ENTRETIEN. La lutte contre le moustique tigre, un combat perdu d'avance ?

La lutte contre le moustique tigre est désormais d'actualité en Pays de la Loire. Mais la bataille apparait bien vaine au regard de sa prolifération. Thierry Lequeu, responsable au laboratoire de biologie vétérinaire à Inovalys nous livre quelques clés de compréhension.

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En Pays de la Loire, 16 communes sont considérées comme colonisées par le moustique tigre depuis l'été 2023, précise l'Agence Régionale de Santé. En Loire-Atlantique, Le Pellerin et Saint-Sébastien-sur-Loire sont concernées depuis 2019, Rezé depuis 2021, Bouguenais et Nantes depuis 2022 et Orvault depuis 2023.

En Maine-et-Loire, la commune de Trélazé est touchée depuis 2017, Chacé (commune de Bellevigne-les-Châteaux) depuis 2018, Les Garennes sur Loire depuis 2020 et Murs Erigné depuis août 2023.

La Vendée a été le premier département touché, notamment à Fontenay-le-Comte depuis 2015, Sainte-Hermine depuis 2019, Jard-sur-Mer (juillet 2023), Aizenay et Sainte-Pexine (août 2023). En Mayenne, Château-Gontier-sur-Mayenne est concerné depuis 2020. En 2022, le moustique tigre a également été détecté dans la Sarthe.

    L'ARS a confié au laboratoire Inovalys la surveillance de sa prolifération, particulièrement importante cette année en raison de la chaleur et des orages.

    Entretien avec Thierry Lequeu, responsable au laboratoire de biologie vétérinaire à Inovalys.

    Comment peut-on limiter la prolifération du moustique tigre ?

    Il faut surtout agir sur les gites de reproduction. Le moustique tigre est un moustique urbain. Il ne se reproduit pas dans les espaces naturels. Il se reproduit dans l'eau stagnante, sur des réservoirs d'eau, comme les soucoupes de pots de fleurs, les descentes de gouttières. Donc, il faut absolument éliminer toutes les sources d'eau stagnante. On n'arrivera jamais à éradiquer le moustique tigre, par contre, on peut le contenir en limitant sa reproduction.

    Inovalys intervient en tant qu'opérateur de l'ARS sur plusieurs volets. Nous avons mis en place un réseau de pièges pondoirs sur tous les pays de la Loire, qui nous permet de cartographier la présence du moustique tigre sur la région.

    Nous réalisons également des enquêtes entomologiques autour des cas d'arboviroses importés. Il s'agit par exemple d'une personne qui revient de Martinique ou de Guadeloupe avec la dengue ou le chikungunya ou le zika et qui est susceptible de transmettre la maladie par l'intermédiaire d'un vecteur, en l'occurrence le moustique tigre. 

    Nous réalisons alors une enquête autour du malade, sur un périmètre de 150 mètres, pour rechercher la présence de moustique tigre. Si d'autres personnes sont piquées, un traitement est effectué afin de rompre la chaîne de transmission du moustique.

    Le moustique tigre est apparu en France en 2004 et depuis sa prolifération est constante. Est-ce une bataille perdue d'avance ?

    Il va se répandre inexorablement. La quasi-totalité du territoire est désormais touché. On ne pourra pas l'éradiquer, par contre, on peut exercer une pression pour éviter qu'il soit trop présent, c'est-à-dire en limitant les gîtes de reproduction.

    Les œufs du moustique tigre peuvent résister à la dessiccation (déshydratation) et à des températures très froides : même si on détruisait tous les adultes à un moment t, il y aurait une population de moustiques 15 jours après qui reviendrait spontanément.

    A-t-il des prédateurs ?

    Certaines communes ont installé des gîtes à chauve-souris, mais c'est une fausse bonne idée, parce que la chauve-souris ne rencontre pas le moustique tigre.

    Le moustique tigre est diurne, il se déplace dans la journée, tandis que la chauve-souris se déplace la nuit. Donc la chauve-souris est un prédateur des moustiques, mais pas du moustique tigre. Les oiseaux et les araignées sont ses prédateurs.

    À quelle période peut-on espérer un répit ?

    Le moustique tigre se reproduit lorsque les températures moyennes sont supérieures à 14° C environ. Ce qui veut dire que fin octobre, normalement les œufs ne vont plus éclore. Ils vont rentrer en diapause, c'est-à-dire qu'ils vont rester latents jusqu'au printemps. Il y aura alors une nouvelle génération de moustiques tigres. On n'est pas importuné pendant l'hiver par le moustique.

    Sa prolifération est-elle liée au réchauffement climatique ?

    Le réchauffement climatique amplifie un peu la période de reproduction, parce que désormais, on peut atteindre 14 degrés dès le mois de mars, mais le réchauffement climatique n'est pas directement en cause.

    Le moustique tigre a été importé d'Asie vers l'Europe via le commerce des pneus, parce que le pneu est un super gite de reproduction pour le moustique : l'eau s'y introduit et après, on ne peut pas le vider.

    S'il avait été importé il y a 50 ans, le moustique tigre aurait rencontré les conditions pour se multiplier en France.

    Propos recueillis par Vincent Raynal

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