Caroline Brémaud est la cheffe du service des Urgences de Laval. Depuis des mois, elle se bat pour l'hôpital public et dénonce un système de santé à bout de souffle. Alors que les urgences nocturnes de Laval, Château-Gontier et Mayenne vont fermer à partir du 3 juillet, elle demande au gouvernement d'agir et à la population de se mobiliser.
L'annonce a été brutale. Les services nocturnes des trois hôpitaux de Laval, Château-Gontier et Mayenne fermeront de 18h30 à 8h à partir du 3 juillet prochain, faute de médecins et de personnels soignants.
Une mesure" inadmissible" pour Caroline Brémaud, cheffe du service des Urgences de Laval. Elle était l'invitée de notre édition régionale ce mercredi 28 juin.
Vous vous battez depuis des années pour défendre votre service et plus largement le service public de la santé à l'hôpital. Aujourd'hui, est-ce que vous avez l'impression qu'un nouveau palier dans l'inacceptable a été franchi ?
Oui, tout à fait, parce qu'en fait, on néglige notre problématique. Le gouvernement fait croire que la Mayenne est le vilain petit canard et que dans le reste de la France tout va bien, mais en fait ça va mal partout ! Il faut arrêter de stigmatiser la Mayenne. C'est la même situation partout sur le territoire. Chez nous, c'est un peu plus assumé et c'est un peu plus visible, mais pour discuter avec mes collègues urgentistes dans toute la France, je peux vous dire que c'est extrêmement compliqué et c'est extrêmement décevant.
Après avoir eu la mission Braun l'année dernière et un plan de recrutement des assistants de régulation médicaux seulement en mai, nous avons recruté chez nous deux personnes, mais elles ne seront opérationnelles que fin août. Donc, je pense que l'on se moque de nous. C'est méprisant et je suis très en colère.
Vous parlez de la mission Braun, du nom de François Braun, le ministre de la Santé. Il avait effectivement lancé une mission Flash l'année dernière. Vous aviez dit à l'époque que cela répondait à un certain nombre de vos besoins et de vos demandes. Mais, finalement, ça ne suffit pas, on le voit. Est-ce que pour vous, les politiques n'ont pas pris la mesure de l'urgence ?
Ils ne se rendent pas compte ou ils ne veulent pas se rendre compte parce qu'ils n'ont rien fait. On a eu des vœux en début d'année du président de la République. Ces vœux étaient aussi solennels que quand on dit que 'c'est la nouvelle année, je me mets à la salle de sport'. Il s'est passé quoi depuis le mois de janvier ? On a pris 10 kilos. Vous voyez un petit peu la comparaison. Il ne se passe rien. Le gouvernement ne nous a pas du tout aidés. Il y a eu la Loi Rist (elle permet d'accéder directement, sans passer par un médecin, aux infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes qui exercent à l'hôpital, en clinique ou dans une maison de santé, NDLR) mais ça ne nous a pas aidés du tout.
On recrute des ARM (Assistant de régulation médicale) au mois de mai, mais ce n'est pas suffisant. Il aurait fallu se mettre en ordre de marche dès septembre, après les expériences de l'été dernier. Il aurait fallu se mettre à agir il y a des années et des années, mais bon, on ne va pas refaire l'histoire.
Vous dites qu'il est trop tard, et pourtant, il y a des politiques comme Guillaume Garrot, Yannick Favennec, deux des trois députés de Mayenne, qui se mobilisent pour faire face à ces déserts médicaux. Aujourd'hui, vous faites aussi appel à la population en disant : révoltez-vous ! Est-ce que vous avez l'impression qu'il y a une inertie des usagers ?
Oui, les gens en fait sont un peu figés. Ils ne savent pas comment nous aider et, en fait, regarder le prisme de la santé par les urgences, c'est une erreur. C'est tout le système de santé qui va mal, de la personne qui fait les soins à domicile pour maintenir une personne âgée à domicile à l'accès aux dentistes ou au kiné, à l'hôpital.
En fait, ce ne sont pas seulement les urgences qui vont mal, ce n'est pas seulement l'hôpital public qui va mal, c'est absolument l'entièreté du système de santé. Et, donc, il faut que la population se mobilise parce que la seule chose qui intéresse un homme politique, c'est sa réélection. Et, donc, s'il sent que sa réélection est en balance, peut-être qu'on sera entendus. Donc, moi, j'appelle la population à se mobiliser largement. On fait grève lundi 3 juillet. Venez devant l'hôpital ! Je ne sais pas si ça va se concrétiser mais moi, je serai gréviste sur ma sortie de garde. Je finis à 9h mais de 8 à 9h je serai gréviste.