150 ans d'Alfred Jarry : sur les traces de l'écrivain né à Laval

Connu pour être l'auteur de la comédie burlesque et absurde "Ubu roi", le Lavallois Alfred Jarry n'a eu de cesse de bousculer les codes, créant le théâtre de l'absurde. Avant-gardiste et précurseur du mouvement surréaliste, 150 ans après sa naissance, Alfred Jarry reste aujourd'hui un maître en la matière.

A l'époque, ses pièces ont fait scandale, bousculant les codes de la bienséance. Avec son personnage tyrannique Ubu Roi, pièce publiée en 1896, Alfred Jarry crée le théâtre de l'absurde.

Un lanceur d'alerte, un anti-tyran, pas si absurde...

Un théâtre qui n'a rien perdu de sa puissance, à en croire le directeur du théâtre du Tiroir, à Laval, Jean-Luc Bansard, qui répète actuellement "La Chandelle Verte", à l'occasion des 150 ans de la naissance d'Alfred Jarry.

"En travaillant sur "Ubu roi", je me rends compte qu'il n'est pas si absurde que ça. C'était un lanceur d'alertes, un anti-tyran. Et c'est dans cet esprit qu'il a inventé "Ubu roi", personnage grotesque et tyrannique, qui va jusqu'à tuer tout le monde. Et bien c'est ce qui se passe aujourd'hui, dans certains pays où on fait des génocides".

Ce n'est pas absurde, au contraire, on met le doigt sur une réalité terrible de l'humanité : l'homme est un loup pour l'homme !

Jean-Luc Bansard

Directeur du théâtre du Tiroir à laval

Né en 1873 à Laval, d'une famille issue de la petite bourgeoisie, Alfred Jarry a passé une partie de son enfance le long des quais qui bordent la Mayenne. Des années heureuses qui marqueront à jamais le poète, qui reviendra souvent dans la capitale de Mayennaise et notamment pour y faire son service militaire en 1894 avant d'être réformé l'année suivante pour raison médicale.

Laval, où Alfred Jarry s'adonnait à sa passion pour le l'escrime, le vélo et la pêche.

Une enfance heureuse dans une famille de la petite bourgeoise

"C'est un fils aimé, il raconte cette vie, ici, dans un grand jardin avec une volière et une fontaine. C'est un lieu important pour le petit Alfred Jarry et c'est un lieu dont il va être chassé, comme on est chassé du paradis, puisque ruinés, ses parents se se séparent", explique Xavier Villebrun, animateur de l'architecture et du patrimoine de Laval.

Avec sa soeur aînée, Charlotte, ils suivront leur mère et s'installeront à Saint-Brieuc. Quelques années plus tard, en 1888,  Alfred Jarry intègre le lycée de Rennes où son professeur de physique Félix Hébert, surnommé Père Heb, lui inspire le personnage burlesque du Père Ubu, qui fera scandale 10 ans plus tard... 

Guillaume Apollinaire, Stéphane Mallarmé ou le Douanier Rousseau

A 18 ans, il rejoint Paris et échoue par trois fois le concours d'entrée à l'Ecole normale supérieure. Pour gagner sa vie, il écrit alors dans les revues littéraires et artistiques où il côtoie Guillaume Apollinaire, le Douanier Rousseau, lui aussi Lavallois et ami de la famille Jarry, où encore Stéphane Mallarmé.

De romans en critique, de chroniques en pièces de théâtre, Jarry est le maître de l'absurde. Rapidement rattrapé par ses personnages.

Un homme aux multiples facettes, finalement rattrapé par ses personnages

Olivier Michaud

Ancien conservateur de la bibliothéque de Laval

Dans le roman moderne "Le Surmâle", publié en 1901, Jarry livre sa vision déstabilisante, presque mécanicienne de l'amour. Dès la première phrase, on peut lire  : "L'amour est un acte sans importance puisqu'on peut le faire indéfiniment. Tous levèrent les yeux vers celui qui venait d'émettre une telle absurdité".

Un récit, encore une fois, ubuesque... sorte de caricature de la masculinité. Ce fut le dernier roman de Jarry, publié de son vivant.

C'est la génération des surréalistes, des précurseurs du mouvement dada. Il y a tout le théâtre de l'absurde dans la folie de cette époque-là

Olivier Michaud

Ancien conservateur de la bibliothèque de Laval

Ecrivain, poète, romancier, chroniqueur, dramaturge, un écrivain et un personnage aux multiples facettes. "C'était une figure de provocateur avec plusieurs masques : une voix fausse, un visage poudré, fardé, qui se baladait partout avec un revolver dont il menaçait les passants... Et si Alfred Jarry a pu contrôler ses excès pendant un moment, il a vite perdu le contrôle avec ses excès d'alcool", explique Olivier Michaud, passionné d'Alfred Jarry.

Après un dernier séjour à Laval en 1906, Alfred Jarry meurt l'année suivante à Paris, un 1er novembre, seul et démuni, à l'âge de 34 ans. Une vie à l'image de son oeuvre : brève mais intense, que les Lavallois célébreront dès le printemps et jusqu'à la fin de l'année, à l'occasion des 150 ans de sa naissance.