Grand Prix d’Amérique : Roger Baudron, les souvenirs d’une légende

Une vie dédiée aux chevaux, et ça continue ! L’entraîneur mayennais de 87 ans entraîne toujours. Comme si c’était hier, il revient avec passion sur le Prix d’Amérique 1989 qu’il gagne au sulky de sa jument Queila Gédé. Un retentissement sous les yeux de Mitterrand.

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A bientôt 88 ans, Roger Baudron est encore dans la course. Il entraîne une douzaine de chevaux au Bourgneuf-la-Forêt, terre de cheval par excellence, à quelques encablures de Laval.

J’apprends encore, tous les jours. C’est ce qui me motive ! - Roger Baudron

Apprendre de ses erreurs, comprendre et connaître ses trotteurs, notamment leur moral, c’est ce qui fait la réussite de Roger Baudron. Et sa longévité. Il trotte encore ses chevaux de temps en temps, mais ses yeux, malades, le freinent. Il a dû arrêter de driver en course à 70 ans. "C’est dommage car mener mes chevaux moi-même permet de mieux les connaître", pense Roger Baudron.

Les chevaux, c’est son médicament. Ce qui le maintient en forme "physiquement et intellectuellement".

J’ai peur d’être malade si j’arrête, je ne sais pas faire autre chose - Roger Baudron

Roger Baudron a déjà un pied dans le monde des courses de chevaux grâce à ses parents, marchands de bestiaux, et déjà au Bourgneuf-la-Forêt. Pendant la Seconde guerre mondiale, le jeune Roger participe à des courses de kermesse au profit des soldats au front. En 1945, il est lancé dans le grand bain à 13 ans en disputant sa première course classée.
Roger Baudron, qui gagnera le surnom de "Roger la Science" par le journaliste hippique José Covès et les turfistes pour sa méticulosité et sa stratégie en course, adore imposer son rythme de courses aux concurrents, en prenant la tête.

Il devient tête de liste des drivers à plusieurs reprises, c’est-à-dire le premier en nombre de victoires sur une année. Le pilote est appelé pour mener des chevaux de Charley Mills, son modèle dans le milieu.

Au plus fort, Roger Baudron compte une centaine de chevaux à l’entraînement et vingt salariés. Il réalise des travaux pour mener son entreprise à bien, à savoir trois pistes d’entraînement avec un sol plus ou moins dur.
 

"L’Amérique" à 56 ans

La récompense de tout ce travail aurait pu arriver avec Khali de Vrie, une bonne jument qui dispute plusieurs fois le Prix d’Amérique, en vain. C’est finalement Queila Gédé qui le lui offre en 1989 en battant la légende Ourasi. Le "roi fainéant" attendra un an de plus pour décrocher son quatrième Prix d’Amérique.  

"Ourasi nous avait battus quinze jours plus tôt alors qu’il rendait 25 mètres, se souvient Roger Baudron. Ma jument, qui aime aller de l’avant, était partie doucement et avait passé le peloton en revue. Elle ne perdait que de deux longueurs. Dans l’Amérique, j’ai pu être le patron en prenant la tête rapidement. A 1 200 mètres de l’arrivée, j’étais trop facile, c’est dangereux car on peut se faire surprendre. Pour faire plaisir à ma jument, lui donner du moral, je l’ai libéré en lui demandant d’avancer".

A 100 mètres de l’arrivée, j’avais peur. Je me dis qu’il ne faut pas la perdre la course car elle est gagnée - Roger Baudron

Pour la première fois, un président de la République est présent. François Mitterrand demandera au Mayennais à quel moment il pense avoir gagné la course. Réponse : "A mi-ligne droite".

"Mitterrand n’est pas venu pour Queila Gédé. Pour tout le monde, la défaite d’Ourasi était une déception", indique "Roger la Science", sans désolation. Le commentateur de la course sur TF1, Jean-François Pré n’avait même pas donné le nom de la gagnante lors de l’arrivée, s’écriant : "Ourasi est battu ! C’est horrible !"
 
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