Depuis dix jours, les salariés d'Expotrans, entreprise chargée du transport scolaire des élèves en situation de handicap en Mayenne, ont cessé de rouler. Ils n'ont toujours pas reçu leur salaire de mars et l'entreprise, mandatée par la région, a disparu de la circulation.
C'est devenu une obsession. Plusieurs fois par jour, Danielle Cottier consulte ses comptes, dans l'espoir que son salaire soit versé, en vain. "Dès que je me lève, avant de prendre mon café, je prends mon téléphone et je regarde si j'ai été payée", désespère la retraitée de 68 ans, qui continue de travailler pour arrondir ses fins de mois. "J'ai 800 euros de retraite et je touche 550 euros de salaire en travaillant 15 heures par semaine".
Ici, les retards de salaire sont devenus monnaie courante
Danielle CottierChauffeur à Expotrans
Comme Danielle, les 44 chauffeurs d'Expotrans, entreprise de transport scolaire pour enfants handicapés en Mayenne, vivent dans l'angoisse du lendemain. Depuis plusieurs mois déjà, les salaires étaient versés avec toujours un peu plus de retard. Jusqu'à ne plus être versés du tout.
Alors depuis une dizaine de jours, les chauffeurs exercent leur droit de retrait. "Tant qu'on ne sera pas payé, on ne roulera pas, répète Danielle Cottier, très remontée contre son employeur, qui laisse 44 familles dans le désarroi, avec une majorité de retraités et de mamans solos".
Je suis allé dans un magasin qui achète cash du matériel Hifi pour pouvoir acheter des couches et des boîtes de lait pour notre bébé
Julien Le CornecRéférent d'Expotrans en Mayenne
Julien Le Cornec, cadre référent de l'entreprise en Mayenne, est logé à la même enseigne que ses subalternes. Sauf que pour lui, c'est une double peine, son épouse étant, elle aussi, salariée de l'entreprise. "Expotrans est notre seul revenu. Nous venons d'acheter notre maison, nous avons investi toutes nos économies. On ne peut même plus payer les charges", confie le trentenaire d'une voix remplie d'émotion.
Pas de mutuelle non plus
Au-delà des salaires impayés, les employés ont découvert qu'ils n'étaient plus couverts par leur complémentaire santé, Expotrans ne payant plus la mutuelle d'entreprise pour ses salariés. Danielle Cottier en a fait les frais, elle a dû débourser 880 euros pour ses nouvelles lunettes de vue. "Sans voir de remboursement arriver, j'ai fini par appeler ma mutuelle et là... surprise ! J'apprends que je ne suis plus affiliée depuis des mois, car l'entreprise ne payait plus, fulmine la retraitée qui poursuit, et je me suis retrouvée à découvert avec tous les frais qui vont avec...".
Pour Julien Le Cornec, la situation est "gravissime". Plus les jours passent et plus le trentenaire découvre des manquements de la part de l'entreprise. "Fiches de paie et contrats de travail non conformes, défaut d'assurance des locaux, non-respect des normes de sécurité des chauffeurs et des enfants transportés... c'est juste incroyable !".
Une boîte fantôme
Et impossible de joindre les dirigeants de la société, qui ne répondent ni aux mails, ni aux nombreux appels des salariés. L'entreprise de transport a tout bonnement disparu de la circulation. "J'ai alerté tout le monde... le maire, le conseil départemental, la préfecture, énumère Julien Le Cornec, et surtout le Conseil régional qui a mandaté l'entreprise il y a deux ans".
Après plusieurs jours sans réponse, il a reçu ce jeudi, un appel de la secrétaire de Christelle Morançais, la présidente de la Région, qui indique avoir "mis en demeure l’entreprise d’assurer sans délai le service. À défaut, un nouveau prestataire sera désigné pour effectuer le service".
Depuis deux jours, le référent mayennais croule sous les appels d'autres salariés du groupe, victimes, eux aussi, des "problèmes de trésorerie" évoqués précédemment par l'entreprise de transport.
Une dizaine d'autres sites en France
"On a été les premiers à alerter sur la situation, à répondre aux journalistes, à diffuser les informations sur les réseaux sociaux, rembobine le jeune cadre, qui ne sait plus où donner de la tête. Rien que ce matin, j'ai reçu une cinquantaine d'appels de toute la France".
Même situation dans les Ardennes et les Deux-Sèvres. Selon Julien Le Cornec, une dizaine de sites seraient également montrés du doigt par leurs salariés, victimes eux aussi de nombreux manquements de la part d'Expotrans."J'essaie d'aider tout le monde, j'encaisse toutes les émotions... mais là, je suis à bout de forces", confie le père de famille.
Il y a des gens qui m'ont appelé et qui m'ont fait pleurer. Ils m'ont dit qu'ils allaient se foutre en l'air
Julien Le CornecRéférent d'Expotrans en Mayenne
Les salariés ont contacté une avocate et espèrent faire condamner l'entreprise Expotrans devant les prud'hommes. Une cagnotte en ligne a été créée pour leur venir en aide.