Plus de 90 000 vues en 24 heures : le créateur de contenus Rivenzi a réalisé un documentaire où il sillonne les lieux de mémoire de la bataille de la Somme. Ses rencontres entre Albert, Thiepval et Villers-Bretonneux remportent un succès rapide qui le surprend agréablement.
Dans la lumière dorée d'une fin de mois de septembre, pendant trois jours, il a parcouru les longues allées des cimetières militaires de la Somme. Lui, c'est Théo Reunbot, plus connu sous son nom de créateur de contenu Rivenzi. Sa chaîne YouTube comptabilise 146 000 abonnés, sa chaîne Twitch, presque 270 000.
Passionné d'histoire, pour son dernier documentaire, il sillonne les lieux de mémoire de la bataille de la Somme. Une première incursion dans le département qui l'a visiblement séduit : "j’ai été très agréablement surpris par une région dont on ne parle pas souvent, j’ai beaucoup aimé les paysages, les briques rouges, c’est vallonné, très relaxant." C'est Somme tourisme qui l'a invité à produire ce contenu, à l'accroche séduisante. Rivenzi commence par évoquer les liens entre cette bataille et un best-seller mondial, Le seigneur des anneaux.
Tolkien dans la bataille de la Somme
Si l'auteur britannique de cette saga qui a marqué l'histoire de la littérature a toujours réfuté les parallèles entre son histoire et celle des guerres mondiales, il a admis s'être inspiré de ses expériences pour certaines descriptions. Plusieurs exégètes des romans ont suggéré que le marais des morts, traversé par Frodon, Sam et Gollum dans le deuxième tome, aurait été inspiré par la bataille de la Somme, à laquelle l'auteur a participé en 1916.
Il est vrai que lorsque Sam trébuche dans la vase verdâtre du marais, il dit avec horreur "Il y a dans l'eau des choses mortes, des faces mortes". Il demande ensuite à Frodon qui sont ces morts et ce dernier lui répond "Elles gisent dans toutes les mares, ces faces pâles au plus profond de ces eaux sombres. De fiers et beaux visages en grand nombre, avec des algues dans leur chevelure d'argent. Mais tous immondes, pourrissants, tous morts."
Gollum ajoute : "Il y a eu une grande bataille au temps jadis, oui, c'est ce qu'on racontait quand Sméagol était jeune, quand j'étais jeune avant la venue du Trésor. Ce fut une grande bataille. Des Hommes de haute taille, avec de longues épées, et des Elfes terribles, et des Orques qui hurlaient. Ils se sont battus dans la plaine pendant des jours et des mois aux Portes Noires. Mais les Marais se sont étendus là depuis lors, ils ont avalé les tombes, ils rampent toujours davantage."
Les fans y voient une référence à l'enfer boueux de la Première Guerre mondiale et Rivenzi, une belle ouverture pour son documentaire. "Je lis le seigneur des anneaux en ce moment, c’est un peu 'tombé' comme ça, observe Théo Reunbot. C’est aussi essayer d’accrocher des gens qui ne s’intéressent pas tout de suite à l’histoire, de les avoir d’une autre manière. Le sujet peut paraître lointain, ça permet de le rattacher à une œuvre qu’ils connaissent."
Mais le créateur de contenu ne cherche pas sa matière uniquement dans les livres. Pour lui, ce sont les lieux qui parlent.
Histoire de terrain
Pendant les 39 minutes du documentaire, il se balade donc de Villers-Bretonneux à Pozières, en passant par Albert, Thiepval ou encore Rancourt. Accompagné par Olivier Dirson, guide pour Chemin d'histoire - Battlefiled tours, il parcourt les lieux des batailles et des massacres. Puis rencontre les guides des musées et des mémoriaux.
"Pour parler d’histoire, les lieux sont importants. Les livres des historiens sont très intéressants, mais il faut rencontrer les acteurs de terrain pour que les lieux dévoilent leur profondeur, souligne Théo Reunbot. Eux, ils ont aussi ce rapport au public, pour parler de mémoire, c’est important de comprendre leur interaction avec les visiteurs. Ils ont souvent des cartes d’époque, de vieilles photos, c’est très utile !"
Cette approche empirique de l'histoire, il la doit à Patrick Boucheron, historien du Collège de France qu'il a invité pour une interview sur sa chaîne Twitch. "Il m’a dit qu’il avait vraiment commencé à apprécier l’histoire en allant sur le terrain, qu’il a compris l’histoire en allant sur les lieux pour ressentir les émotions liées aux événements" se souvient le créateur de contenus.
Dans la Somme, plusieurs lieux l'ont marqué, mais s'il ne devait en retenir qu'un, ce serait le Trou de mine de La Boisselle, Lochnagar Crater pour les anglophones. "C’est quand même hallucinant. C’est le premier site que l’on a visité, ça parait irréel. Je suis allé à Verdun, en Normandie, mais un cratère comme ça... Les images ne sont pas suffisantes pour décrire l’endroit... Et ce qui est fou, c’est que les alentours sont très paisibles" constate Théo Reunbot.
"C’est notre meilleur départ de documentaire"
Cette approche à hauteur de visiteur, c'est peut-être l'une des raisons du succès de la vidéo. Théo Reunbot l'admet sans difficulté, il ne fait pas beaucoup de recherches avant de se rendre sur le terrain, car il ne veut pas guider ses interlocuteurs en fonction d'attentes préexistantes.
"On adapte notre propos selon ce que les gens nous disent sur le terrain. On fait de longues interviews et ensuite, on approfondit nos recherches" indique-t-il. Notamment en complétant les séquences dans la Somme d'une longue interview de l'historien Romain Fathi, chercheur à l'université de Canberra en Australie.
La recette fonctionne : à 18 heures, le 13 novembre, la vidéo publiée la veille a dépassé les 93 000 vues. "C’est notre meilleur départ de documentaire, donc on est très contents. On a un format divertissement qui marche très vite, très bien, les documentaires partent souvent doucement et montent pour dépasser les autres. Là, c’est parti très vite, se réjouit Théo Reunbot. Je pense qu’on va atteindre les 100 000 vues en 24 heures !"
Un intérêt du public qui résonne avec la conclusion de sa vidéo, où le créateur diffuse une interview de J.R.R. Tolkien, "si vous vous intéressez à toutes les grandes histoires, qui intéressent les gens et retiennent leur attention pour un temps considérable... Pratiquement toutes les histoires humaines ne parlent que d'une chose. La mort. L'inéluctabilité de la mort." Dans la Somme, plus de 400 cimetières sont là pour rappeler ces histoires dans l'Histoire.