"On veut la faire taire", Caroline Brémaud démise de ses fonctions de cheffe des urgences de Laval

La nouvelle est tombée ce week-end. Caroline Brémaud, la très médiatique cheffe des urgences de Laval, a été démise de ses fonctions. Une décision prise au nom de la réorganisation de service justifie la direction. De nombreuses voix s'élèvent pour dénoncer la sanction contre celle qui depuis toujours défend corps et âme l'hôpital public

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D'ordinaire, lorsqu'elle n'est pas débordée, Caroline Brémaud décroche toujours quand vous l'appelez. Mais pas aujourd'hui, la cheffe des urgences de Laval est sur répondeur. Pourtant, elle n'hésite jamais à donner son point de vue pour dénoncer "la casse de notre système de santé et la dégradation de l'accès aux soins". Et c'est peut-être là tout le problème. 

Depuis le 1ᵉʳ décembre, Caroline Bremaud n'est plus cheffe du service des urgences de l'hôpital de Laval. Décision conjointe du directeur et du président de la communauté médicale de l'établissement. La raison officielle invoquée "une gouvernance unifiée au sein du département de médecine d'urgence."

 "Dans le cadre du projet de réorganisation du département de médecine d’urgence, le centre hospitalier de Laval a acté le passage à une gouvernance unifiée avec un seul chef de département. Le docteur Bruno Rohée a été confirmé dans ses fonctions de chef de département de médecine d’urgence. Il lui revient de déterminer les collaborateurs qui le seconderont dans ses missions. Cette nouvelle organisation met fin aux fonctions administratives des deux chefs de service, les docteurs Caroline Bremaud, pour le service d’accueil des urgences et Vincent Jonquet, pour le SAMU-SMUR, tous deux reconnus pour leurs compétences et leur implication dans le service", se justifie la direction de l'hôpital de Laval dans un communiqué. Dont acte !

"On veut la faire taire"

En réalité, pour ceux, nombreux, qui la soutiennent, la praticienne dérange.

Le collectif inter-hôpitaux a très vite réagi à cette mise à l'écart. 

Il fallait la faire taire. C'est plus facile de lui couper la tête que de travailler sur la problématique de l'attractivité

Collectif Inter-Hôpitaux

Les collectifs d'usagers de Mayenne  lancent de leur côté une pétition pour soutenir l'urgentiste.

Je suis très très en colère. On veut clairement la faire taire, il n'y a aucun doute là-dessus

Denis Roth

Membre ACCDM, association de citoyens contre les déserts médicaux

"Caroline Brémaud est sanctionnée parce qu'elle défend notre accès aux soins. Nous avons le devoir de la soutenir et d'exiger avec les collectifs et syndicats mobilisés à ses côtés que soit levée la sanction totalement injustifiée qui lui est imposée". C'est le sens de cette pétition, explique Denis Roth membre de l'ACCDM, association de citoyens contre les déserts médicaux.

"C'est une lanceuse d'alerte, depuis des années, elle se bat. Les urgences ont fermé dans un silence assourdissant. On a fait beaucoup de manifestations. Elle a toujours été là. Elle s'est investie, voire surinvestit. Elle dérange parce qu'il y a des enjeux de santé, des enjeux économiques", ajoute Denis Roth. 

"Il y a quelques jours, le responsable médical du Centre hospitalier de Laval expliquait dans toute lapresse mayennaise qu’il fallait envisager la fermeture la nuit des urgences de Mayenne et Château-Gontier pour maintenir celles de Laval en grande difficulté. Lundi 4 décembre, lors de la Commission des Usagers du CH Laval, le directeur a clairement annoncé que dans un futur proche la fermeture des urgences de nuit de Mayenne et Château-Gontier serait actée", s'emporte pour sa part l'union syndicale FO départementale de Mayenne.

"La méthode est désormais éprouvée : sous couvert de restructuration et de réorganisation, on fusionne les services, pour au final, moins de service public", argumente FO.

