Jane et Patrick travaillent ensemble dans une agence immobilière. Ils vivent en Mayenne et ont la double nationalité anglaise et française. Au premier tour des élections législatives, le Rassemblement National a réussi à maintenir 3 candidats au second tour en Mayenne. Ils craignent de lourdes conséquences pour eux, pour leurs proches et pour leur activité.
Chailland est une jolie petite cité de caractère mayennaise de 1 300 habitants. Il y fait bon vivre et un certain nombre de résidants orginaires de Grande Bretagne y sont installés.
Parmi eux, Jane Thom, à la tête d'une agence immobilière depuis 20 ans.
"Je suis toujours britannique, mais j'ai obtenu la nationalité française en novembre 2021, avec mes deux enfants. Et donc maintenant, on est des binationaux. Ça me soulage beaucoup, car je peux voter, et c'est super important en ce moment", explique la cheffe d'entreprise.
Dans les trois circonscriptions de Mayenne, les trois candidats du Rassemblement National se sont maintenus au second tour des élections législatives qui se dérouleront dimanche 7 juillet prochain.
Binational, étranger en France ?
Face à la montée de l'extrême droite, en Europe comme en France, le constat de Jane est amer.
"On voit bien que le racisme monte beaucoup. En Mayenne, j'ai remarqué cela aussi. Souvent, on a des gens qui veulent parler de politique à l'agence. Et souvent, c'est contre les migrants, contre les étrangers. Or moi, je leur dis, je suis désolée, mais je me sens concernée, car je suis toujours étrangère. Mais ils me répondent : 'Ah, Madame Thom, on ne parle pas de vous, on parle des autres', je trouve ça difficile à entendre. On voit bien que ça monte, ça monte".
Depuis les élections européennes, on voit bien que ce sont tous les étrangers qui sont visés.
Jane ThomBinationale
À ses côtés, dans la petite agence "cosy", l'un de ses employés, Patrick. Lui aussi est binational anglais-français, et père d’un jeune enfant. Il partage la même inquiétude que sa directrice.
"J'ai vécu longtemps à Nantes, c'est une ville très diverse et j'ai fait beaucoup d'amis là-bas et je m'inquiète un peu pour eux. Je sais que pour certains, c'est déjà un peu la galère. Je pense notamment à mes amis étrangers, des amis naturalisés, et qui sont des couples mixtes. Je sais qu'en plus certains étaient venus en France justement pour se retrouver un peu en sécurité".
Est-ce qu'on va être limité dans nos options plus tard ? Va-t-on être obligé de dénoncer une partie de notre nationalité, un autre héritage ?
Patrick Dubeau BrownBinational
Le jeune père de famille de 34 ans, poursuit : "Ce n'est pas que je sois spécialement un fervent défenseur du Royaume-Uni, vive le roi et tout ça, pas du tout, je suis même plutôt le contraire, mais j'ai presque envie de dire, garder la double nationalité est un devoir pour dire non au racisme".
Climat de méfiance
Des circonstances et un contexte qui ne font pas non plus les affaires de cette agence immobilière. D'après Jane, les Britanniques hésitent désormais à devenir propriétaires dans le département, comme partout en France.
"On a beaucoup de clients britanniques qui arrêtent les ventes, parce que maintenant les acquéreurs ont trop peur du racisme. Qu'est-ce qui va se passer ? Maintenant que l'Angleterre est sortie de l'Union Européenne, ils se demandent s'ils auront encore le droit de vivre en France. Ça peut paraître un peu bête parce que oui, bien sûr, ils ont le droit, mais ils s'inquiètent beaucoup".
Pour Jane, un climat de méfiance s'installe dangereusement et insidieusement.
On a pas mal de Britanniques qui ont des maisons secondaires en France et qui ont demandé la mise en vente vu la situation politique
Jane ThomBinationale
Le Brexit aurait-il aussi eu un impact ? Pour Jane Thom, oui. "Je pense que le Brexit aussi, c'était une décision un peu raciste. Et ça ne s'est pas très bien passé. Ils voient la même chose arriver en France, et ils ont peur".
Le reportage de Pierre-Erick Cally, Florie Cotenceau, Nathalie Saliou-Tendron
En Mayenne, 142 personnes de 32 pays différents ont obtenu la nationalité française l’an dernier.
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