Alors que la cour d'appel de Paris a appelé à la reprise des traitements de Vincent Lambert, tétraplégique en état végétatif hospitalisé à Reims depuis dix ans, le maire d'Antibes auteur de la loi sur la fin de vie, en appelle à "penser la mort" pour que de telles situations ne se reproduisent plus.
Ce matin, les avocats des parents de Vincent Lambert sont attendus au centre hospitalier de Reims pour vérifier la reprise, au moins provisoire, des traitements de ce tétraplégique en état végétatif depuis dix ans, ordonnée, à la surprise générale, par la cour d'appel de Paris. Le CDPH, comité de l'ONU, avait demandé à la France de surseoir à l'arrêt des traitements dans l'attente d'un examen du dossier sur le fond, une préconisation sans caractère contraignant pour la France qui mettait en avant le "droit du patient à ne pas subir d'obstination déraisonnable".
Vincent Lambert, un symbole sur la fin de vie
Il s'agit d'un énième coup de théâtre, qui est intervenu alors que depuis le matin de ce 20 mai, ces traitements (nutrition et hydratation artificielles) avaient été arrêtés. Dans un communiqué, Jean Leonetti, maire d'Antibes, cardiologue et auteur de la loi sur la fin de vie qui porte son nom, en appelle à la mesure.
Le drame que vit depuis 6 ans une famille déchirée ne doit pas être exploité dans une surexposition médiatique et dans des polémiques partisanes. La situation est suffisamment complexe et douloureuse pour que chacun évite d’ajouter dans ses déclarations de la violence au malheur. Même si la procédure médicale est conforme au droit et à la loi, elle engendre inévitablement une situation de grande tension au sein de la famille, de l’équipe médicale et de l’opinion qui ne saurait être ignorée.
Penser sa mort
La famille est coupée en deux camps, d'un côté autour de ses parents, fervents catholiques opposés à l'arrêt des traitements, de l'autre autour de son épouse Rachel et son neveu François, qui entendent mettre fin à cet "acharnement thérapeutique" et affirment que l'ex-infirmier avait pris position contre tout acharnement thérapeutique. Vincent Lambert n'a pas laissé de directive anticipée écrite.
Le dialogue et le temps n’ont pas réussi à dégager des solutions sereines et apaisées, comme notre législation le permet le plus souvent dans des situations analogues. Nous devons apprendre de Vincent Lambert à "penser la mort", écrire nos directives anticipées et désigner une personne de confiance pour éviter que de pareilles situations ne se reproduisent
conclut Jean Leonetti.
Même mesure du professeur Delfraissey
Interrogé sur France Inter, le professeur Delfraissy, président du Comité consultatif national d'ethique, n'a pas commenté la décision de la cour d'appel de Paris, qui a ordonné lundi la reprise des traitements de Vincent Lambert.
Je ne pense pas qu'on puisse prononcer le mot d'euthanasie. (...) Il ne s'agit pas d'un arrêt mais d'une modulation des soins, avec un arrêt des perfusions et de l'alimentation mais une poursuite des (autres) soins quotidiens
a-t-il estimé.
Concernant le droit à mourir dans la dignité, le professeur a appelé à appliquer la loi Claeys-Leonetti de 2016 qui, tout en interdisant l'euthanasie et le suicide assisté, permet la suspension des traitements dans certaines situations.
Cette loi, en vigueur depuis février 2016, "n'est pas connue et n'est pas appliquée", a-t-il regretté, appelant lui aussi chaque Français à faire connaître ses directives anticipées en matière de fin de vie et de soins palliatifs.
La loi Claeys-Leonetti "a le mérite d'être un cadre juridique" et forme "une base solide" même si "on peut la faire évoluer", a-t-il ajouté.
Aucune information sérieuse sur les directives anticipées selon l'association pour le droit de mourir dans la dignité
Invité de France Bleu Azur Matin au micro de Fabien Fourel, Jacques Desaunay est le délégué des Alpes-Maritimes de l'association Pour le Droit de Mourir dans la Dignité. Il estime qu'aucune information sérieuse sur les directives anticipées n'a été faite par les pouvoirs publics. Pour lui, cette loi Clayes-Leonetti sur la fin de vie doit aller plus loin et être contraignante pour les médecins et il pense que la question de l'euthanasie doit être abordée sans tabou.
Directive sur la fin de vie
Toute personne majeure peut faire une déclaration écrite appelée directives anticipées pour préciser ses souhaits concernant sa fin de vie. Ce document aidera les médecins, le moment venu, à prendre leurs décisions sur les soins à donner, si la personne ne peut plus exprimer ses volontés.