Jeux paralympiques 2024, "on n'est pas des extraterrestres" entretien avec Thibaut Rigaudeau

De retour dans sa Vendée natale, en pleine préparation avant les Jeux paralympiques de Paris, qui démarrent le 25 août prochain, le paratriathlète français s'est confié sur la compétition et ce qu'elle représente pour le monde du handicap.

À 33 ans, le paratriathlète Thibaut Rigaudeau, déficient visuel, sélectionné avec l'équipe de France pour les prochains Jeux Paralympiques de Paris, est atteint depuis son plus jeune âge d'une rétinite pigmentaire. Un handicap dont il a fait une force. Joueur de la section cécifoot du FC Nantes, il se met en 2019 au paratriathlon et termine 4ᵉ des Jeux Paralympiques de Tokyo deux ans plus tard. 

Thibaut, des Jeux Paralympiques à Paris, en France, chez vous, qu'est-ce que ça vous inspire ?

Les Jeux Paralympiques à Paris, c'est une chance ! On ne le vivra qu'une fois dans notre vie. Et pouvoir le vivre en tant qu'athlète, c'est quelque chose d'incroyable. Déjà, de faire les Jeux, c'était un rêve. Alors les faire à Paris, sachant que depuis quelque temps, j'habite tout près du lieu de départ de la course… Ça va être un moment très fort, et je suis très excité d'arriver à cette course-là. On dit toujours que les Jeux, c'est un moment important pour les sportifs, parce que ça permet aussi de découvrir des sports, d'autres sports qui sont un peu moins médiatisés.

"Essayer d'arrêter de voir le misérabilisme du handicap" 

Les Jeux Paralympiques, c'est aussi un moment où on peut parler de handicap et voir des athlètes handicapés... 

Oui, je pense que voir des athlètes handicapés, c'est changer un peu le regard sur le handicap pour le grand public. De faire comprendre aux gens qu'on n'est pas des extraterrestres, qu'on est capable de faire de grandes choses. Malgré des adaptations, on est obligé de trouver des solutions pour faire notre sport, mais on y arrive. On est parfois meilleur que certaines personnes valides. J'aimerais changer aussi un peu le regard sur le handicap, essayer d'arrêter de voir le misérabilisme du handicap, et voir ce qu'on est capable de faire, et pas ce dont on est incapable de faire, tout simplement. C'est quelque chose qui me tient à cœur.

Vous le sentez ce "misérabilisme" ?

Oui, je le sens. On en discutait l'autre jour avec des malvoyants. Par exemple, des fois, quand on discute avec trois personnes, je suis avec un ami, la personne en face va plutôt demander à l'ami une question sur moi, alors que je suis capable d'y répondre. J'ai une conscience, des connaissances, des compétences. Oui, on le ressent sur certaines petites choses, mais de moins en moins, parce que j'essaie d'aller vers les gens. Dès que j'ai des difficultés, je vais vers les gens, et souvent, les gens sont très bienveillants, ils comprennent les choses, et ils ont plutôt tendance à aider de plus en plus, je trouve.

"Essayer de prôner l'activité physique"

Avez-vous un message à faire passer à la jeunesse valide ou non valide ?

Déjà, l'activité physique est importante, que tu sois handicapé ou pas. On retrouve beaucoup plus de sédentarité en ce moment, c'est vraiment un enjeu de santé publique. Le fait de bouger permet d'être en meilleure santé. C'est aussi ça que je veux faire passer comme message. Parce que tout le monde est capable de faire quelque chose de sa vie, ne serait-ce qu'aller marcher, ne serait-ce qu'aller faire un petit peu de natation, n'importe quelle activité, pour moi, ce sont forcément des bienfaits. Essayer de prôner l'activité physique auprès de tous, et aussi montrer que le handicap n'est pas un frein. J'aime bien faire des sensibilisations auprès d'élèves d'écoles primaires, pour leur faire comprendre qu'on a tous des différences, mais on est tous capables d'apporter quelque chose à l'autre malgré les différences.

Pour les jeunes en situation de handicap, qui vous lisent, que voudriez-vous leur dire ?  

