Vendée : 106 ans après son inhumation à la hâte, le corps d'un poilu retrouvé et identifié

Il s'appelait Aimé Favreau. Son nom ne vous dit rien ? Normal. Porté disparu pendant la première guerre mondiale, son corps vient d'être retrouvé dans un champ des Ardennes. Un soldat inconnu qui ne l'est plus, grâce à l'action d'une association vendéenne.

C'était l'été dernier.

Lors d'un banal diagnostic archéologique en vue d'un chantier de construction, la cellule archéologique des Ardennes découvre des corps alignés dans une fosse commune. Elle est située à la lisière d’un champ, près d’une ancienne voie ferrée, au Châtelet-sur-Retourne.

" On s'attendait à trouver des vestiges gaulois, mais pas des soldats de la première guerre mondiale. Dans un premier temps, nous avons découvert cinq corps et grâce à un bouton d’uniforme, nous avons rapidement su que ces soldats appartenaient au 9eme bataillon colonial du Maroc " explique Caroline Tremeaud, responsable de la cellule archéologie du département des Ardennes.

Très vite, le service régional d’archéologie prend le relai et des fouilles plus exhaustives sont entreprises.

Ce ne sont pas 5 mais 14 corps qui sont exhumés, des squelettes, qui ont encore leurs chaussures aux pieds, et tout leur barda.

"Ils ont été enterrés dans la tranchée d’attente qu’ils occupaient pour surveiller l’ennemi, une tranchée très peu profonde. Ils étaient là avec tous leurs objets personnels. Vraisemblablement recouverts de terre par les Allemands lors de leur progression sur le front français car, pour des raisons sanitaires, on ne laissait pas des corps à découvert", raconte encore Caroline Tremeaud.

C’est particulièrement émouvant,  ça nous renvoie à l’histoire de nos grands-pères…c’est la première fois que notre service fait une telle découverte "

L'émotion est d'autant plus grande, qu'après 106 ans d'anonymat, sans que personne ne sache où étaient ces hommes, on a pu donner des noms à certains d’entre eux, grâce aux 5 plaques militaires restées lisibles.
 

Parmi ces noms, celui d’un jeune Vendéen

Il s’appelait Aimé. Aimé-Jean-Pierre Favreau. Né le 15 novembre 1886 à la Génétouze, en Vendée.

Il vivait à la Roche-sur-Yon quand il a été mobilisé. Direction le Maroc. Puis les tranchées des Ardennes. Il y est mort le 1er septembre 1914.

Jean-Yves Renaudineau a réuni dans un dossier tous les éléments connus sur Aimé.

Avec son association, il cherche inlassablement à identifier les soldats morts pour la France. 

Son but ultime : donner à ces soldats longtemps restés anonymes, une sépulture, un lieu de repos digne et surtout transmettre aux familles le parcours de leur aïeul. Des restitutions souvent bouleversantes. 

" J’ai vu une fois un "enfant" de 93 ans, que j’ai emmené sur le terrain où son père avait été tué, embrasser la terre. Il ne l’avait pas connu. Il m’a dit, les yeux mouillés de larmes : je lui ai dit ce que j’avais à lui dire, je peux mourir en paix " témoigne Jean-Yves Renaudineau.

Lui-même connaît bien cette émotion. En 1999, à la suite de longues recherches, il découvre que son grand-père n’est pas mort à Verdun mais dans le Pas-de-Calais. Une information qui lui a permis de reconstituer l'histoire de sa famille, de boucher des trous de mémoire douloureux, en prenant connaissance des dernières heures, du dernier jour de ce grand-père.

C’est peut-être un détail pour beaucoup, mais pas pour lui.

Pas pour les nombreuses familles qui font appel aux services des archivistes et des enquêteurs de terrain de son association, le GRM de Vendée, le Groupement départemental de recherches sépulcrales et de mémoire historique et combattante.
 

Mission mémorielle

Jean-Yves n'a rien d'un nostalgique des guerres. Ce qui le meut, c'est ce qui l'émeut : rendre leur honneur à des gamins fauchés par des combats auxquels ils n'entendaient rien.

"Ce qui me tient à coeur, le fil rouge de notre action, c'est de leur rendre hommage. Nous avons comme une dette envers ces hommes.

Quelles que soient les guerres, on vient chercher des jeunes qui n'ont rien demandé, on les envoie au combat, et au final, ils donnent leur vie pour notre liberté. Alors le moins que je puisse faire, c'est de tout mettre en oeuvre pour valoriser la mémoire de ces braves".

Jean-Yves Renaudineau, Président du GRM de Vendée

Aves le GRM, Jean-Yves a traité 17 000 dossiers. 17 000 morts pour la France, sortis de l'anonymat, dont les parcours ont été "restitués" à leurs familles.

"Nous avons étudié, traité, retrouvé leur histoire, de leur origine familiale juqu'à leur sépulture. Les descendants, quand on leur donne l'information, quand on leur dit où ils peuvent aller se recueillir, croyez-moi, ça les soulage, ça les rassure...".
 

Un retour au pays ?

À la demande du GRM, la mairie de la Génétouze a reconstitué la généalogie Favreau.

Sur les cinq enfants du couple, trois sont morts en bas-âge, deux sont tombés "au champ d'honneur". Le frère aîné Ernest, repose à l'ossuaire de Fère-Champenoise. Le cadet, Aimé, gisait, trois pieds sous terre dans les Ardennes, donc.

La famille est décimée, pas de descendants. Personne à qui restituer le corps.

Normalement, les ossements devraient rejoindre le cimetière militaire national de Rethel, dans les Ardennes. Mais Jean-Yves Renaudineau a contacté l'Office National des Anciens Combattants, les mairies de la Roche-sur-Yon et de la Génétouze, et le département.

Ensemble, ils ont sollicité le ministère des armées, afin que le corps d’Aimé soit enterré au carré militaire du cimetière de la Préfecture de Vendée. Qu’il soit reconnu parmi les 21 000 soldats vendéens morts entre 1914 et 1918.

Si le corps était rapatrié en Vendée ce serait une grande première. Aimé-Jean-Pierre Favreau, matricule 1975, serait le premier soldat à "revenir" de manière officielle sur les terres vendéennes pour y être inhumé. 106 ans après son décès.

Pour l'instant, le dossier est en instance de traitement au ministère des armées. Une réponse est attendue au printemps.

 

►À voir aussi 

Le reportage que nous avons tourné il y a quelques années avec Jean-Yves Renaudineau, sur les traces d'Antoine Cardin, l'un des 589 jeunes vendéens morts comme lui sur le champ de bataille de Normée, dans la Marne.

Son corps avait été rapatrié par son père, en toute illégalité, pour être enterré dans le jardin de la maison familiale à Saint-Hilaire-des-Loges.

 

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