Les "apéros de la mort", ou comment discuter sans retenue d'un sujet encore tabou

À Antibes, un apéritif pas comme les autres permet de se réunir et de parler d'un sujet intime, pas forcément facile à partager : la mort. Le concept est venu de Suisse, et c'est autour d'un apéro que la parole se libère.

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"Le thème, c'est la mort. Sentez-vous libre de parler, de ne pas parler, de vous écouter, de vous respecter, de partager votre expérience !" Le thème est posé par Ana Jeanclos, sophrologue dans les Alpes-Maritimes. Elle est également thanadoula : elle accompagne les fins de vie et les deuils.

Autour de la table, ce 25 octobre dans cet établissement des Alpes-Maritimes, les participants à cet "Apéritif de la mort" sont une quinzaine, pas plus. Ils ne se connaissent pas encore. Un petit temps de recueillement est proposé avant de commencer la séance.

Puis la parole va très rapidement se libérer, autour d'une bière ou d'un café. Parce que l'apéro, c'est la vie, et la mort fait partie de la vie.

Quand la mort fait parler d'elle

Pendant deux heures, lors de ces "apéros de la mort" sur inscription, chacun prend la parole. Michelle se livre sans tabou, elle ouvre son cœur : "Quand j'essaie de parler de la mort, Mama Mia… ça aussi, c'est un sujet… Le don d'organes, parler de la mort, de mourir dignement, ce sont des sujets autour de la mort dont on ne parle pas du tout."

J'ai perdu ma fille, mon mari s'est recroquevillé sur lui-même, les hommes ça ne parle pas vrai ou faux ? 

Michelle, participante

Les Apéros de la mort favorisent les échanges et libèrent des mots parfois impossibles à confier à des proches.

"Il y a la vraie mort, et puis il y a la dégradation avec la maladie qui fait que parfois, on a déjà perdu les gens qu'on aime. Elle est là, et puis elle n'est plus là, est-ce qu'on peut se préparer, est-ce que cela a un sens, est-ce qu'on peut être prêt ?", s'interroge une participante.

Un concept venu de Suisse

Les Apéros de la mort sont librement inspirés des cafés Mortels, nés en Suisse en 2004, et le concept s'est rapidement propagé à Paris, puis dans les régions. Dans les Alpes-Maritimes, ils sont animés par Ana Jeanclos et Michelle Sorrentino, "funeral planner" et créatrice d’ "Une fin en soie".

Et aucun apéro de la mort ne se ressemble lors de cet espace éphémère de partage.

La particularité des Apéros de la mort, c'est qu'il n'y a pas de visée thérapeutique durant cet événement-là. A quoi ça sert ? À changer notre vision de la mort, à oser en parler en famille.

Ana Jeanclos, sophroloque et thanadoula à France 3 Côte d'Azur

L'expérience de chacun est propre, parfois surprenante. Ainsi, une participante explique avoir été souvent toute seule sur son canapé à pleurer. Et elle n'avait plus envie de sortir ou de voir des gens.

"C'est une chienne qui m'a fait faire un bond dans le deuil. J'ai commencé à lui dire : bon, tu n'es pas sortie, je te sors. Mais ce n'est pas moi qui la sortais, je m'en suis rendu compte longtemps après. On a commencé par de toutes petites promenades, puis près de plus en plus longues, je suis allée à la plage, j'ai respiré la mer. Ça faisait un bien fou et c'est à moi que ça faisait du bien."

L'échange durera deux heures, le temps de vider les verres et de rendre la parole sur la mort vivante. "On se retrouve à la fin de notre vie complètement désemparé face à cette situation qui va à tous nous arriver de toute façon, car c'est un grand scoop, on va tous mourir !" conclut Ana Jeanclos dans un éclat de rire. 

Article rédigé avec Olivier Chartier-Delegue et Nassim Tireche

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