Les pharmaciens de garde pendant ce long week-end de Pentecôte étaient appelées à faire grève pour alerter le public sur les difficultés que traverse la profession. Témoignages en Sarthe.
A La Suze-sur-Sarthe, Bruno Deroche n'a pas baissé le rideau ce 18 mai. Mais il compte bien se joindre au mouvement national prévu pour le 30 mai.
"Il y a les pénuries de médicaments qui ont commencé il y a quelques années et qui s'accélèrent. Tous les jours, on a l'impression qu'il y a en a une de plus, témoigne-t-il. Le deuxième point, c'est la conséquence de la désertification médicale qui risque de déboucher sur une désertification pharmaceutique."
Le pharmacien cite le cas d'une officine, non loin de là, qui n'a pas trouvé de repreneur. Pas assez de clients, faute de prescriptions.
"On ne veut pas financer l'ensemble des économies du système de santé"
Les pénuries de médicament engendrent également un surcroit de travail pour les officines, contraintes de passer du temps à rechercher des médicaments, appeler les grossistes, les confrères, les médecins.
"Parallèlement à ça, poursuit Bruno Deroche, le prix des médicaments diminue en permanence, donc la marge diminue d'elle-même. On nous demande de faire des choses en plus, on vaccine de plus en plus, on va faire de plus en plus de tests, mais ça il faut le rémunérer à une valeur juste. On veut bien faire des économies pour le système de santé, mais on ne veut pas financer l'ensemble des économies du système de santé."
Bruno Deroche a vu le nombre de pharmacies diminuer depuis qu'il a fini ses études, au début des années 2000. Un problème plus crucial encore dans les zones rurales où, déjà, on manque de médecins.
La menace d'autoriser les ventes en grande surface
La menace d'une dérégulation, à savoir la possibilité pour les grandes surfaces ou les sites web de vendre des médicaments, fait craindre une déstabilisation du système.
"On ferait rentrer de nouveaux acteurs non-pharmaciens qui auraient une vision purement économique et pas forcément de professionnels de santé" s'inquiète Bruno Deroche.
A une douzaine de kilomètres de là, Maurice Leguen était propriétaire d'une pharmacie à Malicorne-sur-Sarthe, une commune sarthoise de 1800 habitants. A son départ en retraite, fin janvier, il n'a pas trouvé de repreneur.
Pas assez de pharmaciens formés
"Je comprends tout à fait mes confrères, la sourde oreille qui est faite à leurs problèmes", déclare l'ancien pharmacien. S'il n'a pas pu transmettre son officine, c'est, selon lui, parce qu'il n'y a pas assez de pharmaciens formés. Et les nouveaux diplômés, qui ont le choix, ne s'installent pas dans les campagnes. De plus, l'état des lieux de ce secteur ne les rassure pas.
"La baisse de rentabilité très importante fait qu'ils peuvent s'interroger sur le devenir des officines qu'ils reprennent", dit-il.
►Voir le reportage de Nathan Vildy et Astrid Garvos
Les nouvelles tâches dévolues aux pharmaciens s'ajoutent à des journées déjà bien remplies selon ce praticien qui dit avoir aligné des semaines de 67 heures.
Le regroupement des pharmacies est, pour lui, l'une des dernières solutions pour assurer la survie des pharmacies.
Le 30 mai, Maurice Leguen dit qu'il fera grève lui aussi en soutien à ses confrères en activité. "Je resterai au lit toute la journée" dit-il en souriant.
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