Un livre en forme de bilan, mais aussi de programme pour ceux qui le suivront. Alors qu'il se retire de la vie politique, Matthieu Orphelin publie "A quand l'écologie en grand? Ce qu'il reste à faire"
Comment agir en politique lorsque les mécanismes de la démocratie semblent à bout de souffle? Au terme de son mandat, cinq ans comme député de la première circonscription du Maine-et-Loire, Matthieu Orphelin dresse un constat désabusé du fonctionnement de la démocratie parlementaire.
Dysfonctionnements de la démocratie parlementaire
Des milliers d'amendements déposés par les députés, il ne reste souvent que quelques secondes de discussion au cours de réunions préparées dans l'urgence. "Si une PME employait les mêmes méthodes que l'Assemblée, elle serait en faillite en un rien de temps !", résume-t-il au début de son livre.
Dans ces pages consacrée au bilan de cet unique mandat de député, Matthieu Orphelin décrit les enveloppes, 150 euros accordés chaque semaine à chaque parlementaire pour "frais non justifiés".
Il raconte l'influence des lobbys : "Pas un jour à l'Assemblée sans qu'un cabinet de lobbying ne me propose un amendement ou une rencontre avec un représentant d'intérêts privés." Leur pouvoir de nuisance également : le chantage mené par le syndicat des producteurs de pesticides pour tenter d'annuler l'un de ses amendements. Ou les courriers menaçants de la fédération des chasseurs lorsque le député s'exprime contre la chasse à courre.
Quelques victoires
Mais aussi, les victoires obtenues : l'adoption de ses amendements contre les pesticides néonicotinoïdes tueurs d'abeilles. Le projet de chèque "bien manger", que le député porte depuis l'automne 2020, en passe d'être adopté avec le soutien des syndicats d'exploitants agricoles.
Ecrit avec l'aide de 8 contributrices et contributeurs, tous cités à la fin de l'ouvrage, ce livre a été rédigé dans l'urgence d'une campagne électorale durant laquelle les grands enjeux écologiques ont été occultés par la guerre en Ukraine. Ainsi, l'ouvrage souligne que lors de cette présidentielle de 2022, moins de 5% des débats ont été consacrés à l'écologie.
Un parcours politique fait de tâtonnements et de désillusions
Durant ces 5 années comme député du Maine-et-Loire, Matthieu Orphelin a découvert les rouages de la vie politique : issu de la société civile, une carrière à l'ADEME et à la fondation pour la Nature et l'Homme de Nicolas Hulot, il est entré à l'Assemblée sous les couleurs de La République en Marche.
Puis il a bifurqué : après s'être opposé ou abstenu sur des sujets tels que la baisse des APL ou le projet de loi "Asile et Immigration, il quitte LREM et se retrouve sans étiquette. Un temps intégré dans le groupe Liberté et Territoires, Matthieu Orphelin fonde en mai 2020 le groupe "Ecologie, démocratie et solidarité".
Son livre revient sur les désillusions : quand le gouvernement d'Emmanuel Macron maquille les chiffres de la loi "climat et résilience" pour en dissimuler le faible impact. La promesse présidentielle de supprimer en 10 ans les passoires énergétiques qui se heurte au constat d'à peine 2500 logements rénovés en 5 ans.
Des pistes pour l'avenir
Alors qu'il annonce sa volonté de ne pas se représenter et de quitter la vie politique après un burn-out, Matthieu Orphelin laisse surtout cet ouvrage comme un outil pour ceux qui lui succèderont.
Les propositions sont nombreuses : former tous les nouveaux élus aux grands enjeux écologiques, évaluation systématique des articles de loi sous l'angle environnemental, encouragement de la sobriété en développant le train, les pistes cyclables, en réduisant le temps de travail. Taxation des plus riches pour financer la transition et pour mieux répartir les richesses. Réorienter les 45 milliards d'euros que la France investit chaque année dans les énergies fossiles vers des projets durables.
Alors qu'une vague de chaleur sans précédent s'abat sur l'Antarctique avec des températures supérieures de 40° aux normales de saison, Matthieu Orphelin rappelle l'urgence de ces réformes. Le dernier rapport du GIEC donne trois ans à l'humanité pour éviter le pic des émissions de gaz à effets de serre. Hors de la politique, le député compte bien demeurer engagé, regardant du côté des ONG.
Le livre se conclut sur une image, celle de Sisyphe, jamais découragé de pousser son rocher. "Sisyphe est seul, alors que nous sommes des millions à être prêt à passer à l'action (...) Commençons ce qu'il reste à faire !"