Ce Cannois est parti trois mois et demi faire le tour de l’Europe en stand up paddle avec son chien. A son retour France 3 a voulu en savoir plus ce défi hors du commun.
GM : Ne vous est-il jamais venu l’envie de partir, tout quitter et vivre pendant un moment sans contrainte de temps et d’endroit où dormir… Tout laisser derrière et vivre une aventure qui resterait gravée dans votre mémoire… Cette aventure fut un peu comme une bonne recette de cuisine, on trouve l’idée et au fur et à mesure on y rajoute des ingrédients… Ce fut chose faite une fois que j’avais ajouté ma fidèle chienne qui me suit depuis 15ans, ma passion pour la glisse et ma forte dose de curiosité qui me pousse à aller à la découverte de tout ce qui me peut m’apprendre quelque chose.
Je ne parlerai pas de défi mais plutôt d’aventure, celle de partir à bord de mon camion aménagé avec Tara (ma chienne de 15ans et demi) pour arpenter mers, lacs, océans et rivières, en quête de glisse sur ma planche de stand up paddle. L’Europe fut un excellent terrain de jeu, et avec les frontières ouvertes une facilité pour voyager avec Tara.
F3 : Peux-tu nous le présenter en quelques lignes ton défi ? Le parcours ?
GM : Mon goût prononcé pour la nature et les grands espaces ont tout de suite orienté mon parcours vers les pays scandinaves, l’hiver étant encore en place, cela ne pouvait être qu’une fabuleuse aventure pour moi.
Le départ fut donné le 20 février en direction de la Suisse, puis se sont succédés le Luxembourg, les Pays Bas, l’Allemagne, le Danemark, la Suède, la Norvège (le Nord avec les Iles Lofoten), la Finlande, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne et la Slovaquie.
F3 : Ton matériel ?
GM : Le titre de mon aventure est évocateur du matériel que j’ai emporté avec moi, tout pour glisser dans la mesure du possible. J’ai eu la chance d’entrer en contact avec une personne formidable en Suisse, qui a fait naître il y a quelques années Fool Moon, une marque de planche de Stand Up Paddle. Mon aventure lui a tout de suite plu. Pierre Yves Hocké, m’a donc mis à disposition une planche de 12 pieds gonflable pour ramer et partir à la découverte, ainsi qu’une autre de 8,6 pieds pour surfer. J’ai aussi eu une pagaie en carbone de la même marque, je ne pouvais pas rêver mieux.
J’ai eu la chance d’entrer aussi en contact avec une autre personne formidable, Wolfgang Ortfried Leeb, qui produit des combinaisons étanches pour les stand up paddle, la marque Supskin. Il m’a mis à disposition une superbe combinaison, qui m’a bien servi lorsque je ramais par des températures négatives sous la neige ou sous la pluie.
J’ai aussi pris avec moi mon snowboard et mes raquettes dans l’idée d’aller sur certains sommets pour aller faire ma trace dans la poudreuse, ainsi que deux ailes de traction, pour les jours de vent, afin de faire du snowkite.
F3 : Tes plus beaux souvenirs pendant ce voyage ? Moments forts ?
GM : Mes plus beaux souvenirs… Il y en a tant… Si je devais choisir je dirais le Luxembourg car je me rends subitement compte que je suis enfin libre de toute obligation…
Puis mon arrivée en Suède, je coupe le moteur, mange en pleine forêt et au moment de repartir, alors que la nuit est tombée, j’allume les phares et suis entouré d’une dizaine de cerfs… Et ce n’était que le début, voir une aurore boréale, se retrouver perdu en pleine Laponie avec pour seul paysage un lac immense gelé sur lequel un troupeau de cerfs marchent péniblement à cause de l’épaisseur de la neige.
Que dire des Iles Lofoten en Norvège, un endroit magnifique qui vous fait monter les émotions. Ramer en stand up paddle sur les Fjords, entourés de neige, fut un des moments magiques de ma vie.
Puis le fait de retrouver des amis que je n’avais pas vus depuis quelques années et qui étaient en même temps au même endroit que moi sans que je le sache ! Ce fut deux jours formidables, et quand sur la route ils sont partis à droite et moi à gauche, l’émotion est montée… C’est terrible comment une aventure pareille vous fait monter les émotions, votre sensibilité est à fleur de peau, on se découvre autrement, ça fait bizarre mais c’est tellement plaisant.
Il y a aussi les rencontres que j’ai faites, avec des gens exceptionnels, et des moments de partages intenses, car courts, mais tellement bons. Je ne parle pas de tous mes coups de rame, je me souviens de tous, chacun gravé dans ma tête, dans des lieux vierges et magnifiques. Bien sûr tous les moments de connivence avec ma chienne, 3 mois et demi ont réussi à rendre notre lien encore plus fort.
