Danièle Canarelli a fait appel. En 2012, elle avait été condamnée à un an de prison avec sursis pour homicide involontaire à la suite d'un meurtre commis par un de ses patients. L'un des fils de la victime avait porté plainte contre elle quand le patient avait été déclaré irresponsable.
Peut-on prédire le crime?
Condamnée fin 2012 à un an de prison avec sursis pour homicide involontaire à la suite du meurtre commis par un patient, la psychiatre Danièle Canarelli a de nouveau défendu lundi son action, quand des témoins pointaient la "complexité" de l'exercice.Devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, la psychiatre de 59 ans, qui exerce toujours à l'hôpital marseillais Edouard-Toulouse, a évoqué un malade "sortant de l'ordinaire, un peu exceptionnel", dont "les symptômes disparaissaient rapidement à l'intérieur du service". Pourtant, l'interpelle le président, "il y a une réalité objective: ce sont ses violences répétées" (plusieurs agressions, dont une tentative d'assassinat avant le crime) "et de nombreuses expertises vont dans le même sens", .
"D'un patient méfiant, en retrait, petit à petit on voyait le patient se détendre, s'apaiser jusqu'à entretenir des relations correctes avec l'ensemble de l'équipe", a raconté à la barre Danièle Canarelli, relevant "la pauvreté du tableau clinique". Or "la dangerosité est évaluée au moment où je fais le certificat". "N'y avait-il pas de sa part un travail de manipulation?", insiste le magistrat. "Je ne crois pas qu'on puisse jouer la comédie sur la durée (...).
Je ne me suis pas laissé abuser par ce patient, j'ai pris des décisions en conscience
répond le docteur Canarelli, sans nier les "difficultés" que Joël Gaillard lui avait posées durant son suivi, de 2000 à 2004.
Le drame du 9 mars.
Vingt jours après sa fugue de l'établissement, ce "schizophrène paranoïde" tuait à coups de hachette, à Gap (Hautes-Alpes), le compagnon octogénaire de sa grand-mère, Germain Trabuc. Quand on lui demande si "cette fugue ne l'a pas inquiétée", le Dr Canarelli s'agace: "je pensais que l'avis de recherche suivait son cours, mes prérogatives
ne vont pas jusqu'à aller chercher le patient dans sa famille dans les Alpes!"
'Chronique d'une mort annoncée' ?
Parmi les témoins cités par la défense, le psychiatre Daniel Zagury a apporté un soutien sans faille à sa confrère, appelant à "ne pas mélanger psychiatrie et police".
"A sa place, j'aurais fait exactement la même chose. Il est aisé de reconstruire les étapes du dossier quand on connaît le présent, c'est facile de dire aujourd'hui +chronique d'une mort annoncée+", a-t-il jugé. Et d'ajouter:
Il y a 650.000 schizophrènes en France, 99,7% ne commettront jamais d'homicide
Dans le même sens, le président du Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH), Jean-Claude Penochet, a fait part de son "étonnement". "Il y a un malentendu: le diagnostic en psychiatrie n'a pas la même clarté, pureté qu'un diagnostic somatique où on sait immédiatement s'il s'agit de varicelle ou rubéole", a-t-il témoigné à la barre, notant "la complexité" de cette discipline.
En 2012
Danièle Canarelli s'est retrouvée sur le banc des prévenus après la plainte de Michel Trabuc, un des fils de la victime, qui ne se satisfaisait pas du non-lieu prononcé dans l'affaire, Joël Gaillard ayant été déclaré irresponsable pénalement en raison de ses troubles psychiatriques. Au terme d'un procès inédit qui avait fortement ému la profession, le tribunal correctionnel de Marseille avait estimé en première instance que "les défaillances relevées" dans le suivi de Joël Gaillard étaient "à l'origine de l'errance du patient, de la fuite de l'établissement puis du passage à l'acte". Des antécédents sous-estimés, des incidents banalisés, des alertes méconnues: "l'attitude de cette dernière a confiné à l'aveuglement", selon le tribunal. "Elle a persisté dans son approche thérapeutique en négligeant les avis multiples et concordants émanant de ses confrères".
avait pris soin de rappeler le président Fabrice Castoldi en rendant son délibéré en décembreLe tribunal ne juge pas la psychiatrie, il juge un cas d'espèce
2012. En effet, "la loi n'impose pas au médecin une obligation de résultat", de surcroît "la prédictivité et le risque zéro n'existent pas ".