Angers : anciennes pensionnaires du Bon Pasteur, elles veulent être reconnues comme victimes pour les violences psychologiques ou physiques subies

Elle ont vécu un calvaire. Placées, alors qu'elles étaient mineures, par la justice ou leurs familles, au Bon Pasteur à Angers, d'anciennes pensionnaires dénoncent des violences psychologiques et physiques que leur faisaient subir les religieuses qui les encadraient. 50 ans plus tard, réunies en association, elles réclament des comptes à l'institution religieuse et à l'état.

Longtemps, des congrégations religieuses, ont été des "annexes éducatives". On y plaçaient celles qui étaient considérées comme des filles perdues, des mauvaises graines.

Peu importe qu'elles aient été violées dans leur enfance, victimes de parents défaillants ou orphelines. Elles n'étaient que des "choses" à redresser, à remettre dans le droit chemin. Peu importe que cette "éducation" passe par des brimades, de la maltraitance, du travail abrutissant, non payé, évidemment.

De toute façon, le silence prévalait. On n'en parlait pas et c'est bien connu, ce dont on ne parle pas, n'existe pas. Et c'est ainsi que des années 50 aux années 80, des milliers de jeunes filles, pour certaines à peine sorties de l'enfance, ont vécu un calvaire.

On a tellement été culpabilisées, dans le fait qu'on était des moins que rien que c'était pas possible (de parler)

témoigne aujourd'hui Éveline Le Bris, l'une des anciennes pensionnaires de la congrégation du Bon Pasteur à Angers

Les temps ont changé. Le mouvement #Metoo, le récent rapport Sauvé sur les crimes pédophiles dans l'église de France, ont bouleversé la donne. Aujourd'hui, la parole se libère et surtout...elle est entendue.

D'anciennes pensionnaires ont décidé de lever le voile sur ce qu'elles ont vécu, les brimades, la maltraitance qu'elles ont subies derrière les hauts murs de ces institutions. Des lieux comme la congrégation du Bon Pasteur à Angers.

Cette institution, Marie-Christine, Eveline, Myriam, Sucrette, l'ont bien connue. 

Les sœurs de Notre-Dame de Charité du Bon Pasteur, ont encadré jusque dans les années 80 des milliers de filles mineures, sans repères, confiées par leur famille ou sur décision du juge. À l'époque, c'est même le principal lieu d'accueil pour la protection de l'enfance, agréé par l'Etat.

Une maison de correction qui ne dit pas son nom

Placée suite au rejet de ses parents, Myriam a longtemps enfoui ces souvenirs de jeunesse meurtrie.

"Quand je suis arrivée, c'était comme si j'étais en prison. La porte s'est refermée, on m'a enlevé ma valise, on m'a tout enlevé. "Baissez-la tête, ne me regardez pas"....ça remonte, j'ai 73 ans et ça remonte", lâche t-elle dans un sanglot.

Myriam évoque les camisoles chimiques imposées aux jeunes filles.

"J'ai perdu le sommeil, des nuits blanches y'en a eu...on nous faisait des électro-encéphalogrammes pour voir si on n'étaient pas folles, des piqures (...). Moi j'ai pris 20 kilos. On était des zombies".

Ces Filles du Bon Pasteur" dénoncent aussi le travail obligatoire, effectué aux détriment de leur éducation.
Enfant battue, confiée à une maison de l'institution à Paris, "Sucrette" se souvient de ces journées passées à la blanchisserie.

"Tout était triste dans ce Bon Pasteur...on était là que pour travailler. On repassait les draps et les blouses des hôpitaux de Paris. Je faisais des robes de chambre et le soir à la veillée, j'écrivais sur des enveloppes les adresse qu'il y avait sur un bottin. Soit disant que c'était payé un centime...moi j'ai jamais vu le centime. J'ai jamais été payée pour ce que j'ai fait"

Un statut de victime que l'institution ne reconnaît pas

Le siège du bon pasteur a accueilli notre équipe de reportage.
Aujourd'hui, il n'existe plus de trace de cette période controversée, hormis une brève évocation dans le musée qui retrace l'histoire de la congrégation.

L'une des porte-parole, Sœur Marie-Paule Richard a néanmoins accepté de répondre notamment taux accusations de maltraitance. 

"Sur le nombre il est possible qu'il y ait eu des dérapages. La congrégation n'a jamais nié qu'il y ait pu y avoir ce genre de choses mais je pense que c'étaient des cas isolés . le Bon pasteur n'était pas une institution qui avait établi un système répressif. Pas du tout, on n'était pas là pour ça(…)"

Outre une cellule d'écoute envisagée, la Congrégation a libéré la consultation des archives qu'elle conserve sur les filles placées. Des dossiers qui se limitent à des informations administratives.

L'association d'anciennes pensionnaires souhaiterait leur restitution publique.
Mais ce qu'elle réclame surtout c'est une reconnaissance de ces sévices, de la part de l'ordre religieux et de l'Etat.

"Plusieurs fois les sœurs m'ont dit mais enfin, qu'est-ce que vous voulez ?...Et bien que que vous nous demandiez pardon

Marie-Christine Vennat, ancienne pensionnaire du Bon Pasteur

"Maintenant le fait de demander pardon c'est reconnaître ses erreurs. Donc peut-être que ca les gène. C'est pas normal de faire tant de mal à des milliers de jeunes filles sans qu'on soit reconnues comme victimes", explique Marie-Christine Vennat, ancienne pensionnaire du Bon Pasteur.

Un premier contact n'a pas permis la réconciliation avec les sœurs.

Aux Pays-Bas, où la congrégation était aussi implantée, le Ministère de la justice a formulé ses excuses et engagé un processus d'indemnisation.

Mais en France, pour ces femmes qu'on a trop longtemps perçu comme de "mauvaises filles", le combat pour la dignité ne fait que commencer.

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