Puis les larmes de mon père lors de mon départ et à mon retour... Quand vous avez devant vous un homme qui ne dit jamais rien, de le voir pleurer vous procure ce sentiment d’appartenance et d’amour, ça vous touche au plus profond de votre être....
F3 : Des difficultés ? Le retour imprévu suite à la santé de Tara ?
GM : Bien sûr il y a eu des galères. Je citerai ma fâcheuse tendance à bloquer mon camion que ce soit dans la boue, le sable, sur la glace ou dans la neige… A chaque fois on m’a aidé. Bon parfois au bout de 2 ou 3 heures (rires).
Et puis, je partais avec ma chienne âgée qui a de l’arthrose. Ca ne pouvait que compliquer l’aventure, mais il était hors de question de la laisser en France. Une chute en Allemagne, avec deux semaines sans pouvoir marcher, puis une paralysie du train arrière en Norvège à cause de l’humidité, m’obligeant à traverser la Suède d’une traite pour filer en Finlande où l’humidité était moindre, puis son infection en Slovaquie. A chaque fois j’ai pu compter sur mon vétérinaire en France, un vrai soulagement.
Et effectivement un retour imprévu mais obligatoire. La Slovaquie fut notre dernier pays... Tara est tombée malade, une grosse infection, elle est une chienne brave et courageuse et de la voir dormir tout le temps, et surtout refuser de sortir du camion fut un avertissement pour moi. Les trois nuits difficiles que j’ai vécues m’ont convaincu qu’il fallait rentrer. De plus les températures grimpaient terriblement, je ne pouvais pas risquer la vie de ma chienne juste pour mon plaisir des voyages. Nous sommes partis à deux, nous devions rentrer à deux. Elle a traversé 12 pays, a foulé la terre, le sable, la glace et la neige de ses pattes, je ne pouvais être que fier de tout ça et lui donner à présent le repos et les soins qu’il fallait, soins que je ne pouvais pas donner en vivant dans un camion. J’ai donc pris la décision d’avorter notre aventure et de rentrer au plus vite vers la France, en deux jours et demi nous étions en France chez nous.
F3 : Si Tara se remet bien, vas tu repartir ? As-tu déjà d'autres projets en tête ?
GM : Tara s’est remise, elle a eu droit à du repos et quelques jours en montagne. Repartir de suite, non, car elle ne pourrait pas m’accompagner, il fait trop chaud et il est hors de question de partir sans elle. Quand je l’ai sortie du refuge il y a 15 ans alors qu’elle avait 8 mois, c’était pour la garder près de moi et lui offrir une belle vie à mes côtés… Je ne serais pas tranquille de partir en la laissant chez mes parents, et puis elle me manquerait.
Mais je suis revenu avec une furieuse envie de repartir oui. Je suis professeur d’EPS, et vais donc profiter de mes vacances de Noël pour reprendre la route avec mon matériel et aller au Monténégro. Je devais le faire et ce pays reste le gros regret de mon arrêt. Il y a notamment la rivière qui s’appelle la Tara et qui serpente dans un canyon, le deuxième plus profond au Monde. Bien évidemment, si ma Tara est toujours là, elle sera de la partie et ira mettre ses pattes dans cette rivière qui porte son nom.
Je prévois aussi l’Autriche pour aller y glisser en stand up paddle et en snowboard. L’été 2018 sera marqué par un road trip en Ecosse et en Irlande toujours pour aller glisser en stand up paddle.
J’ai aussi pour projet de faire la traversée en stand up paddle de Cannes jusqu’en Corse, en aller-retour avec une pause bien sûr. Ce sera courant avril 2018, je vais commencer à chercher des financements. J’ai déjà Fool Moon et Supskin qui me suivent niveau matériel, je vais donc m’attacher à trouver un bateau pour la sécurité, des pilotes, un bon météorologue et m’occuper de toutes les autorisations s’il en faut. Je vais greffer à ce projet un but environnemental, car je me sens concerné par l’environnement marin et sa fragilité.
En parallèle, je suis gonflé à bloc pour reprendre les compétitions de SUP, à mon niveau bien sûr.
Voilà « y a plus qu’à » !
F3 : Un message pour les internautes de France 3 ?
GM : Si je devais m’adresser au public je dirais que le voyage est un bol de connaissances, soyez curieux et plongez-y, allez vers les autres et prenez ce qu’ils ont à vous donner, et échanger. Enrichissez-vous de toute cette culture, de ces moments, de ces paysages, de tous ces gens qui feront que votre esprit s’ouvrira. Ne vous contentez pas de regarder mais fondez vous dans la masse et vivez tous ces instants. Penser être riche car on a beaucoup de chiffres sur son compte en banque m’a toujours semblé ridicule, aujourd’hui plus encore. Le fou est celui qui vit, qui apprend et qui s’extasie des jolies choses de la vie. Peu importe votre passion, n’attendez pas, vivez là.+ d’infos sur le trip en paddle de Gilles Mathieu et Tara : Et Si Nous Glissions en Europe. Vous nous suivez?