Le 14 juillet 2022, le feu d'artifice tourne au drame à Cholet et tue Gabriel et Meggy, un frère et sa soeur âgés de 7 et 24 ans. Un an plus tard, Antoine Frémondière, le compagnon de Meggy lui aussi touché par l'explosion d'une fusée, témoigne de sa reconstruction.
Antoine Frémondière était venu passer la soirée en famille à Cholet, le 14 juillet 2022. Peu après 23h, il est touché par l'explosion d'une fusée lors du feu d'artifice, tout comme sa compagne Meggy, et Gabriel, le frère de cette dernière. Meggy et Gabriel ne se relèveront pas.
Ce soir-là, Antoine Frémondière a perdu sa conjointe et ses projets d'avenir. Il garde d'importantes cicatrices sur le bas du corps. Ses jambes ont été brûlées au second degré, et ses tympans ont été perforés, provoquant une perte d'audition et des acouphènes.
Il conserve aussi et surtout le douloureux souvenir de cette nuit. "Après l'explosion, je comprends assez vite que je suis touché mais que mes jours ne sont pas en danger. Et je comprends très vite que ma conjointe est entre la vie et la mort. Je vois le massage cardiaque et je prie pour que ça se termine autrement", raconte l'homme de 27 ans.
On avait aucune notion du danger. J'ai cligné des yeux et quand je les ai ouverts, c'était trop tard. La vie peut basculer en une fraction de seconde.
Antoine FrémondièreBlessé par le feu d'artifice de Cholet en 2022
"J'avais la sensation d'une scène de guerre. J'étais perdu. Il y a eu un mouvement de panique énorme, et j'étais sonné par le choc de l'explosion", se souvient-il.
En urgence absolue, Antoine est héliporté à l'hôpital de Tours et lutte pour survivre en soins intensifs : "Je me suis concentré sur moi, pour me récupérer physiquement. J'avais moins conscience du drame du décès de ma conjointe."
► Voir le reportage réalisé par Jérémy Armand, Adrien Marchand et Stéphane Hérel
Deuil à retardement
Le sentiment de deuil grandit à mesure que le temps passe et qu'il se reconstruit. "Je récupérais, mais mentalement c'était plus dur parce que je prenais vraiment conscience de la perte", témoigne Antoine.
"On voulait une vie tranquille, on projetait d'avoir des enfants, on avait acheté une maison, se remémore-t-il avec émotion. J'y ai remis les pieds, mais pas encore pour y habiter. J'ai à cœur de la rénover, mais je ne sais pas si j'arriverai à y vivre."
Deux rapports d'enquête donnent désormais un premier éclairage sur les circonstances de l'événement qui a bouleversé la vie d'Antoine. Leurs conclusions sont accablantes pour l'organisateur du feu d'artifice et l'entreprise de pyrotechnie. Ils ont laissé le public s'installer à une cinquantaine de mètres du pas de tir, soit 3 fois moins que la distance réglementaire de 150 mètres.
Le public trop proche du pas de tir
L'accident fait suite à des dysfonctionnements en chaîne sur les mortiers 125mm et à la présence des victimes à quelques dizaines de mètres des mortiers. Une distance "beaucoup trop faible pour prémunir les personnes d'un accident".
L'explosion de tubes a provoqué la projection latérale d'artifices qui ont explosé à proximité du sol. L'anomalie est survenue alors que le public se tenait dans la zone dangereuse, dont l'accès n'était pas explicitement interdit.
Les experts sont clairs, le premier responsable, c’est l’organisateur, ici le comité des fêtes. Il aurait dû faire respecter les zones de sécurité et informer le public. L’entreprise de pyrotechnie était responsable de la bonne réalisation du spectacle et le chef artificier devait, à titre personnel, exécuter le feu d’artifice conformément aux règles de sécurité.
"Aucune barrière, aucun personnel de sécurité n'assurait la protection de cette zone interdite", dénonce Pascal Rouiller, l'avocat d'Antoine Frémondière. "Non seulement il n'y avait pas de protection, mais les artificiers ont repéré du public et lui ont demandé de se reculer de quelques mètres alors même que ce public était dans la zone."
Les artificiers avaient pleine conscience que la zone interdite était envahie par le public, et que le tir était donc interdit.
Pascal RouillerAvocat d'Antoine Frémondière
Quant à la responsabilité de la préfecture et de la mairie, les experts ne relèvent pas de faute du point de vue formel et administratif. Ils déclarent toutefois qu'une vérification du plan transmis à la préfecture aurait pu alerter sur le problème de distance. Ce plan n'est cependant pas à l'origine de l'accident car les zones de tir et les zones réservées au public, incorrectement identifiées, n'ont pas été respectées au moment de lancer le feu d'artifice.
Le maire de Cholet, Gilles Bourdouleix, a été placé en garde à vue, sans poursuite à ce stade. Il a dénoncé un acharnement et a souligné que l’organisateur n'est pas la mairie. Sur ce point, les experts lui donnent raison : "Les éventuelles fautes de l'organisateur ne sont formellement pas celles de la Mairie, en dépit des liens étroits entre l’association et la mairie."
L'attente d'un procès
Contactés, l'organisateur et l'entreprise de pyrotechnie mis en cause dans cette affaire n'ont pas souhaité s'exprimer. De son côté, Antoine Frémondière tombe des nues : "Je suis surpris que ce soit aussi évident. Le cumul de manquements est aberrant."
"Avant, je n'avais pas de colère, je me disais qu'il y avait eu des ratés, un accident. La colère apparaît maintenant parce que je me rends compte qu'ils avaient potentiellement vraiment conscience du danger", poursuit-il.
Les investigations terminées, les avocats d'Antoine Frémondière ont désormais le procès en ligne de mire. "Aujourd'hui, on a une idée assez précise des circonstances du drame et des responsabilités qui s'arbitrent entre l'organisateur, la société prestataire de tir, et l'artificier, note Pascal Rouiller. Nous attendons le procès, que les personnes comparaissent devant le tribunal, s'expliquent, et que la justice puisse passer à leur égard."
Antoine Frémondière acquiesce : "J'attends que la lumière soit faite, mais dans tous les cas ça ne changera rien."
Deux options s'offrent au parquet, car le classement sans suite paraît peu probable. Il peut dorénavant confier l’instruction à un juge, ou bien renvoyer les mis en cause devant le tribunal. Le procès pourrait alors, selon le calendrier judiciaire, se tenir dès 2024.
Témoignage recueilli par Jérémy Armand et Adrien Marchand