Depuis sa réouverture le 11 mai, le centre Emmaüs de Trignac a repris ses activités de dépôts et vente, en adoptant les mesures sanitaires en vigueur. Mais les donateurs ayant eu deux mois pour ranger leur maison, les apports ont été aussi massifs que soudains. Emmaüs demande à tous de temporiser.
Dans ce hangar au nom d' Emmaüs 44, les 35°C vous tombent sur les épaules comme un sac de sable. Et pourtant, sur ce site de Trignac, près de Saint-Nazaire, les bénévoles sont tous occupés. Masque ou visière sur le visage, chacun est à sa tâche. Tri, rangement, accueil de donateurs et prise en charge des affaires déposées, etc. Pas le moindre courant d'air, juste le plaisir de partager le café et d'être ensemble.
Mais le décor a changé. Sur le parking extérieur, hormis le barnum d'accueil et d'explication des normes sanitaires en vigueur, on aperçoit des grands bacs en PVC. Amirouche et Raphaël, co-responsables du site de Trignac, nous expliquent que devant l'arrivée massive d'objets, depuis le déconfinement, l'équipe de bénévoles et compagnons ne peut faire face comme avant le Covid19.
Des tonnes et des tonnes d'objets déposés
Dans les jours qui ont suivi le 11 mai, l'affluence dans les déchèteries était telle que des gens sont venus tout déposer chez Emmaüs, accentuant ainsi la saturation du site. Mais les bénévoles n'ont pas su refuser et ont effectué ce travail supplémentaire.A ces personnes qui ne voulaient pas attendre devant la déchèterie se sont ajoutées celles qui venaient déposer spécifiquement leurs objets chez Emmaüs. Meubles, vélos, aspirateurs, vêtements d'hiver, etc. En deux mois, nombre d'objets seraient normalement partis vers les déchèteries, les vide-greniers, les dons aux associations. Avec le confinement, tout est arrivé d'un coup, dont un gros volume chez Emmaüs.
Jugez plutôt : les bénévoles d'Emmaüs Trignac ont reçu 15 tonnes de vêtements depuis le déconfinement ! Une partie devra purement et simplement être recyclée, une autre partie sera rangée et proposée à la vente sur place, une autre pourra rejoindre les magasins de vêtements d'occasion.
Le container chargé de transporter les textiles à recycler est plein, il peut contenir 5 tonnes de vêtements. Les petites mains d'Emmaüs ont effectué un travail très important et, face à l'absence d'un tiers des bénévoles pour cause de risques liés au Covid19 ou garde d'enfants, Emmaüs a reçu le soutien de quatre ou cinq jeunes d'Uni-cités, en service civique, un renfort apprécié par l'équipe.
En ce moment, aider Emmaüs, c'est ne pas donner....tout, tout de suite
On est toujours sur la dynamique de demander au gens de donner mais là on leur demande de temporiser - Amirouche, co-responsable d'Emmaüs Trignac
Amirouche et Raphaël sont co-responsables d'Emmaüs Trignac, le seul centre de Loire-Atlantique avec Nantes. Ils nous expliquent la situation rencontrée sur le bassin nazairien. ''On prendra les dons, que les gens ne s'inquiètent pas, mais on leur demande juste de temporiser'', explique Raphaël. ''Tout ce qui rentre est traité, trié. On a acheté ces bacs pour ça, pour nous aider à trier. Mais derrière il faut encore organiser, ranger, rendre présentable''.
Et les deux responsables de résumer en choeur ''si vous pouvez conserver chez vous encore deux ou trois semaines les vêtements que vous voulez nous donner, vous nous aiderez beaucoup''.
L'équipe encadrante sait très bien l'importance de cette activité de dons et revente. Elle génère un flux d'argent qui permet d'atteindre le but de l'association : accueillir, aider au quotidien et aider des compagnons à se réinsérer. Ils sont 22 à Trignac à être pris totalement en charge pour le toit, le couvert et l'accompagnement par les bénévoles qui eux sont environ 90. Moins un tiers qui a du prendre ses distances par rapport aux risques liés au Covid19.
