Un an d'emprisonnement et 6.000 euros d'amende requis contre le commandant de frégate

Le tribunal correctionnel de Marseille a examiné lundi le cas d'un commandant de marine poursuivi pour harcèlement moral, après le suicide par pendaison en juin 2010 d'un sous-officier qui lui servait de maître d'hôtel, à bord d'une frégate dont l'atmosphère était devenue irrespirable.

Le vice-procureur Emmanuel Merlin a requis un an d'emprisonnement, "éventuellement assorti de sursis" et 6.000 euros d'amende, tout en regrettant que les peines maximales prévues par le code pénal (un an de prison et 15.000 euros d'amende à l'époque des faits, deux ans et 30.000 euros aujourd'hui, ndlr) "ne semblent pas faire justice à ce qui s'est passé".

Un commandant décrit comme Louis XIV

Arrivé au tribunal en civil, la mine sombre, Eric Delepoulle, le militaire de 43 ans, a discrètement salué les parties civiles déjà assises dans la salle d'audience, soufflant un "bonjour" du bout des lèvres, sans obtenir de réponse. Après avoir fait remarquer sa tenue de civil contraire aux "principes", la présidente Lucie Chapuis-Bérard a longuement interrogé le prévenu, passant en revu les nombreux témoignages à charge de l'instruction décrivant la terrible atmosphère régnant à bord de ce "bateau de l'enfer" : la frégate "La Fayette". Les plus de 70 témoins interrogés à l'instruction ont presque tous raconté la même histoire: une "ambiance exécrable", "des pressions permanentes" sous le commandement d'un gradé "se prenant pour Dieu à bord" ou "Louis XIV", et en rupture avec ses subordonnés. C'est dans ce contexte que le second maître Sébastien Wanke, 32 ans et originaire de Saône-et-Loire, maître d'hôtel du carré commandant et donc au contact direct avec le commandant, "aux première loges pour subir les brimades", selon l'avocat de la famille Jean-Jacques Rinck, avait été retrouvé le 15 juin 2010 pendu à bord.

D'après l'enquête, il faisait face depuis un an et demi à un "rythme et charge de travail écrasants", jusqu'à 15 heures par jour, organisant et servant les repas des officiers, le service à table, nettoyant les appartements du commandant, et réalisant même des travaux de peinture en plus de ses charges opérationnelles. Le tout avec, selon les mots du juge d'instruction, un niveau d'exigence "excessif, voire abusif, au point de revêtir un véritable aspect "vexatoire". Peu avant le drame, il avait également reçu sa notation, correcte mais assortie d'une appréciation désastreuse lui reprochant "un manque investissement".  "C'est le déclencheur final après 18 mois d'enfer", a estimé M. Merlin qui a rappelé les nombreux repas de prestige que devait organiser Sébastien Wanke, accroissant encore sa charge de travail.

Ci dessous le reportage de Jean-François Giorgetti, Virginie Danger et Philippe Hervé.



"Système archaïque et rétrograde"

Cette affaire est "le révélateur d'un système de commandement archaïque, rétrograde" a plaidé pour les parties civiles Me Rinck, qui a souhaité "replacer le drame dans son contexte", celui "d'une frégate furtive, véritable sous-marin de surface" avec "153 membres d'équipage vivant en huis-clos" : Un lieu où "'tout se dit, tout se sait". ""Il était le seul de toute la flotte à ne pas savoir" que l'ambiance était détestable, a ironisé l'avocat. A la barre, Eric Delepoulle, s'est lui attaché à tout justifier : l'atmosphère tendue? "Retracer l'ambiance sur 18 mois en disant qu'elle a été un long fleuve tranquille ne reflète pas la stricte vérité", a-t-il euphémisé. La charge de travail ? Sébastien Wanke se serait "proposé" pour les travaux de peinture, a-t-il suggéré.

Les notations en berne d'une partie des marins ? "Des directives spécifiques" de la hiérarchie. Celle de Sébastien Wanke? Elle était proposée par les commandants adjoints. "Si vous n'étiez pas d'accord, il fallait corriger", le remet en place la présidente. "Je suis véritablement très affecté par tout ce qui s'est passé", a lâché l'officier, aujourd'hui chef de vaisseau à l'état-major, sur un ton neutre. "Que Wanke m'ait détesté, je l'ai vu, je le vois bien, maintenant, je n'ai pas eu cette perception dans mon commandement", s'est-il encore justifié. Son avocat, Me Pierre-André Watchi-Fournier, a plaidé la relaxe de son client, considérant que celui-ci avait été "séparé de sa base" et mettant en cause le commandant en second et son comportement "pervers" dans la détérioration de l'ambiance à bord. M. Delepoulle, également poursuivi pour des faits similaires à l'encontre d'un autre marin, le maître Olivier Berger, un chef de cuisine qui a développé un psoriasis, sera fixé sur son sort le 20 janvier.
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