Il sera diffusé lundi 14 janvier sur notre antenne. Un documentaire sur les mois qui ont suivi l'abandon du projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes, et pour lequel la région a refusé une subvention de 25 000 euros... contre l'avis de son propre comité technique.
Pendant des mois, il a suivi le quotidien de Romain, devenu éleveur par le biais de la lutte contre l'aéroport, et qui souhaite aujourd'hui rester pour défendre un projet collectif sur l'ancienne ZAD de Notre Dame des Landes.
Mais également, celui de Mickaël Mary, et des agriculteurs "traditionnels", qui veulent garder leurs droits à exploiter des terres qu'ils louent ici depuis de très nombreuses années.
Dans son documentaire, Thibault Férié a souhaité montrer, sans parti pris, "la reconquête" des 1650 hectares de l'ancienne ZAD, une lutte entre deux mondes et deux visions d'un territoire que l'abandon du projet rendait ouvert aux différents possibles.
Pour monter le projet, le producteur avait sollicité une aide de 25 000 euros auprès de la région Pays de la Loire, mais cette dernière lui a été refusée au début de l'été. "Par téléphone, il m'a été dit que les élus avaient considéré que les plaies étaient encore trop vives. Nous en serions resté là, s'il n'y avait eu un nouvel élément, montrant qu'il y avait eu magouille", précise Luc Martin-Gousset, de la société de production Point du Jour.
Le document soumis au vote était faux
En l'occurrence, une "coquille", dont la production se demande dans quelle mesure elle a pu être volontaire. Alors que le comité technique documentaire, une sorte de jury composé de professionnels de l'audiovisuel, avait voté à l'unanimité pour que le film bénéficie d'une subvention de 25 000 euros, le document soumis au vote des élus portait lui, la mention "rejeté".
Ce sont les élus du groupe écologiste et citoyens qui ont partagé ce document, lorsqu'ils ont découvert le pot-aux-roses :
"Au Conseil régional, les élu.e.s suivent toujours l’avis du comité technique, sauf deux exceptions en 1998 et 2013, explique Lucie Etonno, qui suit les dossier culture pour le groupe. Quand nous recevons le rapport, les documentaires sont décrits en une ligne. Nous faisons donc confiance aux experts désignés par la Région. En tant qu’élue de la minorité, je vérifie si l’avis des experts est suivi. Or, cette fois-ci, l’avis du comité était noté « rejet »*. Nous avons donc cru que, du point de vue artistique, le documentaire était jugé comme en-deçà de ceux sélectionnés".
"A cause de l’information fausse inscrite dans le rapport, je n’ai pas pu exercer mon rôle d’élue. C’est grave. Nous serions montés au créneau dès septembre et aurions peut-être attaqué la décision en justice", s’insurge l'élue dans un communiqué. "Aujourd’hui, je pose la question à Laurence Garnier : avez-vous volontairement diffusé une information fausse pour éviter la polémique ?".
La région assume
De son côté, la région Pays de la Loire publiait mercredi soir un communiqué pour assumer sa position : "les élus régionaux n'ont pas souhaité cautionner un documentaire mettant en lumière des personnes qui pour certaines quelques mois plus tôt encore bafouaient les lois de la République en occupant des terres qui ne leur appartenaient pas."
Quant à la mention "rejeté" figurant dans le document soumis au vote des élus, alors que le projet avait été accepté à l'unanimité par le comité technique, la région évoque "une erreur matérielle" qui se serait "glissée dans l'annexe du dossier de la Commission Permanente", affirmant qu'il n'y a donc eu "aucune censure", ni volonté de dissimulation.
Une membre du comité documentaire souhaite démissionner
Ce n'est pas l'avis de Nicole Zeizig, réalisatrice et membre du comité technique documentaire, qui s'interroge que cette "erreur", qui lui apparaît comme une tentative de manipulation.Avant même d'en avoir vent, elle s'indignait, dans un courriel datant du mois d'octobre, de la décision prise par les élus : "Le film de Thibault Férié propose, sans esprit de polémique, mais avec la singularité du regard documentaire, de regarder ce qui se joue sur la Lande alors que le projet d'aéroport a été abandonné, et qui à bien des égards est d'intérêt public quoiqu'on pense de ce qui s'y passe. (...) C'est la deuxième fois que les élus de la région font fi des décisions du comité sur des films consacrés à NDDL, dans ce qui m'apparaît comme un pur déni de démocratie."
À titre personnel, la réalisatrice souhaite marquer son désaccord en démissionnant du comité technique documentaire.
En 2013, la région avait déjà refusé l'attribution d'une subvention de 4 000 euros au "Dernier continent" de Vincent Lapize, contre l'avis, là encore unanime, du comité technique, que 5 membres avaient quitté en signe de protestation.
Quant au producteur, il nous explique que le refus de cette aide de 25 000 euros a mis en péril l'économie du film. "Cette somme correspondait grosso modo au salaire du réalisateur, charges comprises. Si nous avions été une petite boîte de production, l'existence du documentaire aurait été compromise", explique Luc Martin-Gousset.
En 2013, Point du Jour avait déjà produit "Le Tarmac est dans le pré", du même réalisateur, toujours sur le sujet de Notre-Dame-des-Landes. À l'époque, le film n'avait pas demandé d'aide de la région Pays de la Loire, car le projet était encore à l'étude, et la production ne voulait pas "agiter de chiffon rouge", et souhaitait à l'époque, conserver son indépendance éditoriale sur un sujet sensible et polémique.
Le documentaire sera en première diffusion sur France 3 Pays de la Loire le lundi 14 janvier après Soir/3, et en diffusion nationale le jeudi 17 janvier à 23h45.