants non vaccinés seront-ils un jour réintégrés?
Le covid 19 sera- t-il bientôt reconnu comme un virus endémique comme tend à le penser l'Organisation Mondiale de la santé?
En France, un seul chiffre fait aujourd'hui consensus, celui du nombre de décès.
Depuis ses débuts, l’épidémie de covid a fait plus de 160 000 morts.