Sur la photo, avant leur départ pour le front, ils ont le sourire goguenard de ceux qui croient encore que la guerre sera courte et la victoire facile. Beaucoup n'en reviendront pourtant pas. C'est le cas du grand-père de Jean-Yves Renaudineau qui faisait partie de ce régiment.
C'est en cherchant les conditions de son décès que le Vendéen Jean-Yves Renaudineau a décidé de se lancer dans un incroyable défi : redonner une identité, une histoire, aux poilus vendéens morts pour la France.
Restituer l'histoire aux proches de poilus
Jean-Yves Renaudineau a fait sienne depuis longtemps la devise inscrite en exergue sur le fort de Duaumont dans la Meuse : "Celui qui se moque du passé n'est pas digne du présent".
Il a fondé, en 2004, le GRM de Vendée, le groupe départemental de recherches sépulcrales et de mémoire historique et combattante dont l'objectif est de restituer aux familles qui en font la demande, l'histoire de leur aïeul mort pour la France,
À ce jour, avec son complice Armand Guedon, Jean-Yves Renaudineau a pu résoudre 17 600 "énigmes" à la demande de familles qui souhaitaient connaître notamment les conditions de la mort de leur aïeul.
Pour Jean-Yves, tout est parti d'une recherche personnelle. "Mon père n'a pas connu son père, et ma famille n'a jamais eu d'informations sur sa mort. Quand on allait se recueillir sur la tombe familiale et que gamin, je posais des questions pour savoir de quoi il était mort, la réponse était évasive, on me disait toujours "il est mort à Verdun"
Une réponse bien vague, qui ne suffit plus à cet enfant devenu adulte. Jean-Yves Renaudineau, décide, à la fin des années 90, d'engager des recherches et de restaurer le fil de sa généalogie familiale.
Un grand-père considéré comme déserteur, mais en fait mort pour la France
Il découvre d'abord que son grand-père, Auguste Renaudineau, 36 ans, agriculteur de son état, embringué sur le front (alors que le rôle de son régiment était de rester à l'arrière), est mort dans le Pas-de-Calais, le 26 septembre 1914, à Beaulencourt dans le Pas-de-Calais.
Alors que son dossier militaire, établi en 1921, portait la mention "disparu", Auguste a en fait reçu un éclat d'obus lors de la bataille appelée "la course à la mer". Le caporal a eu la jambe coupée. Une blessure mortelle.
"Il faut savoir que tout soldat porté disparu était considéré comme déserteur... c'est la version qui a été donnée à ma grand-mère…" d'où la gêne de cette dernière et de toute la famille à évoquer cet homme dont personne n'avait alors la certitude du décès. "Ma grand-mère a même imaginé que mon grand-père avait fui et s'était installé en Allemagne ! Toute la famille était dans cette croyance-là !", se souvient Jean-Yves.
Rétablir la vérité et rendre hommage aux braves
Jean-Yves Renaudineau est le premier à avoir entrepris ce type de démarches. À l'époque, ce que l'on appelle le "devoir de mémoire" est un concept balbutiant. En 1999, il met en place une procédure de recherche et le ministère des Armées lui donne un blanc-seing pour fouiller ses archives.
"Comme j'étais le premier à dire qu'il fallait redonner une histoire à ces jeunes gens, j'ai été suivi. Jacques Chirac, qui était alors président, m'a même dit : "sachez que dans cette histoire, il n'y a aucune politique, c'est mémoire à 100 %", par conséquent les portes se sont ouvertes"
Jean-Yves Renaudineau arpente les archives nationales. Hanté par le souvenir du régiment qui pose sur la photo. "J'étais happé par cette image, par cette masse d'hommes en partance pour le front, je voulais savoir ce qu'était devenu les gars de l'escouade dirigée par mon grand-père...".
En 2001, une cérémonie a lieu à Notre-Dame de Lorette. Jean-Yves Renaudineau a retrouvé les noms et les familles des 29 compagnons d'infortune de son grand-père. Chacun désormais a une plaque mémorielle à son nom. Et les familles, un point d'ancrage pour se recueillir et transmettre.
"C'est au retour de cette cérémonie que l'on s'est dit avec Armand Guédon et les familles qu'il fallait qu'on fonde une association. L'Union Départementale des Anciens Combattants nous a beaucoup aidé, pour que tous ces braves ne tombent pas dans l'oubli. C'était comme les relever du champ de bataille pour leur donner du repos".
La mémoire retrouvée
Depuis, le GRM a mené différentes actions, toujours pour pérenniser le souvenir des soldats de la Grande Guerre. En 2014, l'association exhume l'histoire singulière et peu banale d'un soldat vendéen, Antoine Cardin, dont le père en pleine guerre traverse la France pour retrouver le corps de son fils mort sur un champ de la bataille de la Marne, afin de l'enterrer dans son jardin.
En 2019, le GRM contribue à ériger, pour la première fois, une stèle en l'honneur de 162 soldats vendéens péris en mer.
Plus largement, c'est un symbole pour rendre hommage aux 25 000 soldats, morts en mer pour la France, lors des deux guerres mondiales. Elle est visible à Noirmoutier, à l'Herbaudière, dans l'axe de l’île du Pilier, qui fut témoin de nombreux naufrages.
À 77 ans, Jean-Yves, et son collègue Armand Guédon, continuent de chercher, de fouiller, de restituer des parcours de vie. "Et en 2024, on en découvre encore..."
Ce jeudi 26 septembre, 110 ans jour pour jour, une cérémonie aura lieu, à l'endroit où le grand-père de Jean-Yves Renaudineau et 29 autres soldats vendéens ont été tués.
À 15 h 15, de Beaulencourt au Transloy, le glas résonnera en leur Mémoire.
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