"On n'a plus de jus !". Le Sans-Culotte tire sa révérence. Le journal satirique était implanté en Vendée depuis 2007

On l'a appris par un message sur les réseaux sociaux, le mensuel vendéen "Le Sans-Culotte" va cesser de paraître. Le numéro 169, de juin 2024, sera donc le dernier de ce périodique satirique et d'investigation. Retour sur son histoire et les raisons de sa fin avec Marie Coq, sa rédactrice en chef.

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Dès sa première parution, on devinait que le périodique ne serait pas le doigt sur la couture du pantalon. Quand, en Vendée, on choisit de se baptiser "Le Sans Culotte", c'est qu'on ne croasse pas avec les grenouilles de bénitier.

Une opposition à la bourgeoisie, à la noblesse et aux institutions

Rappelons, pour un peu de culture générale, que le sans-culotte est un personnage révolutionnaire qui, au lieu de porter la vêture de rigueur à la fin du XVIIIe, culotte courte et une paire de bas, s'habillait d'un pantalon à rayures bleues et blanches. C'était devenu le signe de distinction montrant son opposition à la bourgeoisie, à la noblesse et aux institutions. 

Dans une Vendée à l'histoire royaliste, ayant souffert des exactions révolutionnaires et toujours baignée d'une forte culture catholique, "Le Sans-Culotte" s'affichait donc comme une publication qui se devait de déranger les consensus locaux.

Quand, en plus, la devise est "Le canard vendéen qui ne joue pas les fayots", il n'y a pas qu'une référence à la mogette...

Guillaume Fonteneau et Marie Coq

Les deux co-fondateurs, Guillaume Fonteneau et Marie Coq s'étaient rencontrés à l'école de journalisme de Lille. Quelques années plus tard, après s'être fait virer pour insubordination du journal où elle travaillait (elle dénonçait des publireportages), Marie projette de s'installer avec Guillaume, dans le pays de ce dernier, en Vendée. Mais pas pour y cultiver des mogettes donc.

"On voulait créer un journal sans subventions, sans partenariat, raconte Marie Coq. Les seules personnes auxquelles on aurait à rendre des comptes, ce seraient les lecteurs. La Vendée, c'était l'idéal. Un petit territoire avec une très forte identité." Et Philippe de Villiers. 

Nous sommes en 2007, Phillipe Le Jolis de Villiers de Saintignon, ancien secrétaire d'Etat à la culture, ancien sous-préfet, règne sur le département, il est le président du Conseil Général. 

Tout est réuni pour qu'un poil à gratter comme "Le Sans-Culotte" trouve de la matière à exploiter et tienne son rôle de journal indépendant. C'est aussi l'époque où Ouest-France rachète Presse-Océan, la pluralité de la presse avait besoin d'une plume trempée dans une autre couleur.

Le Canard enchainé local

Pour Marie Coq et Guillaume Fonteneau, le modèle économique et journalistique se trouve du côté du Canard enchaîné. Pour la dernière période, il était plutôt du côté de Médiapart et de Médiacités.

Mais attention, pas question de porter la plume dans la plaie sans billes.

"Plus on est irrévérencieux, plus on doit être sérieux" précise Marie Coq qui a poursuivi pendant 17 ans son travail d'investigation pour le mensuel. Après le décès de son compagnon, Guillaume Fonteneau, en 2021, Marie fera équipe au journal avec Clément Barreau. Une graphiste viendra aussi qui prendra également en charge les tâches administratives. 

Ce journal, c'est le sacrifice d'une vie.

Marie Coq

Rédactrice en chef et cofondatrice du Sans Culotte.

Les dessins qui font le piment de la publication sont assurés par une trentaine de collaborateurs occasionnels, dont seulement deux Vendéens. 

Un élu qui a dénoncé son adjoint

Quant aux infos qui permettront au "Sans-Culotte" de sortir ses dossiers aussi irrévérencieux que documentés, elles arrivaient souvent des lecteurs. 700 abonnés et jusqu'à 5000 ventes pour les meilleurs mois. Mais pas seulement.

"C'est un réseau d'informateurs qu'on constitue au fil des années, ajoute Marie Coq. On a eu des élus qui nous ont appelés pour dégommer l'autre. La femme d'un élu nous a contactés suite à un repas dominical où elle était outrée par ce qu'elle entendait. On a eu aussi un élu qui a dénoncé son adjoint pour lui donner une leçon..." 

"A l'époque, l'Église avait mis la tête dans le sable"

Dans son dernier numéro, de juin 2024, "Le Sans-Culotte" revient sur les meilleurs dossiers qu'il a sortis depuis sa création en 2007. "On était un OVNI à l'époque", se souvient Marie Coq. 

Le mensuel a été ainsi le premier média à annoncer la fin de règne de Philippe de Villiers en 2010, poussé dehors par Bruno Retailleau. C'est aussi lui qui a révélé les pratiques de pédophilie au sein de l'Église, bien avant que celle-ci ne fasse son méaculpa. C'était en 2012 avec l'exemple du petit séminaire de Chavagnes-en-Paillers. 

"A l'époque, se souvient Marie, l'Église avait mis la tête dans le sable en misant sur notre faible audience."

"Les caisses sont vides"

Dérangeant, Le mensuel, a fait l'objet de menaces. Et d'un seul procès en diffamation, qu'il a gagné en appel. 

Mais voilà, "Les caisses sont vides, avoue Marie Coq. Et les batteries des deux journalistes aussi ! Depuis la période du Covid, les ventes ont baissé et les coûts ont explosé."

On n'a plus de sous et plus de jus !

Marie Coq

Rédactrice en chef et cofondatrice du Sans-Culotte

Les administrateurs de l'association qui gère le mensuel ont décidé de mettre fin à l'aventure.

"A chaque numéro qu'on sort, on perd de l'argent. Ce type de publication est très fragile" constate la rédactrice en chef.

"Le Sans-Culotte 85 définitivement à poil" titre le mensuel sur sa dernière couverture en ligne. 

Une info qui réjouira ceux qui se méfiaient des infos et parfois des scoops que sortait le Sans-Culotte. Mais qui frustrera aussi ceux qui s'en servaient pour régler leurs comptes. Et les lanceurs d'alerte aussi. En cette période politique des plus tumultueuses, ce n'est pas une bonne nouvelle.

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