L'ex-magistrat Pierre Estoup, mis en examen dans l'enquête sur l'arbitrage de Bernard Tapie dans l'affaire du Crédit Lyonnais, serait déjà intervenu en faveur de l'homme d'affaires lors d'un procès visant l'Olympique de Marseille en 1998, selon le journal Le Monde.
Pierre Estoup est mis en examen pour "escroquerie en bande organisée" dans l'enquête sur l'arbitrage qui a permis à Bernard Tapie de toucher 403 millions d'euros pour régler son litige avec le Crédit lyonnais en 2008. Arbitre ayant joué un rôle déterminant dans cette sentence, il ne devait théoriquement pas avoir de liens avec les parties avant son arbitrage. L'enquête semble démontrer que c'était pourtant le cas.Dans l'affaire des comptes de l'OM, Bernard Tapie avait été condamné en première instance à trois ans de prison dont 18 mois ferme par le tribunal de grande instance de Marseille. En appel, l'avocat général avait requis quatre ans de prison dont deux avec sursis. Le 4 juin 1998 l'homme d'affaires sera finalement condamné à trois ans avec sursis et une amende par la cour d'appel à Aix-en-Provence.
Le président de la cour d'appel de l'époque, Franck Lapeyrère, est une connaissance de Pierre Estoup, qu'il a eu l'occasion de croiser dès 1994 au tribunal de Nancy.
Alors président de la cour d'appel de Nancy, M. Estoup " m'a proposé au grade de vice-président", a confié M. Lapeyrère aux enquêteurs, selon le PV d'audition cité par le Monde.
UNE DEDICACE GENANTE
Sept ans plus tard, dans l'affaire de l'OM, M. Lapeyrère rédige l' arrêt qui évite la prison à M. Tapie. "Il n'y avait pas lieu à de la prison ferme car il n'y avait pas eu d'enrichissement personnel", a expliqué l'ex-magistrat aux policiers de la brigade financière, selon le Monde. Et d'ajouter que M. Estoup avait "essayé de (le) voir avant que l'affaire ne vienne à l'audience et après que l'arrêt eut été rendu". La rencontre n'a toutefois pas eu lieu, selon lui. "Je ne savais pas qu'il connaissait M. Tapie", a précisé l'ancien magistrat aux enquêteurs.
Ces derniers s'interrogent sur le sens d'une dédicace faite par M. Tapie, en juin 1998, dans un livre offert à M. Estoup. "Votre soutien a changé le cours de mon destin", lui écrivait l'homme d'affaires.
"La concomitance des dates" du procès en appel, et de la dédicace "m'ont laissé penser que Pierre Estoup avait pu dire à Tapie qu'il m'avait vu", a dit M. Lapeyrère aux enquêteurs. Mais "si M. Estoup a pu dire à M. Tapie que c'était grâce à lui qu'il ne retournait pas en prison, il lui a menti", a-t-il affirmé.
A cette époque, selon le Monde, M. Estoup travaillait déjà pour M. Tapie par l'intermédiaire de l'avocat Me Francis Chouraqui, au domicile duquel les enquêteurs ont trouvé un courrier relatif à l'homme d'affaires André Guelfi, dit "Dédé la sardine", que M. Tapie avait connu en prison.
Dans ce courrier, Me Chouraqui remerciait M. Estoup pour son intervention dans le dossier Guelfi, selon le quotidien. Bernard Tapie et Me Chouraqui ont récemment démenti avoir fait appel à Pierre Estoup pour des missions rémunérées. Interrogé par le Monde, M. Tapie a juré n'être "jamais intervenu" auprès de M. Lapeyrère, dont son avocat lui avait dit qu'il était "intraitable" et que "toute intervention sera(it) de nature à compliquer les choses".
Et selon lui "la dédicace à Estoup n'a rien à voir avec ce jugement de juin 1998".