En Vendée, la fronde des propriétaires de marais contre l'interdiction de la pêche à l'anguille

Afin de protéger l'anguille, en danger critique d'extinction, sa pêche est interdite par décret depuis le mois de mars. Une décision qui concerne toute la façade maritime, et donc aussi, aussi les zones de marais. Conséquence, les petits propriétaires qui entretiennent les marais menacent de ne plus le faire. Une interdiction qui, plus globalement, soulève la question de la gestion de ces écosystèmes artificiels à l'équilibre fragile.

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Ils font partie de notre environnement depuis si longtemps qu'on les croirait naturels.

Pourtant, les marais ont bel et bien été façonnés par l'homme. Ils résultent de politiques d’aménagement initiées notamment par les abbayes dès la fin du Xᵉ siècle, afin d’exploiter plus facilement les terres. Conçus pour faire barrage aux eaux douces intérieures, les canaux permettent à ces eaux de s’écouler jusqu’à l’océan et ainsi de diminuer les crues.

Tour à tour "éponge" ou "filtre", ces zones humides assainissent les eaux. Elles accueillent une biodiversité remarquable, riche en éléments nutritifs, ce sont de véritables viviers de végétaux et d’animaux... parmi lesquels, des anguilles.

Interdire la pêche récréative au nom de la protection d'une espèce

L’anguille, si commune sur nos côtes il y a encore 20 ans, est désormais inscrite en "danger critique d’extinction" comme le rhinocéros.

Pour vous donner une idée, pour cent individus dans les années 80, il n’en reste plus qu’un seul aujourd’hui. Depuis 2009, on prend des mesures, mais les résultats n’étant pas probants, les législateurs ont décidé de durcir les règles, en interdisant tout simplement par décret, depuis le 9 mars 2023, la pêche récréative de l’anguille sur toute la façade maritime. Fini donc la pêche de loisir en eau salée et notamment dans les zones de marais du rétro littoral.

Cette décision provoque l’incompréhension chez les petits propriétaires dans les marais de Vendée.

Ce samedi 5 août, une manifestation est organisée par l'association syndicale des marais de la Gachère, à 14 h aux Sables d'Olonne, pour dénoncer et demander l'abrogation du décret.

"On ouvre une trappe et la mer rentre dans les marais"

Jean et Michel sont des enfants du pays, nous les avons rencontrés en juin dernier. De génération en génération, ils ont toujours connu les marais du Payré : 850 hectares fragiles posés entre terre et mer. Ces familles locales se transmettent ce petit bout de marais, depuis qu’ils en sont devenus propriétaires au moment de la Révolution.

Un petit lopin précieux à l’époque, car source de protéines, grâce aux poissons qu’on y prélevait. Ils sont aujourd’hui la mémoire des usages et de cette tradition séculaire.

Jean Perrot, propriétaire et vice-président de l'association de défense des marais du Payré nous explique comment fonctionne le marais. "On ouvre une trappe et la mer rentre dans les marais. C'est de l'eau nouvelle pour le poisson. 

C'est très important de changer l'eau d'une manière régulière. Et ce n'est pas si rigolo de venir maintenir des niveaux d'eau en permanence. 

Jean Perrot

Propriétaire et vice-président de l'association de défense des marais du Payré

Cette pratique exige beaucoup de temps, de travail, Quelle que soit la météo. Alors la récompense pour ces propriétaires, ce sont les poissons qu’ils prélèvent de temps en temps, dont l’anguille.

Une interdiction qui pourrait menacer tout un milieu

Impliqués, en symbiose avec leur marais depuis des générations, les 150 propriétaires ont reçu l’interdiction de la pêche récréative de l’anguille, tombée au mois de mars 2023, comme une sanction. Un arrêté ministériel autoritaire, pris sans aucune concertation.

On a l’impression qu'on ne fait pas confiance aux propriétaires de marais qui connaissent par cœur ce territoire d'exception qui est déjà protégé au titre de Natura 2000, explique Maxence de Rugy, maire de Talmont-Saint-Hilaire et président de la Communauté de communes Vendée Grand Littoral. En interdisant assez brutalement la pêche à l'anguille, on leur enlève quelque chose"

Un entretien vertueux s’était organisé entre la Communauté de Communes, Vendée Grand Littoral, et l’association regroupant les petits propriétaires. Grâce aux aides européennes, des actions sont menées chaque année pour restaurer les marais, et empêcher que le territoire ne se transforme en friche.

Guillaume Da Silva est animateur Natura 2000, selon lui, sans intervention humaine, les marais sont voués à disparaître.

"Aujourd'hui, il faut que l'homme intervienne, car, on est sur des milieux qui ont été créés par l'homme et il n'y a aucun rôle auto-épuratoire naturel de ces marais rétro-littoraux. Donc au bout d'un moment, ils s'envasent à tel point qu'ils peuvent disparaître et donc on est obligé de les maintenir avec un curage, le plus léger possible sur deux ou trois ans, de manière progressive pour éviter de perturber le milieu et maintenir la biodiversité".

L’inquiétude, c'est que cet arrêté, visant à préserver la ressource d’anguilles, soit contre-productif. Les petits propriétaires se démobilisant complètement, certains marais retourneraient inéluctablement à la friche.

Si on nous interdit de pêcher l'anguille, on ne fera pas des efforts en permanence pour maintenir un niveau d'eau. ce sera un marécage qui sèchera et il n'y aura plus rien qui vivra dans le marais"

Jean Perrot

Propriétaire et vice-président de l'association de défense des marais du Payré

Dans ce marais, ou l’homme et la nature sont étroitement liés, les habitants ne veulent aucun privilège, juste le droit de ponctionner quelques anguilles pour préserver leurs traditions.

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On ne le sait pas toujours, mais l’anguille, si commune sur nos côte, est inscrite en « danger critique d’extinction » comme le rhinocéros. Pour cent individus dans les années 80, il n’en reste plus qu’un aujourd’hui. Depuis 2009 on prend des mesures, mais les résultats n’étant pas probant, les législateurs ont décidé de durcir les règles, en interdisant tout simplement par décret, depuis le 9 mars 2023, la pêche récréative de l’anguille sur toute la façade maritime. Fini donc la pêche de loisirs en eau salée. Une décision qui provoque l’incompréhension chez les petits propriétaires dans les marais du Payré, situés en Vendée et menace l'équilibre et l'entretien de ces sites construits par l'homme il y a plusieurs siècles. ©Cyril Dudon/Denis Leroy

Le reportage de Cyril Dudon, Denis Leroy, Valérie Brut

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