Une artiste de Cagnes-sur-Mer, dans les Alpes-Maritimes, réalise depuis une dizaine d'années des empreintes et des moulages de mains de personnes décédées, sur demandes des familles. Un souvenir post-mortem très symbolique.
Une main, ses plis, ses rides, ses irrégularités, ses creux, ses veines, ses ongles... C'est avec autant de détails que l'artiste Aurélie Mangano réalise des empreintes de mains de défunts. Basée à Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes), elle réalise ces moulages post-mortem depuis dix ans.
Cette ancienne prothésiste dentaire a découvert cette technique il y a 29 ans, quand elle a réalisé une empreinte de la main de son fils à sa naissance.
Depuis, elle a été contactée par des particuliers et des stars aux quatre coins de la France pour réaliser leurs propres moulages. Ainsi, Diam's, David Hallyday, Michael Youn, Pierre Richard et Charles Aznavour se sont glissés entre ses doigts.
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Parmi ces sollicitations, il y a aussi plusieurs pompes funèbres. "Au départ, je me défilais, j'étais jeune, je n'étais pas prête. Je n'avais pas envie d'entendre parler de la mort..."
Ce n'est qu'en 2013, peu de temps après son arrivée sur la Côte d'Azur, qu'elle décide de passer le cap. Elle explique : "sur les stands que j'ai pu faire, il y avait plein de personnes qui s'arrêtaient en larmes en me disant qu'elles auraient aimé avoir une empreinte d'un proche. C'est vraiment la demande des gens qui m'a amenée vers ça."
Elle réalise des empreintes de son mari et donne des exemplaires à des pompes funèbres pour les présenter aux familles. Au départ, la démarche paraît farfelue, "pour certaines personnes, c'est inconcevable de réaliser l'empreinte d'un mort, mais pour d’autres, c'est un trésor inestimable".
Tout un symbole
À ce jour, elle réalise une à deux empreintes post-mortem par mois. Lorsqu'elle est appelée par les familles ou les pompes funèbres, tout va très vite. Elle se rend dans le salon funéraire : "il faut environ une heure auprès du défunt pour faire plusieurs empreintes".
Elle en fait quatre environ, par sécurité, car elle ne pourra pas en refaire plus tard si le besoin se présente.
Je me sens plus utile dans ma pratique à faire du bien à une famille endeuillée, c'est magique.
Aurélie Mangano,artisteà France 3 Côte d'Azur
Elle utilise pour cela de l'alginate, une pâte aussi utilisée pour faire des moulages dentaires. Elle sèche très vite en l'espace d'une minute trente. La main est immobilisée et tous ses détails sont représentés.
Elle poursuit les autres étapes dans son atelier et il y a ensuite trois semaines de séchage avant que la famille ne puisse récupérer la sculpture. Elle se souvient d'une demande d'un client qui l'a particulièrement marquée : "sa femme était pianiste, ses mains représentaient beaucoup pour elle. Il m'a demandé un moulage de celles-ci pour les mettre dans son cercueil avant l'enterrement".
La main est tout un symbole pour les familles qui veulent garder un souvenir de l'être cher. C'est un moyen de faire le deuil, de garder une trace physique pour ceux qui n'ont pas pu se recueillir et qui ne peuvent garder l'urne funéraire.
Ça leur permet de se souvenir : "la douceur, la force, le talent, l'amour d'une mamie, d'une maman, d'un papa, de son papi... Ces empreintes parlent aux personnes endeuillées dont les mains du défunt étaient un symbole marquant pour eux".
Un art ancestral
La représentation de l'être aimé après sa mort ne date pas d'aujourd'hui. C'est en fait un art ancestral que l'artiste sculpteur a décidé de remettre au goût du jour. Dans l'Antiquité, il y avait par exemple les masques funéraires des pharaons.
Et, si on remonte à la Préhistoire, les mains, déjà, avaient toute une importante avec leurs représentations sur les parois des grottes.
Depuis la nuit des temps, l’Homme cherche à conserver l’empreinte de sa main après son passage.
Aurélie Mangano, artisteà France 3 Côte d'Azur
Aurélie Mangano se souvient d'un autre exemple marquant, plus récent encore, d'un moule mortuaire mondialement connu :
"Un moulage a été réalisé sur une jeune femme inconnue qui s'est noyée dans la Seine au XIXe siècle, le médecin légiste trouvait ses traits parfaits. Par la suite, en 1963, ce moulage a été réutilisé pour servir de visage aux mannequins des secouristes qui se forment pour la réanimation cardiaque. On la surnomme aussi la femme la plus embrassée du monde". Ce mannequin est aujourd'hui nommé Anne Resusci.