Angers : des étudiants proposent des jeux autour de la langue française à des élèves allophones, via leurs portables

Des étudiants en master Français Langue Étrangère ont permis à des jeunes d'origine étrangère de garder le contact avec l'apprentissage du français. Une expérience singulière, initiée pendant le confinement, et qui, au vu de son succès, pourrait se prolonger à la rentrée.

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D'un côté, des étudiants français ou internationaux qui, du jour au lendemain, pour cause de Covid-19, se sont vus privés d'accès aux amphis. Obligés de continuer leurs études à distance.

De l'autre, des enfants mineurs étrangers, isolés, ou vivant dans des conditions très précaires avec leurs familles réfugiées sur le sol français.

C'est Valérie François, qui coordonne le CASNAV 49, centre académique pour la scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés, qui a eu l'idée de mettre en contact ces deux publics.

"Pendant le confinement, des enseignants de collège nous ont remonté des difficultés, indique Valérie. Ils étaient inquiets pour leurs jeunes. Ces enfants, déjà connus pour être fragiles car ne maîtrisant pas bien le français, se retrouvaient encore plus éloignés des enseignements que les autres. Il leur était impossible de suivre des cours à distance, tout simplement parce qu'ils n'ont même pas d'ordinateur!

Il fallait faire quelque chose pour qu'ils ne perdent pas pied pendant cette période et ne décrochent pas complètement".

Valérie François, coordinatrice CASNAV 49



Valérie François s'est alors rapprochée de l'Université d'Angers pour instaurer un programme d'échanges pédagogiques et interculturels, à distance, pendant le confinement.
18 étudiants se sont portés volontaires pour accompagner une trentaine de collégiens pendant toute la période.

La création de "Tandem", une expérience unique

"Cette expérience a été très enrichissante à plusieurs titres", raconte Emmanuelle Rousseau, responsable du Master 2 Français Langue Etrangère à l'Université d'Angers. Les étudiants ont pu se rendre compte que dans ces situations d'accueil, les enfants allophones subissent le confinement et l'isolement puissance 10. Ils ont connu des ruptures, avec leur pays d'origine, leurs amis, leurs familles parfois. Pour ces étudiants qui se destinent à être enseignants, mais n'ont pour la plupart jamais été en situation de faire cours, c'est une approche pratique d'une autre réalité. Ils ont appris à s'exprimer lentement, à s'exprimer ou à faire s'exprimer les collégiens par des dessins, à aller à la rencontre de l'autre tout simplement "

La plupart des étudiants qui ont participé à ce dispositif, eux-mêmes confinés à Angers, ont vu leurs cours en présentiel ou leurs stages interrompus par le confinement. Ils ont donc mis à profit ce temps suspendu pour établir un contact avec les jeunes collégiens, et leur proposer des jeux et des défis autour de la langue française.

Pédagogique et solidaire

C'est le cas de Naïma Azikiou, étudiante en Master 2. D'origine berbère, elle a appris le kabyle, l'arabe classique et bien sûr le français. Autant dire que se retrouver en position d'apprenante, de devoir construire des repères dans un environnement nouveau ne lui est pas totalement étranger !
 

Naïma a chapeauté le programme, coté étudiant, organisant des défis, coordonnant chaque semaine, le programme d'activités.
 

Je suis assez sensible aux efforts qu'il faut faire pour apprendre! Il fallait  favoriser l'interaction orale, sous forme ludique.

Naïma, étudiante, coordinatrice du projet Tandem

 "J'ai proposé des défis. Autour de la couleur rouge par exemple, les enfants devaient m'envoyer des photos des objets rouges qui les entouraient. Nous leur avons aussi demandé de présenter leur famille, de dessiner ou de mettre en mots leurs activités quotidiennes en respectant certaines consignes. Certains enfants avaient du mal à comprendre les propositions en français mais je me débrouillais et, parfois je complétais mes propos en anglais pour leur permette de mieux comprendre."

Pas question de jouer les profs de substitution, de rentrer dans l'intimité, ni de questionner le parcours de vie, souvent douloureux, de ces enfants. 
Pour des raisons de confidentialité, le lien s'est établi par téléphone, via l'application WhatsApp. 

"Nous les appelions 2 à 3 fois par semaine, 15 à 30 minutes. Et nous avons senti que ça leur faisait du bien de pouvoir discuter et avancer dans l'apprentissage du français avec des personnes extérieures. Pour les étudiants, c'était vraiment très riche, et totalement complémentaire à notre cursus, car pour la plupart, c'est ce que nous voulons faire: enseigner le français à un public étranger!".

"Ces étudiants ont vraiment fait des petits miracles", ajoute Valérie François. "Ils ont tout fait pour maintenir le contact avec ces enfants pendant cette période difficile et leur permettre de s'exprimer en français, de garder un lien avec le français en leur amenant notamment du vocabulaire. Les retours que j'en ai, de la part notamment des enseignants de collège, sont très enthousiastes".
 

Des tandems qui pourraient être reconduits

Face au succès de l'opération et à l'engouement suscité de part et d'autre, il n'est pas exclu que l'opération se prolonge l'année prochaine. C'est en tout cas le vœu partagé des enseignantes à l'origine du projet.

"On pourrait tout à fait envisager poursuivre cette initiative. En tout cas, on s'est aperçu que l'on pouvait valider ces échanges pédagogiques à titre d'expérience professionnelle", indique Emmanuelle Rousseau, l'Universitaire. "D'ailleurs ça s'est tellement bien passé qu'une fois le confinement levé, quand les enfants ont repris leurs cours au collège, les tandems ont continué de fonctionner".

Le dispositif, suspendu pendant les vacances, pourrait donc être reconduit à la rentrée. Une rencontre devrait aussi être organisée pour permettre aux étudiants et aux collégiens de faire connaissance...pour de vrai cette fois !

 
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