Jacqueline Auriol, une femme à réaction(s) : entretien avec le réalisateur [Documentaire]

Le réalisateur Jean-Luc Desbonnet livre l'origine du film, pourquoi et comment il s'est intéressé à cette femme d'exception. Un documentaire à découvrir lundi 25 avril après le Grand Soir 3 !

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Sa vie est un roman



Tout a commencé le 14 février 2000, par la lecture d’un article nécrologique consacré à Jacqueline Auriol, dans le journal Libération. J’ai été fasciné immédiatement par cette femme extraordinaire, par la dimension romanesque de sa vie : perte très tôt de son père, bataille pour épouser celui qu’elle aime, la guerre, la résistance, la vie à l’Elysée, la haine de l’opposition, « gueule cassée » à 32 ans, première femme pilote d’essai au monde, des records, des trophées, une famille heureuse, des amis, des voyages, .... une vie dense. Jacqueline Auriol, c’est le triomphe de la personnalité, de l’obstination intelligente, de l’audace patiente. C’est aussi l’image même de la simplicité, de l’amabilité envers ses confrères, de l’horreur de la publicité personnelle.


 Je suis toujours étonnée quand on me dit bravo madame, ce que vous avez fait est vraiment extraordinaire. Autour de moi, j’ai vu des gens sensationnels, moi j’ai été bien normale. Beaucoup de gens que j’ai vu autour de moi me sont évidemment bien supérieurs. J’ai beaucoup d’admiration pour des tas de mes camarades et pas beaucoup pour moi-même…» in Radioscopie - France Inter - 22 avril 1970.


Mon vrai coup de foudre est arrivé à la lecture de son livre autobiographique « Vivre et voler ». Elle s’y raconte très simplement, avec humour et légèreté : « On lui avait amené une jeune femme dans un très élégant tailleur de chez Fath. Il m’avait dévisagé d’un air froid – le regard d’un prix Nobel de physique à qui l’on aurait proposé d’enseigner la relativité à une starlette. Puis il avait dit, sèchement : On va voir… »

Parfois avec gravité lorsqu’elle évoque certains épisodes dramatiques qui ont émaillé sa vie.

A cet instant précis où je voyais la mort pour la première fois, et je la voyais sur le visage de mon père, il se produisit en moi un apaisement extraordinaire, une sorte de délivrance. Ce jour-là je suis sortie de l’enfance. Jamais plus je n’ai eu besoin qu’on me poussât à vaincre ma peur.»


J’ai lu et relu, avec un bonheur sans cesse renouvelé, ce livre qui nous embarque dans l’aventure d’une vie bien remplie et vécue dans l’enthousiasme. Une vie de femme heureuse. Une femme à réactions face aux aléas de la vie. Capable de rebondir et d’aller toujours plus loin, plus haut, plus vite.

J’ai eu envie d’en savoir plus sur elle. Jacqueline était-elle, dans la vraie vie, telle qu’elle se décrit elle-même, où jouait-elle un rôle dans cette autobiographie ? Je suis allé à la rencontre des derniers témoins de son existence. Ses fils tout d’abord. Jean-Claude et Jean-Paul qui vivait (il est décédé depuis) dans le manoir familial où a grandit Jacqueline, près de Nantes. Le général Glavany, ex pilote d’essai chez

Dassault, et ami de Jacqueline. La Générale Valérie André, médecin au Centre des Essais en Vol, André Turcat, pilote d’essai du Concorde… Leurs souvenirs sont diffus. Tous évoquent une femme délicieuse, humble, courageuse, passionnée, généreuse, jamais négative, gaie, souriante.

Mais étonnamment, leur mémoire fait défaut quand on évoque ses exploits pourtant nombreux. Tout simplement parce qu’elle n’en parlait pas. Elle refusait la publicité pour elle-même. Pourtant, elle fut une star de son époque. Sans doute l’aviatrice la plus célèbre de l’après-guerre. Les archives la concernant sont très nombreuses. Chacun de ses exploits a été couvert par la presse ; un numéro des « Coulisses de l’Exploit » lui a été consacré ; un Jacques Chancel, énamouré, l’invitera dans son « Radioscopie » sur France Inter… Elle fut même l’héroïne d’un roman-film paru dans « Lectures d’Aujourd’hui » en 1956...

J’aime la voix de Jacqueline, profonde, posée, presque timide. Sa façon très littéraire et en même temps très directe de parler. Dans les entretiens télévisuels et radiophoniques, Jacqueline me fait rire, réfléchir, elle m’émeut. Une femme «héroïque» et tellement dans la retenue, jamais dans l’emphase.

C’est cette femme-là que j’ai voulu faire connaître à travers ce film.

Bande annonce ©MC4 - FTV

La Sensation


Lorsque j’ai cherché à organiser la narration de ce film, j’ai été amené à affirmer mes choix. A écarter des façons de faire. Je ne voulais pas un documentaire biographique linéaire, chronologique, organisé autour de témoignages, d’archives, avec un commentaire didactique.

Dans ce film, j’ai voulu faire ressentir le personnage sans raconter sa vie par le menu. Un portrait sensoriel. Tout d’abord en préférant donner à entendre ses textes, plutôt qu’un commentaire. Jacqueline Auriol par elle-même.

Comme si elle tissait elle-même la trame du récit. Il existe nombre d’enregistrements filmés et sonores, où Jacqueline Auriol, à diverses époques, s’exprime sur son métier de pilote, et se livre, sans fard, à des confessions sur sa vie privée. C’est toujours passionnant. C’est mon matériau de base. Son autobiographie « Vivre et voler » structure le film, permettant d’entrecroiser, à la fois son écriture particulière, sa vie intime et professionnelle et sa passion pour l’aviation.

J’ai souhaité que Claudie Haigneré, première européenne dans l’espace, lise les extraits de « Vivre et voler », dans un style direct et sensible qui s’harmonise avec la manière de parler de Jacqueline Auriol, telle qu’elle apparaît dans les archives.

Je l’ai voulu aussi présente que possible, incarnée à travers les archives nombreuses et variées - filmées, photographiques, radiophoniques. Une absence notable cependant : Aucune image de Jacqueline en vol, les moyens techniques de l’époque ne le permettaient pas. Aucune image ne restitue l’ambiance à l’intérieur des différents cockpits.

Le centre de perfectionnement de voltige aérienne d'Angers possède le Stampe,  avion biplan sur lequel Jacqueline a effectué ses premiers vols. Nous avons volé dans cette machine que nous avons équipé de caméras embarquées - GoPro - pour enregistrer son comportement lors de figures de voltige. Ainsi nous faisons partager les sensations qu’a vécues Jacqueline.

Je suis retourné, également, sur les lieux où elle a vécu et travaillé, à Paris, en Vendée, à Brétigny-sur-Orge, à Bordeaux... Je ne désirais pas réaliser une hagiographie mais un portrait vivant, sans chronologie trop rigide. Toujours rechercher la sensation plutôt que l’explication.
Infos pratiques
Réalisateur : Jean-Luc Desbonnet.
Coproduction : MC4 / France Télévisions -  France 3 Pays de la Loire / Histoire.
Avec la voix de Claudie Haigneré.
Durée : 52 minutes.


Diffusions
- le lundi 25 avril après le Grand Soir 3 sur France 3 Pays de la Loire, Bretagne, Normandie et Centre-Val de Loire
- le lundi 23 mai 2016 à 8h50 sur France 3 Pays de la Loire, Bretagne, Normandie, Centre-Val de Loire et Paris Île-de-France.
- disponible durant 7 jours sur francetvpluzz et un mois sur notre site internet  - rubrique Documentaires.
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