Chaque été des milliers de personnes se pressent dans les festivals de musique en France, malgré un billet dont le prix ne cesse d’augmenter. La faute, en partie, à des stars demandant des cachets "à 5 ou 6 zéros" pour se produire. Mais la pandémie pourrait mettre un frein à tout cela.
En septembre dernier, on apprenait que les Vieilles Charrues, le plus populaire des festivals de musique en France avec 220 000 entrées payantes, allait accueillir Céline Dion pour une somme secrète, mais dépassant facilement le million d'euros.
La Canadienne fait donc plus fort que Bruce Springsteen, pour qui le festival avait dépensé un million d'euros en 2009. Ainsi que Dépêche Mode, dont le concert s’était négocié autour de "plusieurs millions d'euros", comme l'indiquait Le Parisien à l'époque.
"Les temps changent" chante Bob Dylan
En effet, depuis que la musique s’écoute en streaming sur internet plutôt qu’à travers l’achat de CD, les revenus des artistes ont diminué et passent des disques aux concerts.Du coup ces derniers profitent de la demande parfois importante des festivals pour gonfler leurs prix. Ce qui a pour effet d’impacter le budget des festivals.
Jérôme Tréhorel, directeur des Vieilles Charrues expliquait en 2018 :
Le budget artistique du festival se monte à 4 500 000 €, ce qui représente 30% du budget global
Février 2020, le Covid 19 arrive
Et tout pourrait bien changer. Une grande partie des concerts d’été de 2020 va être reportée en 2021. Beaucoup de groupes et d'artistes comptaient sur leurs prestations dans ces festivals pour leurs rentrées d’argent.Mais la crise dépasse cet entendement. Les festivals ne vont donc pas avoir d’autres choix que de demander aux musiciens de diminuer leurs cachets s’ils ne veulent pas, une fois encore, augmenter le prix des billets, voire fermer boutique face à de trop lourdes pertes financières.
Il est peut-être grand temps que les artistes se disent : Bon allez, on a trop tiré sur la corde - Ben Barbaud créateur et organisateur du Hellfest avec ses 180 000 festivaliers.
"Tout va changer" chantait Mauranne
Le festival de Poupet en Vendée, existe depuis 1987, et il n’est pas en reste. Il consacre quasiment la moitié de son budget global aux cachets des artistes.
Son programmateur musical Thomas Maindron explique que "les têtes d’affiches françaises demandent souvent entre 100 000 et 200 000 euros, alors qu’il y a quelques années c’étaient les internationaux qui étaient sur ces tarifications. Ces derniers dépassent maintenant allégrement les 200 000 euros pour monter encore plus haut."
Mais on devrait plutôt dire, demandaient… En effet la crise liée au Covid 19 risque de mettre tout le monde d’accord et de faire avancer le navire dans le même sens du vent mauvais qui souffle sur les festivals d’été particulièrement.
Même le plus gros organisateur et tourneur de spectacles au monde qu’est le Live Nation a perdu plus de la moitié de sa valeur en Bourse depuis la crise, soit quelques milliards !
"With or Without You" (avec ou sans toi) chante U2
Les festivals ont donc commencé à discuter ensemble et se sont mis d’accord sur un discours commun : la baisse des cachets. C’est paradoxalement le côté positif de cette pandémie. Fini la surenchère entre festivals pour avoir un artiste, qui en profitait pour faire monter sa cote.
Certains se positionnent dorénavant pour systématiquement demander à un producteur de baisser de quasi 20% le prix de son poulain. Faute de quoi ils ne le feront pas jouer chez eux.
Pour Thomas Maindron, "la stratégie de Poupet sera de discuter avec les producteurs au cas par cas, et de renégocier les tarifs si besoin."
Quel serait l'intérêt des artistes de continuer coûte que coûte à maintenir le prix de leur venue si demain les festivals font faillite ? Où iraient-ils jouer ?
Le virus du Covid 19 aura donc, semble-t-il, la peau de la fièvre des cachets galopants, si tous ensemble ils veulent continuer à chanter : "Still loving you" (je t’aime toujours) comme le dit ce vieux tube de Scorpions.
Du coup, les festivals doivent être quasi à 100% de remplissage pour être certains d’y arriver.