Avec les premiers froids, les bénévoles de la Croix-Rouge du Mans sont sur le pont tous les soirs. Le nombre de personnes et familles en situation de grande précarité est en hausse constante.
C'est le 115 qui nous appelle nous pour nous dire qu'il y a une personne à aller voir à tel endroit, qu'elle demande un duvet ou quelque chose à manger
Monique MiseretteBénévole Croix-Rouge - Samu Social
"Là, j'ai six signalements ce soir, alors des fois, on en a zéro, un ou deux, ça dépend des jours en fait", raconte la bénévole.
Le véhicule s'arrête, une première halte au côté de Reda. Le jeune homme est à la rue depuis quatre ans.
"Allô oui bonsoir, j'ai un monsieur qui demande un hébergement, donc on peut le mettre au Sportin sur une de nos deux places ? D'accord très bien, on va l'amener, merci beaucoup !", Monique passe sa soirée entre deux coups de fil, elle ne lâche pas son téléphone.
Direction l'hôtel social. Le Mans dispose de 200 places d'urgence, toutes prises dans la journée, seules deux sont réservées pour la maraude.
Ce soir, Reda dormira au chaud.
Heureusement qu'ils sont là, c'est la famille, c'est même plus que la famille ça !
RedaSans abri
"Là, on va aller voir quelqu'un, rue de la Bertinière", les bénévoles sont ultra-sollicités. Dans un logement, une famille vit sans chauffage. "On est obligés de réserver nos duvets pour les gens, parce qu'il y a des personnes qui dorment vraiment à la rue, dehors, qui n'ont rien pour dormir", se justifie Monique Miserette, difficile de répondre par la négative.
"Est-ce que vous voulez du pain pour demain matin ?", demande un autre volontaire.
L'équipe offre malgré tout de quoi manger, des boissons chaudes, des gants et des bonnets. "Franchement mon fils, il m'héberge. Sans ça je serai sous les ponts, en train de mourir de froid. Ça ne fait pas longtemps, j'étais à l'hôpital". Dans sa parka orange fluo, la bénévole engage la conversation et essaie de rassurer comme elle peut, de réchauffer avec des mots.
SDF, grande précarité, ces bénévoles de la Croix-Rouge constatent chaque année l'explosion de la misère. Certaines interventions sont plus éprouvantes que d'autres.
Qu'on ne puisse pas trouver de solutions quand il y a des enfants de 2 ans, 3 ans, 4 ans, qui dorment dans la rue, Ça pour moi c'est intolérable
Pierre CastéraBénévole Croix-Rouge - Samu Social
"C'est peut-être parfois même le plus dur à gérer pour nous psychologiquement, au niveau moral et au niveau émotionnel. En France, on ne meurt pas de faim, ça, c'est vrai. Par contre, en France, on peut mourir de froid. Et ça, c'est insupportable ! ", déplore-t-il.
Dans cette maison abandonnée, des sans-abris ont trouvé refuge. Transis, ils auront droit au duvet. "Là ça va me réchauffer pour demain matin quand je vais faire la manche. Comme ça j'aurai des gants, j'aurai un bonnet, j'aurai plus chaud. Merci la Croix-Rouge", sourit le SDF.
Cette année, les maraudeurs du Mans ont porté secours à plus de 8 000 personnes.
Plus de 2000 enfants à la rue en France
Plus de 2 000 enfants étaient sans solution d'hébergement à quelques jours de la rentrée scolaire, selon le 6ᵉ baromètre des enfants à la rue publié le 29 août dernier par l'Unicef France et la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS). C'est la première fois que la barre symbolique des 2 000 enfants à la rue est franchie.
Selon ce baromètre 2024, dans la nuit du 19 au 20 août 2024, ce sont 2 043 enfants pour qui le SAMU social n'a pas trouvé de solution et qui dorment dans la rue. Un nombre en hausse de 120% en quatre ans (927 enfants en 2020) et de 3% en un an (en août 2023, ils étaient au total 1 990). "Cette augmentation incessante du nombre d’enfants sans-abri est une tragédie", s'indignait Adeline Hazan, présidente de l'Unicef France, "en violation flagrante des principes de la Convention internationale des droits de l’enfant, que la France a ratifiée".
Si le nombre est en hausse d'année en année, il est encore sous-estimé, prévient le Collectif des associations unies, qui regroupe 40 associations impliquées dans le champ du logement ou de l’hébergement. Selon le collectif, de nombreuses familles ne tentent plus d'appeler le 115, numéro d'urgence sociale, totalement saturé.
Ruptures familiales, dégradation de la santé somatique et mentale, pauvreté, précarité économique, ruptures de parcours en sortie d’institution, la situation socio-économique du pays a amplifié le sans-abrisme, en premier lieu le coût du logement et les difficultés d’accès à l’emploi.
Pour certaines personnes, la situation administrative au regard du droit de séjour en France est également un obstacle à l’accès au logement de droit commun.
Les politiques publiques visent à protéger les personnes pour éviter les ruptures conduisant à la rue. Les prestations sociales et systèmes assurantiels dans le champ du logement, de la santé, du travail ou encore du handicap sont autant d’outils redistributifs qui concourent à la prévention de la grande précarité. Force est de constater qu'elles ne suffisent pas.
Depuis le début des années 2000, sous l’effet conjugué de la crise économique et de l’augmentation des flux migratoires entrants, la question des personnes sans abri change de nature, à la fois par le nombre et le type de publics contraints de vivre sans logement personnel.
330 000 personnes, dont 40 % de femmes, sont sans domicile en France aujourd'hui.
Retrouvez-nous sur nos réseaux sociaux et sur france.tv
