Festival de Cannes. #MeToo, l’IA, un cinéma éco-responsable… Ce spécialiste du cinéma évoque les sujets qui agitent la Croisette

Au lendemain de l’ouverture du 77ᵉ Festival de Cannes, France 3 Côte d'Azur a rencontré Manuel Alduy, directeur cinéma de FranceTélévisions.

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Évidemment pour lui, Cannes est un temps fort dans l’année « ces Jeux Olympiques », il répond aux questions qui font l’actualité de cette édition cannoise 2024.

Que représente le Festival de Cannes pour le directeur du cinéma de FranceTélévisions ?

Manuel Alduy : "C’est un moment de célébration du cinéma pour le grand public, on a une offre de cinéma tout au long de l’année et on essaie de l’événementialiser, on met davantage l’accent sur certains films, certaines thématiques."

Le Festival de Cannes, c’est un peu nos Jeux Olympiques. Pendant une douzaine de jours, on va illustrer ce qu’on fait tout au long de l’année, ce que l’on fait sur nos chaînes.

Manuel Alduy, directeur cinéma de FranceTélévisions

"Le deuxième aspect, c’est qu’on montre le festival dans le plus de lucarnes audiovisuelles possibles, on diffuse des films des éditions passées par exemple. Chaque émission conserve son ADN en traitant Cannes, c’est amener le Festival de Cannes dans les foyers. C’est un exercice de démocratisation, j’espère que ça va donner envie aux plus de gens possibles d’aller en salle, c’est l’objectif caché de FranceTélévisions, c’est une mission de transmission, un peu comme un café gourmand, on vous donne à goûter un peu de tout."

  • Et vous, vous venez en chercher des films ? 

Manuel Alduy : "Oui, il y a un travail de prospection, en assez peu de temps. Par exemple, La Nuit du 12, Elvis, ce sont des films que l’on a vus à Cannes, on s’est dit "si on arrive à l'acheter à Cannes, 2 ans pour tard, ce sera sympa de les montrer au grand public en clair".
Après, il y a un deuxième aspect, rencontrer des producteurs qui vont nous parler de leurs projets. On pose ici les jalons des projets qui nous seront après présentés de façon plus précise.
Le troisième aspect, c’est un moment de rencontres professionnelles, il y a beaucoup de conférences thématiques. On va parler de l’avenir de la filière, de l’éco production, de la parité dans le cinéma, de l’inflation des budgets de certains films. Par exemple, il y a tout un cycle sur les apports de la technologie et de l’intelligence artificielle dans le cinéma."

  • Et justement, est-ce que l’IA fait peur ?

Oui, ça fait peur parce que pour le 7ᵉ art, ça représente un enjeu et un danger sur la création elle-même.

Manuel Alduy, directeur cinéma FranceTélévisions

"C'est pour cela qu'aux États-Unis, l'an dernier, il y a eu une grève qui a agité tous les scénaristes, personne n'a envie de se faire remplacer par une intelligence artificielle, la beauté de la création cinématographique, elle reste humaine."

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Manuel Alduy, directeur cinéma de France Télévisions répond à France 3 Côte d'Azur sur l'avenir de l'IA dans le cinéma. ©Manon Hamiot / FTV
Nous, on essaie de dire que la création doit rester intégralement humaine. Après sur l'aspect technique, les effets spéciaux par exemple, quelle est la différence entre l'IA et ce que l'on voit depuis de nombreuses années ? Personne n'était choqué de voir Harrison Ford, dans Indiana Jones tout jeune alors qu'il a 80 ans, c'est déjà l'IA qui est à l'œuvre derrière. On est au début de l'IA, notre point de vigilance, comme on l'a fait en France, c'est que la création doit rester dans le domaine des auteurs, autrices comme des journalistes, quand on parle de la presse.

  • C'est l'un des enjeux majeurs du cinéma, réduire l'impact environnemental de la production, comment France Télévisions s'adapte ? 