Je veux leur dire : oui, tu as des obstacles, oui, tu as des barrières à franchir, mais tu es capable de faire des choses. Et le plus difficile, c'est d'aller vers des associations, vers des clubs, qui ouvrent les portes à des personnes en situation de handicap. Mais il ne faut pas hésiter à aller vers eux, à aller vers ces associations qui ont des éducateurs de plus en plus formés, et qui seront te diriger vers les meilleures infrastructures. Parce que les infrastructures évoluent, on espère que ça va évoluer dans le bon sens avec tout ce qui est accessibilité. Allez taper à la porte des clubs et des associations pour voir que le sport en situation de handicap, c'est possible.

Selon vous, où en est-on en France, en termes d'accessibilité pour les personnes en situation de handicap ? On a du retard ?

On va dire que ça évolue. Ça évolue doucement, ça évolue peut-être pas assez vite pour nous, les athlètes, ou même les personnes en situation de handicap. Mais ce n'est pas forcément les jeunes, mais aussi les personnes âgées, des fois, qui peuvent avoir du mal à se déplacer. On espère que ça va évoluer, que les Jeux Paralympiques vont être un tremplin pour accélérer cette accessibilité. 

Quand on voit le métro à Paris, en termes d'accessibilité, il y a encore beaucoup de travail... 

C'est vrai qu'à Paris, il y a encore du boulot, on ne peut pas se le cacher. Mais on voit qu'il y a beaucoup de travaux qui sont mis en place pour essayer de mettre de plus en plus de choses aux normes. Pour rendre la vie un peu plus facile pour les personnes en situation de handicap. Déjà, tous les escalators dans les métros ont été remis en état, et ça déjà, c'est quand même une belle avancée. On espère que les gens qui vont arriver à Paris ne seront pas trop déçus de l'accessibilité, parce qu'on essaye de faire au mieux. De toute façon, ça ne va jamais assez vite, mais on sait que ça évolue, donc on va être optimiste, on va dire.

Pour vous, quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontés, avec votre déficience visuelle ?

Les difficultés auxquelles je suis confronté, liées à la déficience visuelle, c'est essentiellement dans les déplacements. Moi, j'ai pris l'habitude de faire des déplacements qui sont tout le temps les mêmes quand je suis à Paris, et j'utilise beaucoup la canne blanche. Après, on va dire que notre meilleur ami, c'est le smartphone, parce que maintenant, tout est accessible avec la nouvelle technologie. Mais il y a plein de choses du quotidien que l'on ne se rend pas compte. Faire des courses, se faire à manger, on va mettre un peu plus de temps qu'une personne valide. Pour moi, la chose la plus dure à faire, ce sont les courses. Ça arrive que je prenne quelque chose, et surprise, en arrivant à l'appartement, je prends une photo et je zoome pour savoir ce que c'est. Parce que je n'ai pas eu le courage de le faire dans le magasin. Mais à présent, je sais où sont les choses, et si vraiment, j'ai des soucis, je demande. Avant, je n'allais pas vers les autres, car je pense que j'étais encore dans l'acceptation du handicap. Et ne serait-ce que d'aller vers les gens, la fatigue visuelle est importante au fur et à mesure de la journée, le fait de se concentrer, et j'évite cette fatigue pour me consacrer à ma pratique sportive.

Quelles vont être vos prochaines échéances avant les Jeux paralympiques ?

Avant les Jeux paralympiques, je vais remonter sur Paris, après quelques jours en Vendée. Puis je vais aller chez mon guide pour la fin du mois de juillet et le début du mois d'août, en stage de préparation contre nous. Et on aura 15 jours de stage au CREPS de Vichy, avant d'aller à l'INSEP, ensuite sur le village, le jour de la cérémonie d'ouverture.

Retrouvez le portrait de Thibaut Rigaudeau dans le sujet de Quentin Carudel et Amélie Lepage :

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Portrait de Thibaut Rigaudeau, paratriathlète ©J. Armand, A. Lepage et M. Zadunaiski

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