Dans le cadre de la Journée Mondiale Pour la Défense des Animaux Liminaires, One Voice se mobilise et appelle la mairie à mettre un terme à la cruauté des méthodes utilisées pour réduire la population de pigeons.
Sur la place des Martyrs de la Résistance, à Antibes, les touristes et les habitants se promènent tranquillement. Les pigeons aussi. Ces volatiles, de la famille des Colombidés, sont pour la plupart des pigeons Biset appelés également, par extension, pigeons de villes. Ils peuvent peser entre 240 et 300g, et vivent jusqu'à 6 ans. Les militants de l'association One Voice tentent de sensibiliser les passants à leur triste sort, bien que ces oiseaux ne soient pas en odeur de sainteté en centre-ville.
Le but est de mettre l’accent sur ces animaux très peu aimés que l’on considère comme sales, plein de maladies et envahissants… Apprendre à les connaître et leur donner une nouvelle image. Rappelons quand même que pendant des années, les pigeons ont été considérés suffisamment intelligents pour pouvoir avoir des missions de messagers, de pigeons voyageurs, etc.
Aurore Defix, One Voice
Ils sont de plus en plus nombreux en ville et la cohabitation avec les citadins devient de plus en plus problématique. Alors, certaines municipalités mettent en place des stratégies afin de diminuer leur nombre. Mais, la plupart du temps, ces méthodes sont "brutales" et "cruelles" selon l'association PAZ (Projet Animaux Zoopolis), fondée en 2017, qui n'hésite pas a diffuser des vidéos, sur leur site internet.
"Les pigeons sont des êtres sensibles"
Les défenseurs de la cause animale, One Voice, PAZ et PETA, pointent du doigt ces différentes méthodes utilisées, comme "la mise à mort par gazage, par système sous-vide ou à l’aide d’une pince coupante". Elle est employée à Angers, Reims et Lille, selon les informations de l'association PAZ qui a réalisé un important travail de recensement sur tout le territoire français.
Car même une méthode, à première vue inoffensive, comme la pose de filets, s'avère en définitive terrible pour les volatiles qui restent souvent piégés. L'assocation PETA qui s'associe également à la démarche, définit ces dispositifs comme "des mouroirs à pigeons".
PAZ a également pu identifier les communes qui utilisent la stérilisation chirurgicale. Cette dernière entraîne, toujours selon l'association, une importante mortalité et une très grande souffrance. Parmi ces villes, Toulouse, Nîmes, Troie, Boulogne Billancourt et ... Antibes ! PAZ rappelle que certaines de ces communes ont pourtant un élu en charge de la protection animale. À Antibes, il s'agit de Gérald Lacoste.
À Antibes, on réfléchit
Comme dans la plupart des grandes villes, l'animal est accusé d'être transporteur de parasites et de maladies comme le précise, Eric Duplay, adjoint en charge de la santé, de l'environnement, et du développement durable. Il reconnaît que cette méthode de stérilisation chirurgicale "n'est pas la bonne" mais qu'elle est "exploré depuis très longtemps" et défend les résultats obtenus en termes de mortalité.
L'année dernière, sur 350 pigeons capturés, il y a eu 5 décès pendant l'opération et 7 décès dans les 48h après l'intervention. C'est raisonnable, mais c'est trop. C'est trop.
Eric Duplay, adjoint au maire d'Antibes en charge de la santé, l'environnement et au développement durable.
La municipalité affirme réfléchir à une autre méthode qui préserve le bien-être animal : le pigeonnier contraceptif. Le principe consiste à secouer les œufs pondus ou à les remplacer par des factices afin qu’ils n’éclosent pas. Il ne faut pas les retirer, les pigeons chercheraient alors un autre lieu de ponte. Il est nécessaire de fidéliser les oiseaux au pigeonnier, celui-ci doit être entretenu (nourriture et nettoyage). La mairie d'Antibes a l'intention de "placer 2 ou 3 pigeonniers contraceptifs dans les jardins marquants de la ville et d'observer les effets sur la population de pigeons" et ... d'aviser.
L'adjoint au maire précise que cela offre plusieurs intérêts : "D'abord, c'est beau, puis cela comporte un côté pédagogique, montrer que l'on peut réguler une population (animale) avec une méthode douce; Et cela a même un intérêt dans l'économie circulaire : on peut récupérer la fiente pour faire de l'engrais pour les jardins partagés".
Nice et ailleurs en France
Dans les Alpes-Maritimes, Nice fait figure de pionnière dans le domaine et a installé ses premiers pigeonniers contraceptifs, il y a 13 ans. Le site de la ville précise "Depuis leur installation entre juillet 2011 et décembre 2012, le taux d’occupation des casiers varie aujourd’hui entre 45 et 60 %". Il en existe 4 actuellement : dans le Parc Phoenix, dans le jardin de la Maison de l’Environnement, avenue Castellane, à l'angle du Parc de Gairaut, avenue Henri Musso et dans le jardin Kessel à l'angle de l'avenue Raymond Comboul et de la rue Rouget de L’Isle.
En 2022, l'association PAZ a demandé à 141 communes françaises de leur fournir les documents administratifs relatifs à la gestion des pigeons. 52 ont refusé. L'association affirme avoir saisi le Tribunal Administratif pour plusieurs d'entre elles. En ce qui concerne celles qui ont répondu favorablement à cette demande, voici leurs méthodes :
- 46 villes ont recours uniquement à des méthodes non létales, ou à aucune action particulière,
- 44 capturent puis gazent les pigeons et/ou ont recours à des campagnes de tirs,
- 6 ont recours à la stérilisation chirurgicale.
Le pigeon, un animal liminaire
Dans un article paru sur le site de la Fondation Droit Animal, Éthique et Sciences, créée il y a 47 ans, un article précise qu'un "équipe de savants réunis à la Société française de zoosémiotique réfléchit au sein de la commission Comportements animaliers et cultures animalières à l’intégration dans la langue française de nouveaux termes en lien avec ces problématiques nouvelles".
Dans le cadre de cette évolution, le pigeon est donc devenu un animal liminaire. Au même titre que les renards ou les sangliers. C'est-à-dire "un animal qui franchit un seuil lorsqu’il interfère avec les humains ou avec d’autres espèces sur un territoire commun. Le franchissement de ce seuil peut avoir des conséquences sur le bien-être, la reproduction, la survie de ces animaux sauvages ou domestiques". Cette définition est récente, et serait issue d'un ouvrage édité en 2011, Zoopolis : une théorie politique des droits des animaux. Les auteurs sont Will Kymlicka et Sue Donaldson, lui est une figure de la philosophie politique contemporaine, elle, chercheuse, est également sa compagne. Selon eux, "les animaux entretiennent des relations variables avec les institutions politiques et ils pratiquent différentes formes de souveraineté territoriale, de colonisation, de migration d'appartenant sociale" (p26). les auteurs soutiennent donc l'idée qu'il faut créer les "conditions d'interactions juste entre les communautés. (p24)
En matière de droit et de protection animale, la plupart du temps, l'attitude adoptée est la protection des animaux contre les violences qu'ils peuvent subir. Or, une telle approche ne donne pas toujours un résultat pratique significatif. Les auteurs "se focalisent non sur les droits des animaux, mais sur nos obligations concrètes à leur égard. Ce qui suppose que l'on examine nos relations avec eux."