Auribeau-sur-Siagne : perquisition à la mairie, soupçons de prise illégale d'intérêt, le procureur de Grasse ouvre une enquête

Michèle Paganin, la maire d'Auribeau-sur-Siagne est sous le feu des critiques. Les opposants critiques son rôle dans une affaire qui oppose la ville et son ex-mari. La commune d’Auribeau-sur-Siagne a été condamnée à payer plus de 430 000 euros à Marc Paganin, à l’origine du lotissement du "Parc des Condamines".

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Il s’agit du plus grand programme immobilier jamais bâti dans le village d’Auribeau-sur-Siagne : le "Parc des Condamines". Ces dizaines de maisons bourgeoises, offrant à leurs résidents une vue superbe sur la colline, se retrouvent au cœur de batailles juridiques depuis leur sortie de terre.

Le dernier épisode de cette saga judiciaire vient de se conclure par un jugement du tribunal administratif de Nice, rendu le 1er juin. La municipalité est condamnée à verser plus de 430 000 euros à Marc Paganin, l’un des porteurs du projet du "Parc de Condamines". Le tribunal a estimé que les aménagements et infrastructures construits par la commune n’étaient pas à la hauteur des sommes déboursées par Marc Paganin, dans le cadre du plan d’aménagement d’ensemble (PAE).

Cette décision, que vient sanctionner le jugement du tribunal administratif, a été prise par sous la précédente mandature, du temps où Jacques Varronne était maire d’Auribeau-sur-Siagne. Depuis, ce n’est autre que l’ex-femme du plaignant, Michèle Paganin, qui s’est installée à la mairie.

Quand la mairie n’est pas défendue à l’audience

L’affaire aurait pu en rester là. Seulement, un détail a attiré l’attention de l’opposition au conseil municipal d’Auribeau-sur-Siagne. L’avocat désigné par la mairie n’a déposé aucun mémoire au tribunal administratif pour faire valoir les intérêts de la commune. La procédure administrative étant écrite, c’est sur la base des seuls arguments de Marc Paganin que les juges ont fondé leur décision.

L’avocat de la commune, Me Philippe Chrestia, reconnaît un "dysfonctionnement" de son cabinet, évoquant une possible "confusion entre deux dossiers de la part de mon assistante", qu’il dit avoir depuis licenciée dans le cadre d’une rupture conventionnelle.

"C’est une faute lourde de conséquences", juge la maire, Michèle Paganin, qui indique avoir saisi l’ordre des avocats et le tribunal administratif de Nice.

Des alertes laissées sans réponse

Mais un autre élément a poussé plusieurs élus du conseil municipal à envoyer un signalement au procureur de la République, évoquant une éventuelle "prise illégale d'intérêts" de la part de Michèle Paganin, maire et ex-épouse de Marc Paganin.

"Aucun conseiller municipal, malgré les demandes, n’a été mis au courant de cette action de Marc Paganin contre la commune", nous raconte Régis Degorce, conseiller municipal en charge des questions juridiques jusqu’à l’été 2022. Lui-même a tenté d’obtenir des explications de la mairie dans une lettre, en avril 2022, envoyée à Michèle Paganin et la directrice générale des services.

Dans ce courrier, dont France 3 Côte d’Azur a pris connaissance, Régis Degorce s’étonne qu’un conseiller municipal n’ait pas été "nommé pour la gestion de cette affaire au nom de la commune", dans la mesure où Michèle Paganin lui semble "être partie prenante, de près ou de loin, dans la conclusion judiciaire" de cette procédure opposant la mairie à son ex-époux. "Je n’ai jamais reçu de réponse à ce courrier", déplore-t-il.

La mairie se défend de tout conflit d’intérêt

Contactée par France 3 Côte d’Azur, Michèle Paganin indique avoir "probablement reçu" cette demande d’explications de la part de son conseiller municipal, mais raconte ne pas en avoir souvenir.

L’édile s’était engagé, dès le début de sa mandature, à informer les élus en cas de possible "conflit d’intérêt" concernant les procédures lancées par son ex-mari, comme le précise une délibération datée du 10 juillet 2020. Or, il ne sera jamais plus fait mention au conseil municipal des poursuites engagées par Marc Paganin à l’encontre de la mairie.

Sur les réseaux sociaux, les deux "camps" communiquent :

"J’ai été prise par les affaires communales et les échéances judiciaires sont tellement lointaines qu’on repousse, on repousse… et le temps passe", explique la maire à France 3 Côte d’Azur. "J’aurais dû constituer une commission pour traiter ce dossier."

L’avocat de la commune, Me Philippe Chrestia, indique, pour sa part, que "la maire est divorcée de Marc Paganin et n’a donc aucun intérêt à ce que la commune perde son procès".

Ouverture d'une enquête

"Les intérêts de la commune sont intacts", insiste la maire, Michèle Paganin, qui annonce avoir fait appel du jugement du tribunal administratif de Nice. Son ex-époux, Marc Paganin, n’a pas demandé l’exécution de la décision : la municipalité n’est pas tenue de le rembourser dans l’immédiat.

Mais, sur les réseaux sociaux, certains s’organisent pour déposer plainte, dans le sillage d’Anthony Tibier, agent immobilier et fils de l’ancien adjoint municipal à la sécurité d’Auribeau-sur-Siagne. "Mme. Paganin ne pouvait ignorer ce qu’elle avait à faire pour défendre les intérêts de la commune. C’est une ancienne notaire, remarque-t-il. Et puis il y a une défaillance de l’administration, qui visiblement n’a pas fait son boulot."

Ce 20 juillet, les gendarmes de la section de recherche de Fréjus-Marseille ont perquisitionné la mairie selon NiceMatin. Le parquet de Grasse a ouvert une enquête pour prise illégale d'intérêts. 

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