Le 26 mai 2019 un homme tuait son épouse dans le nord Mayenne. Pour sa défense, il maintient avoir été ensorcelé.
Etrange système de défense pendant deux jours aux assises de la Mayenne. Un homme y était jugé, accusé du meurtre de sa femme le 26 mai 2019 à Lassay-les-Châteaux. Reconnu coupable mardi soir au tribunal de Laval, après 2 jours de procès il écope de 18 ans de réclusion criminelle. L’avocate générale Céline Maigné au terme d’un réquisitoire implacable et particulièrement documenté avait demandé 22 ans.
Tuée à coups de hache
Pendant ces journées de procès, Ndomba Mayoni, 71 ans, a toujours reconnu l’acte en lui-même. C’est d’ailleurs lui qui avait appelé les gendarmes. Ces derniers découvrent une scène terrible.
En pleine nuit, il vient d’asséner 4 coups de hache à son épouse Mambou, 64 ans. Une femme mariée avec lui depuis 50 ans. Le couple a 6 enfants dont le dernier, lourdement handicapé, jeune adulte, vit encore avec eux.
Mais voilà, quelques temps après son arrestation il se met à invoquer un état second.
"Ce n’était plus moi" ne cesse t-il de répéter. "J’étais envouté, marabouté." Par qui ? Selon lui par l’un de ses frères qui vit au Canada. Ceci sur fond de différend familial. Du côté des parties civiles : ses enfants, et de l’accusation, personne n’apporte de crédit à ses dires.
"Il faut prendre au sérieux la sorcellerie"
Si l’accusé est d’origine congolaise, nous sommes loin de certains environnements africains où la culture locale doit partager ses mystères et ses valeurs avec les croyances et les sorciers.. Malgré cela, ses avocats, eux aussi, ont choisi ce système de défense.
Maître Serfati, va même évoquer les travaux de l’ethnologue Jeanne Favret-Saada, au début des années 70 en Mayenne. A l’époque, elle avait enquêté pendant deux années et écrit un ouvrage sur la sorcellerie dans le bocage mayennais. Il ira jusqu’à déclarer, péremptoire, "il faut prendre au sérieux la sorcellerie".
"Je n’avais aucune raison de lui ôter la vie"
Comme le veut la règle, la dernière prise de parole est accordée à l’accusé. Et dans une très longue conclusion (il sera coupé par le Président du Tribunal), après avoir transmis à sa famille ses excuses et ses regrets, il explique le paradoxe... C’est bien la preuve qu’il était sous l’emprise d’un sortilège, car son épouse, "il l’aimait" dit-il.
Elle avait d'ailleurs de très nombreuses qualités humaines, ce que vont confirmer l’enquête et le témoignage de ses amis. Avec cet argument plusieurs fois répété, "elle était une femme et une mère attentionnée, je n’avais aucune raison de lui ôter la vie".
Une tentative de justification peut-être aux accents sincères qui va provoquer les pleurs de l’une de ses filles, présente dans la salle. Car peu avant, c’est aussi l’avocat des parties civiles, Maitre Dirickx qui lui, avait rappelé les liens très forts qui unissaient la victime à ses enfants et ses petits-enfants. Ceux qui l’appelaient "Mamie d’amour".
Et puis il y a aussi la prise de médicaments qui aurait pu expliquer ce geste fou. Du Seresta. Un anxiolytique aux effets secondaires parfois dangereux. Mais pour les médecins, les faibles doses absorbées ne permettent pas d’expliquer ce subit moment de démence.
Les jurés ont donc adoucit le verdict. 4 ans de moins que la demande de l’avocate générale. Peut-être l’implication et l’investissement réels de Ndomba Mayoni dans l’association "Handicapés sans Frontières" ont-ils joué en sa faveur. Ou encore ont-ils entendu l’une des suppliques de ses conseils, "il a 71 ans, ne le condamnez pas à mourir en prison".