La cour administrative d'appel de Nantes examine lundi les recours environnementaux déposés par des opposants au projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes pour faire annuler les arrêtés préfectoraux autorisant les travaux de la future infrastructure, suspendus depuis quatre ans.
Le rapporteur public va proposer à la cour d'annuler quatre des cinq arrêtés contestés en justice par les opposants, selon le sens de ses conclusions communiquées aux parties vendredi. Ces arrêtés, pris en décembre 2013 et liés aux aménagements hydrauliques et aux destructions d'espèces protégées, permettent la réalisation de la plateforme aéroportuaire et sa desserte routière.
Les juges, qui statueront au total sur dix requêtes, devraient rendre leur décision sous quinze jours. Si les préconisations des rapporteurs publics sont généralement suivies par les juges administratifs, les opposants "ne crient pas encore victoire", mais assisteront à l'audience "avec plus de sérénité", déclare Françoise Verchère, l'une des requérantes, ancienne élue (Front de gauche) de Bouguenais, où est situé l'actuel aéroport nantais.
si c'est confirmé, et si les arrêtés sont annulés, les conditions pour une intervention ou un démarrage des travaux ne sont aucunement réunies
Pour Thomas Dubreuil, l'un des avocats des opposants.
Cette nouvelle étape du marathon judiciaire entamé il y a une quinzaine d'années par les opposants à ce projet controversé coïncide avec le calendrier fixé par Manuel Valls d'une évacuation progressive du site, et du lancement des travaux "à l'automne", qu'il a confirmé à plusieurs reprises ces dernières semaines. Les parties auront toujours la possibilité de saisir le Conseil d'Etat, mais si les juges administratifs nantais annulaient, même partiellement, ces arrêtés, cela porterait un sérieux coup d'arrêt au projet.
Les travaux préparatoires sont suspendus depuis les dernières tentatives d'expulsions des occupants du site, à l'automne 2012, retardant sine die une ouverture de la nouvelle infrastructure, à une vingtaine de kilomètres au nord de Nantes, initialement prévue en 2017.
Aucune garantie
Ces préconisations du rapporteur public "crédibilisent ce qu'on dit depuis longtemps :que le projet nous paraît fondamentalement mauvais sur le volet environnemental", souligne Mme Verchère. Les opposants pointent notamment l'insuffisance des mesures prises par le concessionnaire du site, Aéroports du Grand Ouest (AGO), une filiale de Vinci, pour compenser la destruction de l'écosystème actuel du site, une zone humide à 98%, et de la centaine d'espèces protégées qui y sont abritées.Le projet "n'apporte aucune visibilité sur la surface mise en oeuvre pour ces mesures compensatoires et ne fournit aucune garantie sur l'efficacité de ces mesures", met en avant Me Dubreuil. Il assure en outre que ces mesures compensatoires sont refusées par les agriculteurs sur "8.000 à 10.000 hectares", sur un total de "16.000 hectares prévus".
La dérogation à la destruction et au transfert d'espèces protégées est prévue par le Code de l'Environnement, à condition que le projet soit d'intérêt public majeur, qu'il n'existe pas de solution alternative satisfaisante, et qu'il ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, de l'espèce dans son espace naturel.
Le rapporteur public, qui développera son argumentation lors de l'audience lundi après-midi, estime que les arrêtés préfectoraux sont incompatibles ou ne respectent pas des articles du Code de l'Environnement, selon les parties. En première instance, le 17 juillet 2015, le tribunal administratif de Nantes avait validé la méthode de compensation environnementale prévue dans le projet d'aéroport, déclaré d'utilité publique en 2008, considérant qu'elle ne portait pas atteinte à l'état de conservation des espèces. La majeure partie des requérants - les principales associations opposées au projet, des associations de protection de l'environnement, des agriculteurs et des particuliers -, à l'exception d'Europe Écologie-Les Verts (EELV), avaient fait appel de ces jugements.
Outre les quatre arrêtés dits "loi sur l'eau" et "espèces protégés", les opposants demandent l'annulation d'un cinquième arrêté préfectoral, qui déclarait d'utilité publique les travaux d'aménagement et de sécurisation des voies existantes autour
du futur site, au motif qu'ils n'avaient pas fait l'objet d'une étude d'impact globale.