"C'est une sanction déguisée" estime Caroline Brémaud après son éviction à la tête des urgences de Laval

De nombreuses voix s'élèvent pour dénoncer la sanction contre celle qui depuis toujours défend corps et âme l'hôpital public. Caroline Brémaud, la très médiatique cheffe des urgences de Laval, a été démise de ses fonctions. Elle était l'invitée de notre édition régionale ce mercredi 6 décembre.

Depuis le 1ᵉʳ décembre, Caroline Bremaud n'est plus cheffe du service des urgences de l'hôpital de Laval. Une décision conjointe du directeur et du président de la communauté médicale de l'établissement. La raison officielle invoquée "une gouvernance unifiée au sein du département de médecine d'urgence."

Elle était ce mercredi midi l'invitée de notre édition régionale.

Sébastien Tréguenard, le directeur de l'hôpital de Laval, a estimé que vous aviez toute votre place au sein des urgences et qu'il ne s'agissait pas d'une sanction. Comment accueillez-vous ces propos ?

Je suis d'accord avec lui sur le fait que j'ai toute ma place à l'hôpital, mais ça ressemble quand même à une sanction déguisée de m'enlever la chefferie de service parce que l'argument qui est donné n'est pas complètement recevable. On dit qu'on se réfère à un audit de 2021, d'octobre 2021, cet audit a été réalisé avant qu'on soit en nuit régulée, il s'est passé deux ans depuis, l'hôpital a vraiment énormément évolué et les urgences aussi, donc il me paraît obsolète.

Dans cette audit, certes, il est signalé que ce serait préférable qu'il y ait un chef unique pour les deux services urgence Samu/SMUR, mais il est dit aussi qu'il faudrait que ce chef de service travaille dans les deux services, ce qui n'est pas le cas de la personne qui a été promue.

Alors selon vous, qu'est-ce qu'on vous reproche ?

Ça fait deux ans que je prends la parole pour dénoncer l'effondrement du système de santé en France. Ça fait deux ans que j'entends des remarques comme quoi, je prends un risque à dire la vérité. J'ai un collègue parisien un jour qui m'a appelée pour me dire "Fais attention, tu prends un risque pour ta carrière, tu prends un risque pour ton service, ton hôpital, on va te mettre des bâtons dans les roues".

Et on m'a déjà reproché, pas de façon personnelle, mais dans des réunions sans me citer, sans citer personne, mais quand même, la communication négative sur les urgences de Laval, délétère pour l'attractivité de l'hôpital et du territoire.

Sauf que moi, je ne dénonce pas seulement ce qui se passe à l'hôpital de Laval, je dénonce ce qui se passe dans toute la France et c'est vraiment important qu'il y ait une prise de conscience collective de tous les citoyens français, à Laval, comme partout ailleurs. L'accès aux soins est compliqué et se dégrade.

Vous êtes soutenue par les syndicats, aussi par certains politiques. Le fait que votre éviction fasse tant parler, vous pensez que c'est symptomatique de l'état de l'hôpital public ?

Le fait que l'information soit relayée et soutenue, je pense que c'est une preuve que ce n'est pas que mon intuition, que c'est une sanction déguisée, c'est le ressenti de tous. Tous les syndicats, les collectifs d'urgence ont cosigné un même document.

C'est un fait rare qu'ils se mettent d'accord tous ensemble pour une cause et que les citoyens aussi soient convaincus de ça. C'est vraiment, je pense, un signe pour montrer que je suis dans le vrai et qu'il faut se mobiliser parce que la situation est grave et vraiment, j'insiste sur le fait, qu'il y a une prise de conscience collective et nationale.

Fin 2021, vous aviez été entendue par le Sénat, par la commission d'enquête relative à la santé et à la situation de l'hôpital en France. La situation s'est dégradée depuis ?

Oui, la situation, elle se dégrade, on le voit, on a augmenté le nombre de nuits régulées, nous à Laval. On a des hôpitaux qui n'étaient jusque-là pas concernés, qui commencent à réguler ou fermer même leurs urgences. On a certaines spécialités où l'accès aux soins est dramatique, comme la pédiatrie ou la psychiatrie.

Et donc, chaque jour, on peut constater en lisant la presse locale des différentes régions qu'il y a une dégradation totale de l'accès au soin au niveau de l'hôpital public, mais aussi dans le libéral.

Vous allez rester urgentiste à l'hôpital de Laval, vous allez continuer à exercer votre métier et à vous exprimer ?

Oui, je vais continuer à faire tout ça parce que c'est important pour moi de faire mon métier dans une ville et un département que j'aime énormément et à soutenir la population qui m'a fait confiance et qui me soutient jusque-là et je ne peux pas faire autrement que d'exprimer ma colère quand colère il y a parce que je parle avec mon cœur et mon âme et, en général, quand ça déborde, je le partage avec vous.

Le porte-étendard de l'hôpital public

Caroline Brémaud était devenue le porte-étendard de l'hôpital public en dénonçant le manque de moyens au sein des urgences de Laval. Il y a quelques jours, elle a été démise de ses fonctions de cheffe de service, mais reste toutefois salariée de l'établissement.

Une décision incompréhensible pour ce représentant d'un collectif d'usagers à l'origine d'une pétition de soutien.

"C'est qu'elle fait un travail formidable et là, on est en colère parce qu'on a vraiment le sentiment que c'est une mise à l'écart parce qu'elle parle trop, parce qu'elle dit trop que ça ne va pas", estime Denis Roth, représentant de l'Association des citoyens contre les déserts médicaux.

La délégation CGT de l'hôpital dénonce également la méthode et le manque de clarté de la direction, d'autant que le successeur de Caroline Bremaud aura non seulement à gérer les urgences, mais aussi le service du SAMU et du SMUR.

"On ne néglige pas que ce médecin-là est un très bon médecin, un très bon professionnel. Il est très apprécié aussi des professionnels, à la fois du SAMU, mais aussi des urgences, explique Meryame El Hamdaoui, secrétaire CGT à l'hôpital de Laval, mais on se retrouve dans une situation qui va à nouveau affaiblir en fait l'hôpital public, l'accès aux soins et à la santé".

La direction se contente de justifier ce choix dans un communiqué. Florian Bercault, maire de Laval, président du conseil de surveillance de l'hôpital, se dit quant à lui vigilant sur la mise en œuvre de cette nouvelle organisation.

"La liberté de parole des médecins, notamment des médecins urgentistes à Laval, doit être totale, doit être intacte et que Caroline Brémaud puisse continuer à s'exprimer me paraît tout à fait normal. Et ce que je demande, c'est qu'on sauve ce service des urgences. Enfin, on en parle depuis tant d'années, tant de temps, on ne peut pas s'habituer à cette fermeture, notamment la nuit".

De son côté, le syndicat FO voit dans cette mise à l'écart une stratégie pour faire taire les oppositions au projet de réorganisation des urgences sur le territoire mayennais.

Une manifestation en soutien à Caroline Brémaud est organisée ce samedi 9 décembre à Laval. 

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