replay

Documentaire : "Dauphins sous haute surveillance", une hécatombe silencieuse

Un dauphin commun échoué

Chaque hiver, le long du littoral de la côte vendéenne jusqu’en Loire-Atlantique, c’est un bien triste spectacle pour les promeneurs sillonnant les plages. Des dizaines de dauphins morts gisent sur le sable. La plupart portent les marques d’engins de pêche. Comment stopper l’hécatombe ?

L'essentiel du jour : notre sélection exclusive
Chaque jour, notre rédaction vous réserve le meilleur de l'info régionale. Une sélection rien que pour vous, pour rester en lien avec vos régions.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "L'essentiel du jour : notre sélection exclusive". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

C'est un joli plan vu du ciel, il nous montre un groupe de dauphins en mer, leur nage en ondulation si caractéristique. Brutalement, nous voici pris dans la pesanteur terrestre, au ras d'une plage, où gisent les masses inertes de cadavres de cétacés. Que s’est-il passé entre les deux ? Jean-Roch Meslin pose ainsi les termes de son enquête.

Elle prend l’allure d’un polar scientifique, où l’observation de terrain et la médecine légale prennent une place prépondérante, avec ses accusés, ses justiciers, mais avant tout, ses victimes.

Personne ne conteste les faits : sur le littoral Atlantique, les échouages massifs de dauphins durant l’hiver ne cessent d’augmenter. L’an dernier, 1200 mammifères ont été retrouvés échoués. 9 sur 10 portent des traces d’engins de pêche.

Un dauphin commun © Jean-Roch Meslin / YN Productions – La Cuisine aux Images

Ce n’est que la partie visible d’une véritable hécatombe : selon l’observatoire Pélagis de l’Université de La Rochelle qui fait autorité en la matière, ces échouages ne représentent que 10 % du chiffre réel de mortalité hivernale des dauphins.

Dans le golfe de Gascogne, 12 000 cétacés seraient donc victimes de captures par des bateaux de pêche, chalutiers pélagiques et fileyeurs. En surpopulation sur ces zones de pêche en hiver, les mammifères en quête de nourriture se retrouvent piégés dans les filets, et meurent noyés. Ce sont majoritairement des dauphins communs.

Les correspondants du réseau échouage recensent les cas signalés de dauphins retrouvés sur les plages © Jean-Roch Meslin / YN Productions – La Cuisine aux Images

Pour accréditer ce scénario macabre, Jean-Roch Meslin nous fait pénétrer dans le laboratoire où les dauphins échoués sont autopsiés. L'observatoire Pélagis adossé à un laboratoire de recherche du CNRS a en effet une mission d’observation et de valorisation des données scientifiques pour la conservation des espèces marines.

Dans la lumière blanche clinique qui règne dans son laboratoire, le biologiste Willy Dabin relève méticuleusement toute trace qui témoigne d’une capture du mammifère par un engin de pêche.

On repère des traces d’emmêlement. L’animal se prend dans les mailles du filet et se débat. Selon les méthodes de pêche, des cordages ou des fils de nylon vont laisser des abrasions, des coupures nettes et des hématomes sous-jacents qui montrent que la circulation sanguine était active et que donc, l’animal était vivant au moment de cet emmêlement.

Willy Dabin

Biologiste

Captures accidentelles, vraiment ?

Les constatations se poursuivent, et permettent d’identifier clairement la méthode de pêche en cause.
Une fracture du rostre signe la chute du dauphin avec les proies au déchargement d’une palanquée sur le pont, il devait s’agir d’un engin tracté. Des perforations au niveau des maxillaires indiquent qu’à l’aide d’une gaffe, le cadavre a été soutenu afin de le démailler d’un filet posé, avant de le rejeter à la mer.

Autant de captures que les pêcheurs, mais aussi les pouvoirs publics qualifient "d’accidentelles". On serait donc face à 13 000 accidents mortels par an. L’expression fait bondir les associations naturalistes, excédées par l’inaction des pouvoirs publics et le déni des professionnels de la pêche.

Ainsi, certains échouages, en plus d'être recensés par les bénévoles du Réseau National Échouages (RNE) font désormais l’objet de constats d’huissier.

"Accidentel, cela veut dire imprévisible" rappelle Dominique Chevillon vice-président de la LPO. "Or, la capture des dauphins est prévisible, on sait qu’en janvier et février, ils sont très présents dans des zones parfaitement connues du golfe de Gascogne et de l’Atlantique. Est-elle irrésistible ? Non. Les effaroucheurs acoustiques qu’on appelle pingers ont montré qu’ils dissuadent les dauphins de s’approcher des filets, mais on a abandonné leur usage pour des raisons de financement. Et enfin, ces captures sont directement le fait de l’activité humaine. Donc elles ne sont pas accidentelles, mais structurelles."

