La France ne respecte pas les règles européennes en limitant strictement les achats de tabac à l'étranger et doit donc changer sa législation sous peine d'amendes, a jugé jeudi la Cour européenne de justice (CEJ) à Luxembourg. Les buralistes des Alpes-Maritimes sont en colère.
La Cour était appelée à se prononcer sur une plainte de la Commission européenne qui reprochait à la France de limiter à cinq cartouches (soit un kilo de tabac), voire 10 dans certains cas restreints, les achats de tabac à l'étranger. "La France a manqué à ses obligations (...) en utilisant un critère purement quantitatif pour apprécier le caractère commercial de la détention par des particuliers de tabac manufacturé en provenance d'un autre État membre, en appliquant ce critère par véhicule individuel (et non par personne) et en l'appliquant de manière globale pour l'ensemble des produits du tabac", a affirmé la Cour dans son arrêt.
Contraire au principe de libre circulation des marchandises
La législation française est contraire au principe de libre circulation des marchandises. La France devra changer sa législation sous peine d'amendes. Le gouvernement français avait anticipé la décision de la CEJ en annonçant la semaine dernière qu'il allait revoir -mais pas supprimer- les limites d'achat de tabac à l'étranger. Paris doit adresser une circulaire aux services douaniers leur demandant de ne plus appliquer strictement les limitations d'achats de tabac à l'étranger, et de préférer des contrôles plus pragmatiques, avait indiqué vendredi le ministre de l' Economie et du Budget.Ces contrôles viseront "à faire respecter l'interdiction d'importer en franchise de droits des cigarettes destinées à être revendues et d'enfreindre ainsi le monopole de vente des buralistes", a indiqué Bercy. Selon une source proche du dossier, les nouvelles règles seront tout aussi "dissuasives" que l'actuelle règlementation. La circulaire précisera la quantité de cigarettes à partir de laquelle le douanier pourra estimer qu'il ne s'agit plus de consommation personnelle mais que les cigarettes sont destinées à la revente, a expliqué cette source.
Vente limitée depuis 2006
La limitation actuelle avait été adoptée en 2006, au moment où avaient explosé les achats de tabac à l'étranger, notamment en Belgique ou en Espagne, où le paquet de cigarettes, moins taxé, est moins cher. Les achats légaux à l'étranger et les achats illégaux via internet ou sous le manteau représentent 20% de la consommation de tabac en France, selon les Douanes. Ce mode d'achat représente un manque à gagner fiscal d'environ 2,5 milliards d'euros par an.Pascal Montredon, président de la confédération des buralistes, a dénoncé, avant l'arrêt de la Cour, "l'incohérence de l'Europe: d'un côté, la directive tabac impose des contraintes comme les paquets génériques et de l'autre, elle condamne la France pour sa politique de lutte anti-tabagisme". Au cours des deux premiers mois de l'année, les livraisons de cigarettes d'Altadis aux buralistes ont baissé de 4% en volume. Le recul avoisine 10% dans certaines régions frontalières, selon des chiffres publié sur le site spécialisé Le Monde du Tabac.