Eric Taraud est marin-pêcheur depuis 1981. Ce vendredi matin, il quitte Port Joinville à l’ile d’Yeu, le cœur lourd, pour une ultime période de marées. Le 22 janvier, son Petit Gaël, comme 400 autres bateaux français, devra rester à quai jusqu’au 20 février.
La décision du conseil d’État, tombée la veille de Noël, fait mal. En colère et désabusé, le marin-pêcheur a écrit une tribune. "Ça ne fera pas bouger les choses, mais ça aura au moins le mérite d’être dit et de me soulager".
"Ça nous a flingués"
"Allo Bonjour !" Ce vendredi matin, Eric Taraud décroche alors qu’il est la barre de son fileyeur, le Petit Gaël. Il quitte port Joinville comme les 14 autres bateaux de l’île. À son bord, il y a six marins.
"Il fait beau, on sort. On profite des quinze prochains jours pour aller pêcher non-stop jusqu’au 21 janvier au soir. Après, on sera bloqué à quai jusqu’au 20 février".
Le marin-pêcheur est dégoûté. Le cœur n’y est plus.
"Je pensais avoir tout connu dans ma carrière. Je pensais avoir survécu à toutes les crises. La décision du conseil d’État, qui va nous clouer à quai pendant un mois, en pleine saison de la sole, vient de me prouver le contraire. Connaître cela en fin de carrière est l’ultime humiliation", écrit le pêcheur dans sa tribune en date du 4 janvier.
"Le mail est tombé le 22 décembre à 17 h 45. Ça nous a flingués". Cet arrêt, obligatoire pendant un mois, pour tous les bateaux français fileyeurs pêchant dans le golfe de Gascogne est une première.
De l’île de Sein à Saint-Jean-de-Luz, 400 bateaux sont concernés.
"C’est le procès permanent"
"Les années passées, on avait trois fois cinq jours à prendre dans le premier trimestre. Mais là on nous impose un arrêt en pleine période de la sole et du bar. Là où ça rapporte le plus. C’est une catastrophe économique, pour toute la filière pêche. Mareyeurs, criées, coopératives… On flingue toute l’économie de la côte", peste Eric Taraud.
Les pertes de la filière pêche sont estimées à 170 millions pour le mois de février.
Cet arrêt du conseil d’État fait suite aux nombreuses captures de dauphins mises en avant par les associations écologiques. Un millier en un an.
"C’est le procès permanent, la mise au ban de la profession via les réseaux sociaux. C’est celui qui a le plus de « Like » qui gagne. Les minorités agissantes mènent le bal médiatique. Résultat : les juges ont pris le pas sur les politiques et nous voilà une fois de plus pris au piège, impuissants (...) Malgré tous nos efforts, voire nos sacrifices, nous avons fini par être sacrifiés sur l’autel de l’écologie".
"Nous avons installé des Pinger, des répulsifs sonores contre les prises accidentelles des dauphins dans nos filets, mis des caméras sous nos bateaux. Mais on voudrait que des scientifiques embarquent avec nous pour nous expliquer pourquoi les dauphins sont de plus en plus nombreux aussi près des côtes. Que cette affaire se règle".
Son autre regret : il n’y a plus de réunion en présentielle entre les pêcheurs et les politiques. "Aujourd’hui, tout est en visio. Avant, on se retrouvait, on s’engueulait, on s’expliquait. Maintenant, il n’y a plus de débat".
L’avenir ? Eric Taraud est pessimiste. La pêche française est bientôt finie pour lui.
"Un plan d’accompagnement individuel réglera tout ça au moment venu. En d’autres termes, c’est un plan de casse de bateaux. Quel gâchis !"
Retrouvez-nous sur nos réseaux sociaux et sur france.tv