Au point où les associations de défense de l’environnement, les ONG, mais aussi la Commission européenne demandent à la France de prendre des mesures, parmi lesquelles l’interdiction de la pêche aux périodes critiques durant l’hiver.

Le gouvernement vient de leur opposer une fin de non-recevoir en refusant début octobre de suspendre la campagne de pêche pendant 15 jours, alors que les ONG demandaient 2 mois d’arrêt.

Le choc des images

Le Sam Simon, bateau de l'ONG Sea Sherperd © Jean-Roch Meslin / YN Productions – La Cuisine aux Images

Depuis quelques années que les échouages massifs de dauphins sont observés, la pression mise sur les pouvoirs publics et la profession par les associations et les scientifiques n’a eu que peu d’écho.
C’était avant la méthode forte employée par les lanceurs d’alerte.

Vincent Ridoux, biologiste de l’observatoire Pélagis le reconnaît : "Le problème était invisible, sauf pour les promeneurs quand ils rencontraient un dauphin échoué sur la plage. La première fois qu’ont été diffusées les images de deux dauphins communs pris dans une manœuvre d’un chalutier pélagique ont eu un effet beaucoup plus fort que le travail mené par les acteurs depuis 20 ou 30 ans".

Qu’on aime ou pas ses méthodes, Sea Sheperd a incontestablement porté avec succès la cause des dauphins sur la place publique, au sens le plus concret du terme : en exposant dans les villes balnéaires des cadavres de cétacés échoués, les militants de l’ONG fondée par Paul Watson ont su marquer les esprits.

Pour "Dauphins sous haute surveillance", Jean-Roch Meslin les a accompagnés quelques jours à bord de leur navire, le Sam Simon, en patrouille sur le golfe de Gascogne pour les besoins de la campagne "Dolphin Bycatch".

Leur objectif : documenter en vidéo les captures de dauphins par les bateaux de pêche. Une manière de dire aux professionnels que même loin des côtes, leurs faits et gestes sont observés et rapporter. La preuve par l’image de ce qu’ils dénoncent : le pillage généralisé des ressources marines et le règne du profit sur les flots, au mépris de la protection des espèces.

Dans le viseur de Lamya Essemlali présidente de Sea Sheperd France, les chalutiers pélagiques qui pêchent en paire, mais surtout les fileyeurs. "Si on les prend un par un, sur la saison, ils prennent deux ou trois dauphins, et ils n’ont pas l’impression d’être responsables. Ils oublient qu’ils ne sont pas seuls, il y a plus de 400 fileyeurs français, plusieurs milliers au total dans le golfe de Gascogne. Vous multipliez le nombre de prises par le nombre de bateaux, et on arrive à une véritable hécatombe".

Un procès en responsabilité collective que réfutent les pêcheurs.

Documentaire équilibré et instructif, "Dauphins sous haute surveillance" donne méthodiquement la parole aux parties en présence.

"La pêche, ça n'est pas ça !"

Sur son fileyeur amarré au port de Royan, Florence Bernard, marin-pêcheur fait remarquer qu’il y a nettement moins de bateaux aujourd’hui qu’il y a quelques années. "La pêche, ce n’est pas un monde exponentiel où des jeunes s’installent en permanence !" Et de se demander si les effets du dérèglement climatique ou de la pollution ne seraient pas la cause de la surpopulation des dauphins sur les zones de pêche en période hivernale.

Ces mammifères marins qui ont des sonars ultra-perfectionnés, comment se fait-il qu’ils ne repèrent pas les filets ? Ça m’interpelle.

Florence Bernard

Marin-pêcheur

Florence plaide pour une pêche respectueuse de la ressource et réclame du temps pour s’améliorer s’il le faut. Mais que toute une profession soit montrée du doigt, non. "On trinque pour deux ou trois décérébrés, mais c’est pas ça la pêche !"

Le réalisateur, Jean-Roch Meslin, adopte le point de vue du défenseur de la nature, en évitant le piège de la dénonciation sans nuance. Ce ton posé permet à "Dauphins sous haute surveillance" d'ouvrir un débat auquel nous sommes tous conviés à participer.

Car une fois le documentaire terminé, les consommateurs que nous sommes ne peuvent que se poser la question : avons-nous une responsabilité ? En matière d’alimentation, nos achats cautionnent des méthodes ?

Pour le merlu, la pêche commence en décembre. Et quel que soit le prix de vente de ce poisson sur les étals, cet hiver, on en connaît malheureusement d’avance le coût : la vie de centaines de dauphins communs.

"Dauphins sous haute surveillance" de Jean-Roch Meslin, une coproduction  YN Productions – La Cuisine aux Images, à voir jeudi 9 mars à 23h30 sur France 3 Pays de la Loire.

► À voir en replay sur france.tv dans notre collection La France en Vrai 

► Retrouvez l'ensemble de nos programmes sur france.tv

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information
en direct

Salon de l'Agriculture 2025. "C'est une fierté !" Le Limousin en force à Paris

regarder