Manuel Alduy : "France Télévisions dans son rapport au cinéma a une influence, mais on n'est pas directement producteur ou à la manœuvre dans la fabrique des films. On n'est pas à l'initiative des projets, on intervient comme co-producteurs dans le meilleur des cas, mais minoritaires, nos investissements pèsent en moyenne 15% des devis. L'impact que l'on peut avoir, c'est sous forme de messages, de chartes, on essaie de définir ce que l'on accepte et ce que l'on n'accepte pas quand on est partenaires d'un film. "

On n'est pas encore allés jusqu'à la création d'un bonus financier, si un film a une empreinte carbone zéro, peut-être un jour. On en est encore aux prémices de la mise en œuvre de mesures.

Manuel Alduy.

"C'est une démarche qui est engagée lorsque France.tv est producteur comme pour les fictions, le doc. Pour le moment, on ne connaît pas encore suffisamment en amont la façon dont le film va se tourner. Le CNC est toujours la cheville ouvrière et le point central, c'est lui qui donne un agrément. 

  • Autre enjeu, les violences sexuelles et sexistes sur les tournages, il y a eu la rumeur de cette liste de noms à paraître menaçant le festival, comment sentez-vous l'ambiance au FIF ?

Manuel Alduy : "l'ambiance au Festival de Cannes elle est à l'image de filière, tout prend plus d'ampleur. Le sujet des violences sexistes et sexuelles dans le cinéma a eu point de relance l'an dernier avec l'affaire Depardieu, et un Complément d'enquête diffusé sur France 2 et avec l'action de Judith Godrèche, que nous soutenons par ailleurs, parce que nous sommes pré-acheteurs de son film. Oui, c'est un sujet à Cannes, après il y a comment le sujet est traité à Cannes. Comme c'est un sujet qui peut effrayer, faire grincer. Notre vrai sujet ce n'est pas tant les œuvres d'avant, revisiter le passé n'a d'intérêt que pour se dire qu'il y a un problème et qu'il faut le traiter. La politique de France Télé, c'est de ne pas censurer les films. Sur les réseaux sociaux, effectivement, il y a des comptes anonymes qui disent "attention, il y a une liste", c'est tellement ridicule, ça, on arrive à Cannes, on n'en parle même plus. Le sujet, c'est comment on avance, comment on reconnaît qu'il y a un problème, qu'il est systémique, qu'il faut qu'il y ait des mesures systémiques pour lutter contre cela."

  • Comment on agit alors ?

Ça nous est arrivé d'être indirectement concernés, dans des films où France Télévisions était co-producteurs. On a adopté une ligne : à chaud, on suspend la diffusion du film, on ne le censure pas mais on lui trouvera un autre contexte éditorial, s'il y a des dénonciations en nombre sur une personne, on ne célèbre plus cette personne, on ne fait pas de soirée spéciale par exemple.

  • Vous agissez donc avant une condamnation ?

Oui, parce que ces affaires-là ne tiennent que si on respecte deux choses, la présomption d'innocence de l'accusé, mais aussi la présomption de crédibilité de toute victime qui vient dire "voilà ce que l'on m'a fait". Il faut laisser les paroles se libérer, pour que ça change, on soutient tous les témoignages, même lorsque ce sont des films avec lesquels on est partenaires.

  • Les femmes sont sous-représentées dans le cinéma, est-ce qu'il faut aller jusqu'à imposer des quotas ?

Oui, nous à France Télévisions, on s'est imposé un quota de 30%, l'an dernier, on était à 37% de réalisatrices, là, on rehausse la barre pour atteindre la parité dans les 5 ans. Je pense qu'on est le seul diffuseur à avoir un vrai quota. Cette année, au Festival de Cannes, nous avons 18 films qui ont été sélectionnés, sur ces 18 films, nous avons 8 réalisatrices. Ce qui montre bien que ça avance, pour le coup dans son contexte de sélection le Festival de Cannes n'a pas de quota. D'autres problématiques demeurent, les réalisatrices produisent souvent des films pas chers. Pourquoi il n'y a pas de grosses productions réalisées par des femmes ? C'est toute une chaîne de fabrication à revoir, les producteurs sont souvent des hommes, c'est un milieu encore assez artisanal, les gens travaillent avec ceux avec qui ils ont l'habitude. Pour forcer un peu la marche, je pense qu'il faut passer par des quotas.

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