Cette décision est totalement injuste, inacceptable, abjecte et totalement déloyale. Elle contrevientà la liberté d’expression.

Union départementale FO 53

"Une voix importante"

Député de Mayenne, Yannick Favennec "ne connait pas le fond du dossier et ce qui a motivé la décision ", mais il se bat avec nombre d'élus à ses côtés depuis de longs mois. "Je connais son engagement, son dévouement dans le cadre de ses fonctions à la tête des urgences de l'hôpital de Laval"

Si on veut la faire taire c'est proprement injuste et tout à fait anormal. Si vraiment c'est une sanction c'est inconsidéré.

Yannick Favennec

Député de Laval (Horizons)

"Caroline Brémaud est extrêmement courageuse dans le combat qu'elle mène et qui est tout à fait légitime et juste compte tenu de l'état de fonctionnement de nos hôpitaux. Elle ne fait qu'informer le public et les patients de la réalité de nos hôpitaux", constate le député.

"Elle a parfaitement le droit de s'exprimer à partir du moment où elle le fait dans le respect de la déontologie et l'éthique liés à sa fonction", poursuit-il.

La voix de Caroline Brémaud est une voix importante pour alerter. Elle voit au quotidien ce qui se passe dans nos hôpitaux, dans le fonctionnement des urgences.

Yannick Favennec

Député de la Mayenne (Horizons)

"Je veux comprendre le pourquoi du comment, je n'ai pas tous les éléments, mais s'il le faut, oui, à mon niveau, j'agirai en sa faveur", promet Yannick Favennec.

"J'apprécie les combats qui sont menés par les médecins. Nous avons besoin de voir des blouses blanches qui s'expriment. Cette liberté de parole, je la défendrais toujours en tant que président du conseil de surveillance de l'hôpital.", commente pour sa part Florian Bercault, maire de Laval. "Ce que je demande, c'est que les urgences fonctionnent mieux avec plus de médecins", ajoute l'élu.

J'attends d'une réorganisation de service davantage de temps médical et de soignants. S'il y a réorganisation, ce doit être pour du mieux

Florian Bercault

Maire de Laval et président du conseil de surveillance du CHU de Laval

Une cheffe des urgences qui ne mâche pas ses mots

Fer de lance de la mobilisation en Mayenne, Caroline Brémaud se bat depuis des années et ne cesse d'alerter le gouvernement. Cet été encore, alors que l'hôpital annonçait la fermeture des urgences nocturnes à partir du 3 juillet, elle était montée au créneau.

"Le gouvernement fait croire que la Mayenne est le vilain petit canard et que dans le reste de la France tout va bien, mais en fait ça va mal partout ! Il faut arrêter de stigmatiser la Mayenne. C'est la même situation partout sur le territoire. Chez nous, c'est un peu plus assumé et c'est un peu plus visible, mais pour discuter avec mes collègues urgentistes dans toute la France, je peux vous dire que c'est extrêmement compliqué et c'est extrêmement décevant", déclarait-elle à l'époque.

"En fait, ce ne sont pas seulement les urgences qui vont mal, ce n'est pas seulement l'hôpital public qui va mal, c'est absolument l'entièreté du système de santé. Et, donc, il faut que la population se mobilise parce que la seule chose qui intéresse un homme politique, c'est sa réélection", ajoutait-elle le 29 juin dernier.

La cheffe des urgences n'a jamais mâché ses mots. La langue de bois, elle ne connaît pas. Une prise de position publique qui lui coûte cher aujourd'hui.

Depuis l'annonce de sa mise à l'écart, élus, collègues et citoyens se mobilisent. Un rassemblement demandant sa réintégration en tant que chef de service des urgences devrait se tenir samedi à Laval.

En attendant, celle qui fait l'administration de tous, enchaine les tours de garde. L'urgentiste est une battante infatigable, il lui en faut plus pour baisser les bras.

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