"Il faut lever le voile sur ces décès invisibles", au moins 26 personnes sans domicile fixe sont mortes en Pays de la Loire, en 2023

Dans son rapport annuel, publié fin octobre, le collectif 'Les Morts de la rue' révèle qu'au moins 735 personnes sans-abri sont mortes en 2023. Environ 3,5 % de ces décès ont eu lieu en Pays de la Loire.

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Jacqueline* a été expulsée de son logement social un mois et demi avant son décès. Elle avait 90 ans et elle vivait en Vendée.

Mise à la rue, elle refusait d’appeler le 115. Son état de santé et son âge interpellaient les riverains qui appelaient régulièrement les pompiers. Des témoignages racontent qu'elle étaient toujours vêtue de plusieurs couches de manteaux en cuir, alors même que la région était marquée par de fortes chaleurs.

Un jour, les pompiers l'amènent en urgence dans un centre d’hébergement où elle décédera vingt-quatre heures plus tard. Jacqueline fait ainsi partie des 735 personnes sans abri mortes en 2023. Un chiffre non exhaustif, révélé par le collectif 'Les Morts de la rue' dans son 12ᵉ rapport annuel de recensement de la mortalité des personnes sans domicile.

Le collectif, soutenu par le gouvernement, évoque "un triste record" après un chiffre déjà inédit de 638 décès comptabilisés en 2022. En Pays de la Loire, 26 décès ont été relevés dans le dernier rapport. C'est légèrement moins que l'année d'avant. La région, comme l'ensemble du territoire national, connaît toutefois une hausse générale de ces chiffres depuis 2017.

"Cette augmentation par rapport aux années précédentes pourrait être le reflet à la fois d'une détérioration des conditions de vie pour ces populations, mais aussi d'une amélioration de notre recensement", souligne Adèle Lenormand coordinatrice de l'équipe Dénombrer et Décrire du collectif.

Des mortalités précoces

Dans son rapport, le collectif 'Les Morts de la rue' alarme sur la précocité des décès. "En moyenne, on a remarqué que les personnes sans domicile fixe ont une espérance de vie de 48,8 ans", détaille Adèle Lenormand. Pour la population générale, l'âge moyen de décès est situé à 79.9 ans, soit 31 ans de plus.

D'après le collectif, cette mortalité prématurée des personnes à la rue n'est que la conséquence des conditions déplorables dans lesquelles elles vivent ; sans cesse ballottées d'habitations de fortune en structures d'hébergements d'urgence. Une situation vécue par Léa*, 22 ans. 

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Originaire du Maine-et-Loire, elle avait été placée à l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) de ses 6 mois à ses 21 ans. Une fois sortie, Léa a été contrainte d'alterner entre la rue et les hébergements en hôtel, pris en charge par le 115. La jeune femme était très vulnérable et très fragile. Elle avait des compagnons de rue, et quelques mauvaises fréquentations. Elle était en rupture familiale complète. Léa est décédée cette année, à la suite d’un suicide.

Des parcours de vie comme celui de Léa, le collectif en a recueilli plusieurs. "On veut qu'ils soient connus pour lever le voile sur ces décès invisibles", soutien Adèle Lenormand. La coordinatrice ajoute également que l'objectif du rapport annuel est d'interpeller : "comme l'ensemble des associations venant en aide aux personnes sans-abri et mal logées, on demande un logement pérenne pour toutes et tous."

Un fond métropolitain pour l'hébergement d'urgence

À l'échelle locale, des mesures semblent être prises pour améliorer la prise en charge et l'hébergement des personnes sans domicile. Par exemple, depuis 2021, Nantes Métropole réserve 1 % de son budget total à la lutte contre le sans-abrisme. Cela aurait notamment permis l'ouverture de 80 places dans les anciens locaux du CREPS, sur le site du Broussais à Nantes.

D'ici à 2026, la Métropole souhaite déployer près de 10 millions d'euros grâce à ce fond, mais dans une lettre ouverte publiée le 12 mars 2024, le collectif nantais 'Personne à la rue' —  regroupant 46 organisations d'aide aux personnes sans logement et mal-logées —  en déplorait une faible utilisation.

Selon ce collectif, seuls 2,7 millions d'euros auraient été dépensés entre le début du mandat et juin 2023. "Il n'y a même pas l'équivalent d'une année de budget qui a été utilisée en trois ans, regrette Manon, membre de l'association 'Droit Au Logement'Ça pourrait être une super opportunité, mais elle est sous-utilisée".

*Les prénoms ont été modifiés par le collectif Les Morts de la rue afin de garantir l'anonymat des personnes

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