Elle a beau être irrationnelle, la peur panique du noir est universelle. Et c'est justement pour cette raison que les trois auteurs Loïc Clément, Anne Montel et Julien Arnal ont souhaité aborder le sujet et apporter quelques clés pour la surmonter à travers une fiction pleine de poésie et de tendresse...
Savez-vous ce qu'est l'achluophobie ? Derrière ce mot barbare se cache une réalité assez répandue, surtout chez les jeunes enfants : la peur panique de l'obscurité.
C'est ce dont souffre Armelle, une tortue. À la nuit tombée, elle allume un feu, puis une bougie, tentant de rester éveillée. Et le jour ? Ce n'est pas mieux. Au moindre danger, Armelle ne peut même pas se réfugier dans sa carapace : il y fait affreusement noir. Armelle est désespérée jusqu'au jour où elle croise le chemin de Mirko, un insecte qui pourrait bien lui changer la vie...
Cette histoire d'une tendresse infinie est signée par le dessinateur originaire du Cantal, Julien Arnal, transfuge du cinéma d'animation et de l'illustration, et deux scénaristes jusqu'à peu sarthois, Anne Montel et Loïc Clément, dorénavant domiciliés en Bretagne où les nuits ne sont pas moins courtes et le noir pas moins profond. Interview...
Comment a germé cette drôle d'idée de tortue effrayée par l'obscurité ?
Anne. Je souhaitais raconter une histoire avec un animal peu utilisé dans les fictions pour enfants. Lorsqu'est venue l'idée de la tortue, j'ai cherché à quoi la confronter et la problématique de la peur du noir m'est apparue assez vite car je souhaitais m'adresser aux plus jeunes, qui sont souvent très apeurés par l'obscurité.
Souffrez-vous ou avez-vous souffert vous-même de cette phobie ?
Anne. Pas spécialement. Ma connexion avec Armelle la tortue se fait plutôt sur la tendance au repli sur soi. C'est davantage cette partie-là de la thématique qui m'a parlée.
Loïc. Lorsque j'étais enfant, j'habitais une maison que je pensais hantée donc j'étais une vraie flipette dans le noir. Je me suis fait quelques frayeurs à l'étage sombre de mon habitation...
La vieillesse, la mort, l'absence d'un être cher, l'anxiété infantile et maintenant la peur du noir ou l'amitié.... Chacune de vos œuvres est l'occasion pour vous d'aborder des thèmes plutôt graves, en tout cas sérieux, avec douceur et poésie. D'où vous vient cette inclination ?
Anne. Nous constatons tous au quotidien que la vie est vraiment pleine de défis à relever, plus ou moins difficiles à surmonter, et j'ai vraiment à cœur de donner des clés aux lecteurs pour pouvoir mieux dépasser les périodes difficiles, ou en tout cas de les faire se sentir moins seuls dans leurs épreuves.
Loïc. Je milite à travers mon travail pour que l'on puisse parler de tout avec les enfants ! On peut aborder les sujets graves en douceur, en souriant ou avec poésie, l'essentiel étant de ne pas se l'interdire.
Qu'espérez-vous déclencher avec ce genre de livres ?
Loïc. Réflexions, discussions (avec les parents, les copains, la maîtresse...) et sourires.
S'adresser à un public jeunesse et retenir son attention n'a rien d'évident. Qu'est-ce qui selon vous fait que ça marche dans votre cas ?
Anne. Je n'en ai sincèrement aucune idée, je ne sais même pas si l'on peut assurément dire que nous y arrivons. Cela peut paraître bateau mais j'imagine que lorsqu'on parle de quelque chose que l'on connaît avec sincérité, on met toujours les chances de son côté.
Loïc. J'aime à croire qu'on ne prend pas les enfants pour des imbéciles dans nos livres, et qu'ils le ressentent :)
La BD est le médium parfait pour ça ?
Loïc. Non, nous varions les plaisirs. C'est bien pour cela que nous alternons avec les albums d'illustration, les romans ou même les podcasts. Chaque média a sa narration propre avec ses forces et ses limites éventuelles.
Vous avez écrit le scénario à deux. Comment vous êtes-vous répartis le travail ?
Anne. Il se trouve que j'avais imaginé et écrit l'histoire du tome 1 dans le but d'en faire un album jeunesse avec Julien Arnal, pas du tout une bande-dessinée. Après avoir essuyé 2 refus, j'ai voulu laisser tomber… mais c'était sans compter sur la capacité de rebond de Loïc, qui ayant beaucoup aimé mon texte, nous a proposé de l'adapter en bande dessinée. Julien et moi avons tout de suite adhéré à cette proposition !
Loïc. De mon côté, j'ai donc récupéré une matière brute très littéraire soit l'équivalent d'une nouvelle. Je l'ai ensuite ciselée comme un puzzle et j'ai bougé les morceaux de ci de là, découpé le résultat sous forme de planches de bd et ajouté quelques dialogues. En somme, j'ai réalisé un travail plutôt technique tandis qu'Anne s'occupait davantage de la partie créative. Il ne restait plus qu'à Julien Arnal à donner vie à l'ensemble avec ses dessins magiques.
Le fait de vivre en couple facilite le travail d'écriture ?
Anne. Le fait d'être si proches est en effet un grand avantage dans la création, car nous nous connaissons par cœur. Par ailleurs, il est toujours plus aisé de collaborer sur un projet lorsqu'on a l'autre sous le coude au quotidien.
Loïc. La co-écriture était une première et ce fut une expérience très riche pour moi. J'aime beaucoup l'exercice qui me change de mon quotidien de créateur.
Julien Arnal a mis en images votre scénario et vos mots. Faire appel à un illustrateur jeunesse était pour vous une évidence ?
Anne. Julien est avant tout un ami. Grande admiratrice de ses dessins, j'ai été honorée qu'il accepte de devenir mon collaborateur. Je n'ai pas réfléchi à son "profil" d'illustrateur, j'ai seulement tout de suite pensé que son univers était parfait pour cette histoire.
Loïc. Oui, je crois que je ne sais pas trop ce qu'est un illustrateur jeunesse. Julien est surtout un artiste de très grand talent.
Un deuxième tome est d'ores et déjà prévu. Quelles thématiques abordera-t-il ?
Anne. Dans le tome 2, nous abordons la thématique de la séparation, qui est une phase difficile à appréhender pour les petits qui peuvent nourrir de grandes angoisses lors des premiers temps à la crèche ou à l'école, les séparant pour la journée de leur(s) figure(s) d'attachement.
Loïc. Julien est sur les couleurs du tome 2 et l'écriture du tome 3 est achevée...
Armelle et Mirko tome 1, L'Étincelle, d'Anne Montel, Loïc Clément et Julien Arnal. Delcourt. 15,95€