Avec 60 000 euros de charges mensuelles, le confinement de deux mois et la privation de vente sur place ont mis à mal la trésorerie de l'association trignacaise qui s'en sortira néanmoins.
Mais tous les sites n'ont pas cette chance et le siège national d'Emmaüs a du faire un appel national au don pour aider certaines antennes.
Les activités Emmaüs ont repris, mais un peu de patience, svp
Depuis le 11 mai, sur le site Emmaüs de Saint-Nazaire, basé à Trignac, les dépôts d'objets ont donc repris ainsi que les ventes le mercredi et le samedi. Mais les compagnons d' Emmaüs assurent aussi d'autres services tels que la livraison ou la récupération d'objets à domicile.
Sauf que les conditions ont évolué et que les règles sanitaires s'appliquent aussi pour la protection et la santé des compagnons. Boris, en charge de la coordination des déplacements, nous explique la réalité du déconfinement chez Emmaüs.
''Les objets achetés et livrés sont déposés devant le domicile, l'équipe n'entrera pas dans la maison. De même, pour débarasser, les compagnons n'entrent dans une maison ou un appartement qu'à la condition qu'il soit vide de tout occupant depuis au moins deux semaines. Emmaüs demande donc aux acheteurs ou donateurs patience et compréhension''. Comme dans les entreprises, les processus nécessitent plus de temps qu'avant.
Une seule valeur demeure invariable chez Emmaüs, la solidarité.
Emmaüs en Pays de la Loire : même problème partout, l'explication est internationale
Chaque antenne d'Emmaüs a ses spécificités. Nombre de bénévoles, de compagnons, capacité de stockage, trésorerie, etc. Nous avons appelé quelques responsables ligériens pour un état des lieux.Denis Blouin, reponsable Emmaüs à Angers, s'inquiète pour la semaine prochaine : ''on arrive à stocker le surplus dans un semi-remorque, mais celui-ci est déjà plein aux 4/5ème, on va vite arriver à saturation''.
Olivier Blanchard, responsable Emmaüs des deux sites vendéens des Essarts et de Vairé, confirme le phénomène : ''nous récupérons tout ce que les gens ont eu le temps, durant deux mois de confinement, de sortir de leurs placards. D'autres associations n'ont pas repris leur collecte, les bornes Le Relais sont saturées et fermées donc tout arrive chez nous, à Emmaüs''.
Arrivage massif de textiles en tous genres, donc, mais aussi pénurie de débouchés. ''Appelez Le Relais Atlantique, ils vont vous expliquer!'' conclut le responsable vendéen.
Le rôle primordiale du Relais
Nous avons donc consulté le Relais Atlantique, basé à Couëron, près de Nantes, Le Relais étant le plus gros collecteur de textiles en France. Guillaume Dumas, directeur général délégué nous confirme la situation en décryptant la saturation mécanique de la filière.''La filière de recyclage du textile s'approche de la saturation. Sur la masse des textiles récoltés, 35% partent via conteneurs maritimes vers l'Afrique et l'Asie pour être réemployés et portés à nouveau. 55% sont envoyés plutôt vers l'Inde et le Pakistan pour être éfilochés et produire du textile recyclé. 5% sont détruits car en trop mauvais état, et 5% sont en très bon état et sont vendus dans les sites Emmaüs ou des magasins comme Ding Fring''.
Mais avec le confinement planétaire, certaines branches d'activités ont du mal à redémarrer, et les tuyaux sont rapidement engorgés : arrivage massif d'un côté et absence d'exutoire de l'autre annoncent une saturation imminente de la filière.
Le Relais Atlantique est une entreprise d'insertion, pas une association, elle existe sous forme de SCOP, compte 117 personnnes dont 60 en insertion.