Nouveau rebondissement du feuilleton de Notre-Dame-des-Landes, le Conseil d'Etat, plus haute juridiction administrative, doit décider en deux audiences, lundi, puis mercredi, si le référendum consultatif sur le projet controversé de transfert de l'aéroport de Nantes peut se tenir le 26 juin.
L'affaire est donc pressante, en plus d'être politiquement sensible, mais le Conseil d'Etat n'a pas voulu rendre de décision hâtive. Saisi en urgence par des opposants au projet d'aéroport, qui espèrent faire annuler la consultation, il a déjà tenu une audience le 13 juin, présidée par un juge unique. Ce dernier a estimé que l'affaire méritait d'être renvoyée à une formation collégiale de neuf membres, plus solennelle.
C'est donc cette dernière qui se penchera lundi sur la question, et décidera dans la foulée d'annuler ou non cette consultation, la première du genre en France.
Près de 968.000 personnes inscrites sur les listes électorales en Loire-Atlantique sont invitées à se prononcer sur le transfert ou non de l'actuel aéroport nantais vers le site de Notre-Dame-des-Landes.
Le Conseil d'Etat a été saisi par les deux principales associations opposées au projet, l'Acipa et le Cédpa, ainsi que par Attac 44 et trois couples, expulsables depuis le 25 janvier.
Ils n'attaquent pas le projet lui-même, mais un décret organisant la consultation populaire, juridiquement non contraignante mais dont François Hollande a affirmé qu'elle serait décisive.
Le 13 juin, le juge du Conseil d'Etat avait réclamé au ministère de l'Environnement des éclaircissements sur certaines questions posées par les requérants.
La première, qualifiée de "délicate" par le juge, se résume ainsi : si le projet Notre-Dame-des Landes est déjà bouclé, comme l'estiment les opposants, quel sens cela-a-t-il de consulter les citoyens?
Campagnol amphibie
L'avocat des demandeurs, Erwann Le Moigne, avait rappelé lundi qu'il y avait déjà eu pour le futur aéroport "quatre arrêtés de démarrage des travaux", et des fonds publics engagés. Le directeur des affaires juridiques du ministère s'était pour sa part curieusement réfugié derrière un petit rongeur : il avait répondu que le projet n'était pas encore finalisé, puisqu'il manquait pour démarrer les travaux une dérogation concernant le campagnol amphibie, espèce protégée qui vit sur le site choisi pour l'aéroport.Autre question à laquelle devra répondre lundi la juridiction administrative : les citoyens savent-ils vraiment sur quel projet ils sont consultés?
Les associations et riverains soutiennent que les contours du chantier n'ont cessé de changer: la ministre de l'Environnement Ségolène Royal a ainsi annoncé le 6 avril que l'aéroport ne devrait avoir qu'une piste, contre deux prévues initialement.
Selon les opposants en outre, les citoyens ne sont pas clairement informés du nécessaire maintien d'une activité aérienne sur l'actuel aéroport de Nantes, du fait de la présence d'un site de production de l'avionneur Airbus.
Le ministère a répliqué en vantant un document d'information d'une quinzaine de pages, mis en ligne la semaine dernière par la Commission nationale du débat public.
D'autres requêtes, en "référé" c'est-à-dire en urgence, ont été déposées devant le Conseil d'Etat par Attac France et d'autres associations, attaquant non pas le seul décret qui organise le référendum consultatif, mais la base de l'édifice légal.
Il s'agit d'une ordonnance datant du 21 avril, qui modifie le Code de l'environnement.
Ce texte, en réalité taillé sur mesure pour Notre-Dame-des-Landes, permet à l'Etat de "consulter les électeurs d'une aire territoriale déterminée afin de recueillir leur avis sur un projet d'infrastructure ou d'équipement susceptible d'avoir une incidence sur l'environnement".
Il s'agit d'une construction juridique inédite, qui donne au gouvernement la capacité de lancer des consultations locales sur certains projets. A ne confondre ni avec le référendum national, ni avec le "référendum local" organisé par les collectivités, dont les résultats sont eux contraignants.
Ces requêtes contre l'ordonnance ne seront examinées que mercredi par la plus haute juridiction administrative, soit quatre jours seulement avant la date prévue pour la consultation.